
L’Arctique : Première victime du réchauffement climatique
Par Patricia Kosowski
Juriste en Droit Nucleaire et de l'Environnement
CEA SACLAY
Posté le: 22/03/2015 17:47
Depuis 1979, la banquise Arctique est observée par satellite par le Centre Américain de la Neige et de la Glace (National Snow and Ice Data Center – NSIDC) qui nous a informé le 19 mars 2015 que la superficie de la banquise n’a jamais été aussi réduite : « l'étendue maximale des glaces, cette année, a été la plus faible depuis le début des données satellites, avec un niveau d'englacement inférieur à la moyenne partout sauf en mer du Labrador et dans le détroit de Davis ». En effet, la fonte de la glace de mer arctique atteint un niveau record : selon une estimation préliminaire, la superficie de la banquise serait de 1,10 millions de km2 en dessous de la moyenne de 15,64 millions de km² mesurée de 1981 à 2010 (actuellement la superficie est de 14,54 millions km²) et de 130 000 km² au dessous du précédent minimum de 2010. Ce pic d’extension des glaces est bien bas avant le début de la période de fonte qui doit atteindre son apogée au mois de septembre : habituellement la superficie de la banquise arctique atteint son zénith au mois de mars alors que l’étendue des glaces la plus réduite se constate au mois de septembre. Néanmoins, dans les deux situations, on remarque une tendance générale à la baisse.
Selon les scientifiques, le 25 février 2015 devait être le jour de l’année où la banquise était la plus vaste. Il n’est pas impossible que la tendance s’inverse et que la superficie des glaces arctiques augmente étant donné que la date de l’étendue maximum de la banquise arctique est variable d’une année sur l’autre : elle va du 24 février au plus tôt (en 1996) au 2 avril au plus tard (en 2010). Cette année, le maximum a été atteint quinze jours plus tôt que la moyenne, qui survient autour du 12 mars, précise le NSIDC. Même si la surface des glaces est instable à cette époque de l’année et que la formation de glace de mer arctique semble bien terminée, il est possible que la banquise continue de s’étendre au cours des deux-trois prochaines semaines dans certaines régions mais les glaciologues restent très pessimistes quant à une éventuelle accumulation de glace suffisante pour dépasser l’étendue atteinte le 25 février dernier. Au cours de l’hiver 2014-2015, on note bien un accroissement de la banquise arctique de 9,91 millions de km² mais cela reste nettement inférieur à l’étendue des glaces de l’hiver 2013-2014 qui avait connu une augmentation record.
Parmi les causes responsables de la faible formation de glace cet hiver, le jet stream (courant d’air puissant) du mois de février reste le principal acteur incriminé car il a conduit à un réchauffement de l’Arctique du côté de l’Océan Pacifique rendant ainsi impossible l’extension de la banquise dans la mer de Béring et d’Okhotsk. Outre le réchauffement de l’Océan Pacifique, le NSIDC affirme que les températures sur l’Est Arctique ont été supérieures de plusieurs degrés durant les deux premières semaines de mars : jusqu’à 8°C à 10°C au dessus des moyennes à 1000 mètres d’altitude en mer de Barents au Nord de la Norvège.
La faible étendue des glaces devrait être « une nouvelle sonnette d’alarme » selon l’organisation écologique World Wide Fund for Nature » (WWF). D’après les dires de Samantha Smith, responsable de l’initiative climat et énergie au WWF, « le changement climatique ne s'arrêtera pas au cercle arctique. Sans une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre nous finirons par avoir un climat complètement différent, imprévisible et destructeur pour les écosystèmes et les humains ». Samantha Smith nous rappelle également que l’année 2014 a été l’année la plus chaude depuis 1880 battant ainsi le record de températures recensées à l’échelle mondiale. Le 3 décembre 2014, l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM), dans son rapport préliminaire, estimait déjà que l'année 2014 sera « l'une des plus chaudes, sinon la plus chaude », depuis le début des relevés météorologiques en 1880.
Ces dernières décennies, c’est bien l’Arctique qui a le plus souffert de ce réchauffement climatique : c’est la région du globe où les températures se sont élevées deux à trois fois plus rapidement que sur le reste de la planète. Ce réchauffement climatique a des conséquences dramatiques : on note une réduction de 30% de la glace de l’Océan Arctique par rapport au début des relevés satellites en 1979. Une étude récente publiée le 12 mars 2015 dans la revue Science montre que le réchauffement de l’Arctique risque de conduire à des étés caniculaires. Selon une étude de la NASA, l’extension de la glace de mer autour de l’Antarctique ne compense pas les pertes de l’Arctique. Dans l’ensemble, la planète a perdu de la glace de mer à un rythme annuel moyen de 35 000 km² depuis 1979.
Selon l’étude de Claire Parkinson, chercheur au Goddard Space Flight Center de la NASA, bien que la superficie de la banquise antarctique ait atteint un niveau record en septembre 2014, si l’on additionne l’étendue des glaces antarctiques avec l’étendue des glaces arctiques, on note une tendance à la baisse du volume de la banquise au niveau mondial. La diminution de la banquise arctique dépasse de loin les augmentations de la banquise antarctique. L’auteur de cette réduction de l’étendue des glaces arctiques est sans nul doute le réchauffement accéléré de l’Arctique.
Il n’est ni improbable ni impossible que la banquise d’été disparaisse durant la seconde moitié du siècle selon le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC).
Bibliographie :
www.global-climat.com : « Les glaces de l’Arctique au plus bas cet hiver »
www.lemonde.fr : « La superficie des glaces d’hiver de l’Arctique au plus bas »
www.lexpress.fr : « Les glaces arctiques n’ont jamais été aussi peu étendues »