Près de deux ans après les tables rondes, le projet de loi Grenelle I a été définitivement adopté, par le Parlement jeudi 23 juillet 2009.
Face à l’urgence d’agir contre la dégradation de l’état de notre planète, les projets de loi Grenelle proposent des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, mieux protéger les milieux naturels et davantage prévenir les risques pour l’environnement et la santé. Un constat s’impose, celui des risques graves et irréversibles liés à la dégradation de l’environnement.
La présence d’un grand nombre d’acteurs, lors de l’élaboration du Grenelle, tels que les associations, le MEDEF ou encore les collectivités locales, témoignent de la nécessité de prendre en compte ces nouveaux défis environnementaux, par tous les acteurs de la société.
En effet, la protection de l’environnement est l’affaire de tous, y compris les entreprises.
Le responsable d’une pollution ne peut plus arguer du fait qu’il a respecté toutes les règlementations en vigueur pour ne pas être condamné. Il pourra l’être au seul motif de ne pas avoir pris les mesures qui auraient permis d’éviter l’accident.
Par conséquent, dans ce contexte en pleine mutation, les entreprises ne peuvent plus minimiser, voire ignorer le risque environnemental pesant sur elle. Il serait dangereux pour elles, de ne pas le prendre en compte.
Opportunité pour les uns, réelles menaces pour d’autres, le Grenelle de l’environnement va devenir un élément crucial dans la stratégie des entreprises.
En effet, bien que le Grenelle II et III, fixant les mesures pour atteindre les engagements pris dans la loi Grenelle I, ne soient pas encore adoptés, il est toujours intéressant, pour une entreprise, d’anticiper les risques juridiques et sociaux pesant sur elle.

Certaines mesures du Grenelle vont toucher directement les entreprises. En effet, la responsabilité sociale environnementale figurait parmi les sujets importants du Grenelle.
Certaines dispositions du Grenelle risquent d’impacter l’ensemble des entreprises, d’autres
toucheront plus spécifiquement certains secteurs d’activités, tels que le bâtiment.

Parmi les mesures phares du Grenelle, l’obligation pour les sociétés de plus de 500 salariés de réaliser un bilan carbone. L’article 24 du projet de loi Grenelle II prévoit que « Sont tenus d’établir un bilan de leurs émissions directes de gaz à effet de serre :
- les personnes morales de droit privé employant plus de cinq cents personnes et
exerçant leur activité dans un secteur fortement émetteur dont la liste sera fixée par un décret en Conseil d’Etat »
Cette obligation, si la loi est adoptée, s’appliquerait à compter du 1 janvier 2011.
L’objet du bilan carbone est de donner à un instant T la quantité d’émission de gaz à effet de serre, d’une entreprise poste par poste. Le bilan ne concernerait que les émissions directes liées au processus de production. Ainsi, le transport des marchandises ne serait pas inclus dans le calcul des émissions. On identifie les sources d’émission tous les ans. De ce bilan, devra découler un certain nombre d’actions pour réduire l’empreinte écologique.
Actuellement, le bilan carbone est financé à 50% par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Il apparaît donc plus intéressant pour une entreprise de réaliser aujourd’hui ce bilan carbone, plutôt que d’attendre l’adoption du projet de loi Grenelle II.

Le Grenelle aura également pour conséquence d’étendre le champ d’application des obligations d’informations environnementales. Cette obligation d’information n’est pas nouvelle, puisque qu’elle est issue de la loi Nouvelle Régulation Economique, dite loi NRE. L’article 116 de la loi NRE impose aux entreprises françaises cotées de fournir des données sociales et environnementales dans leurs rapports annuels. Cependant, cette obligation n’est pas assortie de sanctions juridiques.
La nouveauté serait de l’étendre à d’autres entreprises, pas uniquement aux sociétés cotées. L’article 53 de la loi Grenelle I prévoit d’étendre cette obligation à d’autres entreprises en fonction de leur chiffre d’affaires et de l’effectif. Ainsi, l’Assemblée générale des actionnaires serait informée de ces questions.
Cette obligation d’information pourrait inclure l’activité des filiales de toutes les entreprises soumises à cette obligation.
En outre, le projet Grenelle II prévoit à son article 83 que les actions des sociétés intègrent des critères environnementaux.

Cette idée essentielle du Grenelle, fondée sur la transparence et l’information environnementale, se retrouvent dans d’autres dispositions du projet Grenelle.

