Depuis le début de l’année au Brésil, plus de 230 personnes sont décédées du fait de la dengue, une maladie d’origine tropicale véhiculée par le moustique, qui entraine usuellement fièvre, vomissements, et hémorragies pouvant être mortelles.
Aucun traitement adéquat n’a été découvert à ce jour pour mettre un terme à cette maladie, bien que diverses expériences cliniques soient en cours notamment en France, au sein du laboratoire Sanofi pasteur. Jusqu’à présent, le Brésil disposait de peu d’instruments pour tenter de circoncire cette maladie, seules des mesures de préventions d’ordre environnementale telles que l’élimination des eaux stagnantes, ou encore la pulvérisation de pesticides (pouvant induire des impacts néfastes sur la santé humaine et conduire à une résistance de la part des moustiques), ayant été mises en œuvre.
Afin de limiter cette grave épidémie, le gouvernement brésilien a donc entrepris d’éradiquer « le mal par le mal » en usant d’une solution biologique qui consiste en un lâcher d’environ 100 000 moustiques OGM. Le Brésil qui compte 200 millions d’habitants, représente depuis les années 2000 le pays le plus atteint par ce fléau. En effet, la situation est préoccupante, les chiffres avancés par le ministère de la santé faisant état d’une contamination de 745 900 brésiliens, ne serait-ce que pour les 15 premières semaines de l’année 2015, soit une hausse de 243% par rapport à l’année précédente.

Cette démarche novatrice a été réalisée à Piracicaba, ville située à 160 kilomètres de la capitale, où les insectes ont été introduits dans la nature en quantité deux fois supérieure à celle des moustiques naturels. Issu du Royaume-Uni, ce procédé a été élaboré en 2002 par l’entreprise anglaise OXITEC, dont l’une des usine pouvant produire 550 000 moustiques OGM par semaine, est implantée à une centaine de kilomètres de Sao Paulo.
Des essais réalisés antérieurement par le groupe ont été plus que concluants, notamment en 2009, avec l’introduction aux Iles Caïmans de 3 millions de moustiques OGM ayant conduit au bout de 11 semaines, à une réduction de 80% des populations de moustiques sauvages.
Une vidéo présente sur le site d’OXITEC explique les tenants de cette technologie qui in fine, permettrait de supprimer la descendance des moustiques via un contrôle des naissances de ceux-ci.

Le principe veut qu’on introduise un nouveau gène dans l’ADN des moustiques porteur de la maladie, pour rendre ceux-ci dépendants à un antibiotique « la tétracycline » : sans la présence de cette substance, les moustiques génétiquement modifiés meurt. Le laboratoire où sont conservées les souches de moustiques, détruit ensuite les œufs des femelles et ne conserve que les mâles qui, ne pouvant pas piquer, ne peuvent véhiculer la dengue. Les moustiques mâles transgéniques sont, par la suite, réintroduits dans la nature afin de copuler avec les femelles porteuses de la dengue, dont la progéniture privée d’antibiotique, n’atteindra pas l’âge adulte réduisant ainsi la population de moustiques contaminés.

Aussi, il se peut qu’avant le saumon transgénique américain dit « Frankenfish », le moustique devienne le premier insecte génétiquement modifié que l’on rencontrera dans la nature, cette démarche ayant naturellement entrainé controverses et constations au sein de nombreuses ONG.
Ces dernières dénoncent un « manque de transparence » global de la part de la firme britannique, aucune étude indépendante n’ayant été menée pour contre-vérifier les résultats publiés par l’entreprise.
Elles pointent d’autre part, un manque de consultation de public estimant qu’ « il n'existe aucun test de toxicité public qui prouve qu'être piqué ou avaler un moustique génétiquement modifié est sans danger pour les humains, les animaux domestiques ou sauvages ».
Bien que dans la pratique les résultats soient très encourageants, dans la réalité, les moustiques ne sont pas tous stériles. En effet, selon OXITEC, 3% des moustiques OGM arrivent en dépit de l’absence de tétracycline à survivre. Le chiffre avancé par les ONG quant à lui, monte à 15% dans un environnement pollué, où cette substance se retrouve dans les eaux usées.
Selon Yvon Perrin, entomologiste et spécialiste de l'espèce au Centre national d'expertise sur les vecteurs, il est necéssaire “si le moustique transgénique est relâché dans l'environnement, de réaliser un suivi précis des populations pour savoir si le gène modifié est efficace et s'il se transmet aux populations sauvages".
L’autre risque non négligeable soulevé par l’agence de surveillance sanitaire brésilienne, est que l’éradication de cette espèce, favorise l’émergence d’une espèce concurrente, le moustique tigre, elle aussi porteuse du virus de la dengue et du chikungunya: "en détruisant une espèce, on libère une niche écologique pour une autre. Mais ce serait le cas avec toute autre méthode de lutte contre ce moustique, par exemple à l'aide d'insecticides”.

A ce jour, il existe une autre méthode de lutte contre la reproduction d’insectes nuisibles dite de “l’irradiation des mâles”. Déjà utilisée avec succès dans les années 1950 pour stériliser la lucilie bouchère, une mouche dont les larves se nourrissent de chair, celle-ci pourrait constituer une alternative fiable dans la lutte contre la dengue.


Sources :

- Le Monde :http://ecologie.blog.lemonde.fr/2014/04/18/le-bresil-va-lacher-des-millions-de-moustiques-ogm-contre-la-dengue/

- La Croix : http://www.la-croix.com/Ethique/Sciences-Ethique/Sciences/Le-lachage-de-moustiques-OGM-en-Floride-suscite-une-opposition-de-la-population-2015-02-03-1276260

- Actualités news environnement : http://www.actualites-news-environnement.com/32233-Lacher-moustiques-OGM-autorise-bientot-commercialise-Bresil.html