En effet, l’un des objectifs du Grenelle est aussi d’informer les consommateurs sur les impacts des produits et services sur l’environnement. Ce qui implique pour les entreprises de nouvelles obligations.
En effet, l’article 54 de la loi Grenelle I prévoit que :
« Les consommateurs doivent pouvoir disposer d'une information environnementale sincère, objective et complète portant sur les caractéristiques globales du couple produit/emballage et se voir proposer des produits respectueux de l'environnement à des prix attractifs." Cela peut se traduire par un étiquetage écologique des produits et services y compris dans les messages publicitaires. Il s’agit de mesurer l’empreinte écologique de chaque bien et service, c'est-à-dire l’impact d’un produit sur l’environnement. Pour aller plus loin, le Grenelle prévoit de créer des labels d’entreprise, attestant de la qualité de leur gestion, dans le domaine environnemental et de leur contribution à la protection de l’environnement.

Sur le plan de la responsabilité, l’une des mesures importantes du Grenelle serait d’étendre la responsabilité des sociétés mères vis-à-vis de leur filiales, en cas de pollution grave. Le projet consiste, plus précisément, à compléter l’article L. 512-7 du Code de l’environnement par un alinéa en vertu duquel « Lorsque l'exploitant est une société filiale au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce et qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à son encontre, le préfet peut saisir le tribunal compétent pour faire établir l’existence d’une faute commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d'actif de la filiale et pour lui demander, lorsqu’une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures prévues au présent article », en l’occurrence l’obligation de réhabiliter le site pollué.
Le dispositif est donc restrictif, en ce qu’il ne vise uniquement le cas où, d’une part, une liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la filiale et, d’autre part, l'insuffisance d’actif doit découler d’une faute commise par la société mère.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit qu’il est possible pour une société mère, de prendre volontairement, en charge la dette environnementale de sa filiale. Cet engagement volontaire d’une société mère à l’égard de sa filiale sera soumis à la procédure des conventions dites « règlementées »

Le Grenelle, dans le but de créer une démocratie écologique va également avoir un impact pour les entreprises, en termes de droits salariaux.
En effet, l’article 53 de la loi Grenelle I prévoit la possibilité pour les organisations syndicales des salariés et d’employeurs, d’intégrer dans les missions des institutions représentatives du personnel une dimension de développement durable.
Les entreprises devront prévoir des modules consacrés à la prévention et au développement durable dans les plans de formation.
Il est également prévu d’étendre la procédure d’alerte professionnelle interne aux risques d’atteinte à l’environnement et à la santé.
De plus, une autre disposition, en matière de protection de la santé des salariés, pourrait
être adoptée. Elle obligerait les employeurs à instaurer un carnet de santé du salarié, retraçant les expositions aux substances dangereuses durant la vie professionnelle.
Ce carnet concernerait les substances dangereuses, mutagènes ou toxiques. Le but étant d’améliorer l’information des salariés avec notamment un perfectionnement des fiches de données de sécurité.

Par ailleurs, toujours un souci de démocratie écologique, le Grenelle prévoit d’introduire des instances de dialogue entre les entreprises ayant un fort impact environnemental et toute partie intéressée, c'est-à-dire les riverains, les collectivités locales ou encore les associations, sur les thèmes des risques et de l’environnement.

Dans différents secteurs de l’économie, le Grenelle va se traduire par une véritable révolution. Ainsi, dans le secteur du bâtiment, secteur le plus consommateur d’énergie, les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire, à compter de la fin 2012, devront répondre à la norme « bâtiment basse consommation », à savoir 50 KW/m2/an.
Quant aux constructions existantes, elles feront l’objet d’une rénovation énergétique, avec comme objectif d’ici 2020, 38% en moins de consommation énergétique. Seront concernés tous les parcs de bâtiments, aussi bien publics, que les logements sociaux, résidentiels ou encore de bureau.
Ce qui va avoir des conséquences techniques et financières pour les entreprises de ce secteur, qui devront se soumettre à de nouveaux impératifs en matière de performances énergétiques des bâtiments. Cela pose notamment le problème de la formation des salariés et maître d’œuvre du BTP aux économies d’énergie.

En outre, dans le domaine de la construction, la réforme de l’urbanisme est susceptible, à moyen terme, d’impacter les entreprises. En effet, l’inscription d’objectifs environnementaux et énergétiques, dans la façon d’occuper le sol, peut avoir des conséquences pour les entreprises.
Le projet Grenelle II propose, de réformer l’étude d’impact. Ceci pourrait entraîner d’importants changements pour les maîtres d’ouvrage, appelés pétitionnaires. En effet, actuellement un projet était soumis à étude d’impact s’il dépassait certains seuils, préalablement fixés. Or, l’article 86 du projet de loi Grenelle II prévoit d’inclure d’autres critères tels que la sensibilité des milieux. Ainsi, un projet qui a priori n’était pas soumis à étude d’impact pourra l’être. La décision interviendra à l’issue d’une procédure d’examen des projets.
Ce nouveau dispositif pourra se traduire par une insécurité juridique et financière pour les maîtres d’ouvrages. En effet, ces derniers, pour certains projets, ne pourront pas prévoir à l’avance si le projet fera ou non l’objet d’une étude d’impact.

Concernant les transports, secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre, l’objectif est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 20% d’ici 2020. Pour répondre à cet objectif, le projet prévoit notamment, de privilégier le transport ferroviaire et maritime. Pour se faire, l’article 11 de la loi Grenelle I prévoit de créer une éco taxe supportée par les poids lourds. Elle s’appliquera à compter de 2011 pour les poids-lourd empruntant le réseau national non concédé. Cette taxe sera répercutée sur les clients qui reçoivent les marchandises. Cette éco taxe implique donc pour les entreprises de revoir le mode d’approvisionnement de leur livraison, pour anticiper une augmentation de leur coûts.
Néanmoins, des aménagements à cette nouvelle taxe sont prévus. En effet, l’article 153 de la loi de finances pour 2009 prévoit que « les itinéraires sur lesquels le niveau de trafic de poids-lourds est actuellement particulièrement bas ont été expressément exclus du champ d’application de l’éco-redevance. »
De plus, l’article 85 du projet de loi Grenelle II prévoit de rendre obligatoire l’affichage des émissions de gaz à effet de serre des prestations de transport.

Par ailleurs, d’autres dispositions du Grenelle vont amener les entreprises à modifier leur comportement, notamment sur l’achat des matériels.
En effet, sur le plan énergétique, la loi Grenelle I prévoit une réduction par 4 des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Ce qui se traduit notamment par le retrait des appareils les plus consommateurs d’énergie, par exemple les ampoules incandescentes. Ceci implique, à l’avenir, pour les entreprises, une réflexion préalable sur l’achat des matériels.
Dans ce sens, l’une des mesures phares du Grenelle, en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre correspond au système du bonus/malus lors de l’achat d’un véhicule neuf. Le malus s’applique depuis le 1 janvier 2008 pour l’achat d’un véhicule neuf émettant plus de 160g de CO2/km. Quant au bonus, il concerne les véhicules émettant moins de 130 g de CO2/km. Cette mesure implique à nouveau pour les entreprises ainsi que les particuliers une réflexion sur les modes de déplacements.
Cependant, les actions en faveur d’une mobilité durable ne peuvent pas se réduire à la promotion et l’acquisition de véhicules propres. Elles doivent induire une modification des comportements et un usage raisonné de la route. Cela peut se traduire par le covoiturage ou encore par le développement du télétravail. A cet effet, le Grenelle incite les entreprises à mettre en place des Plans de Déplacements d’Entreprises (PDE). Ces plans ont pour but d’inciter les salariés et les clients à réduire l’usage de la voiture individuelle au profit d’autres modes de transport moins polluants.
L’ADEME peut aider financièrement et techniquement les entreprises qui souhaiteraient mettre en place des PDE.

En matière de gestion des déchets des entreprises, le projet de loi Grenelle II envisage, d’ci 2012, le recyclage de 75% des déchets hors BTP et agroalimentaire. Concernant les déchets du BTP, l’article 77 du projet de loi Grenelle II rend obligatoire, avant la démolition de bâtiments, la réalisation d’un diagnostic relatif à la gestion des déchets résultant de ces démolitions.
Le projet prévoit également d’étendre la responsabilité des producteurs pour les déchets issus d’activité de soin à risque infectieux.

Les mesures du Grenelle de l’environnement auront certainement un impact pour les entreprises. Dans ce contexte en pleine mutation, il ne s’agit plus seulement de réparer les dommages causés à l’environnement mais de porter désormais, les efforts sur les produits eux-mêmes et sur les procédés de fabrication. Outre le gain en termes d’image apporté à l’entreprise par cette démarche responsable et citoyenne, il en résulte souvent pour elle un avantage économique substantiel.