[Cet article a été modifié suite aux conseils de Bastien BURIN pour tenir compte des importantes modifications de l'ordonnance du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines ICPE]

Pour paraphraser un fameux commentateur de l’actualité juridique sur internet (1), lorsque le praticien voit arriver une nouvelle loi de simplification du droit, il commence par vérifier sa réserve d’aspirines. On constate en effet que, lorsque le législateur se pique de simplification, il manque rarement de fabriquer de nouvelles usines à gaz pour compléter celles qui existaient déjà. Ces lois peuvent aussi jouer le rôle de voiture-balais, en permettant d’édicter des dispositions plus ou moins anecdotiques dans les domaines les plus divers.

La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures (2), est un modèle du genre : constituée de 140 articles, contenue dans quelque 65 pages du Journal officiel, elle « simplifie et clarifie » à tout-va : en matière civile, fiscale, électorale, immobilière, d’urbanisme, de construction, de procédure civile et pénale, d’organisation judiciaire, de justice administrative, de collectivités territoriales, d’environnement, de consommation, de pensions militaires… Chaque spécialiste y trouvera intérêt dans sa matière.

Concernant l’environnement, on ne sera pas déçu car le code de l’environnement subit son lot de modifications, dans les matières suivantes :
- Chasse : modalités de l’examen du permis de chasser (art. 16 de la loi)
- Energie nucléaire : autorisation du gouvernement à prendre des mesures par ordonnance pour compléter du code de l’environnement afin d’y codifier les dispositions des lois n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs non reprises dans le code de l'énergie (art. 92)
- Eau : suppression de la sanction pénale de la récidive (150 000 € d’amende) en matière d’exploitation d’ouvrage non autorisé (art. 123, III.)
- Droit pénal de l’environnement : modification des sanctions pénales applicables aux personnes morales dans l’ensemble des domaines régis par le code de l’environnement : eau, parcs nationaux, chasse, produits chimiques, installations classées, etc. (art. 125, XI.).
- Installations classées (art. 114) : diverses modifications.

On s’attardera ici sur deux modifications intervenues dans le domaine des installations classées : des dispositions qui retiendront notablement l’attention du juriste de l’environnement, en particulier parce qu’elles constituent un recul des contraintes environnementales.

1. Fin de l’enquête publique obligatoire pour les servitudes d’utilité publique instituées sur les sites pollués anciennement exploités

L’article L. 515-12 autorise, en vue de protéger la sécurité et la salubrité publiques, l’institution de servitudes d’intérêt public sur des terrains anciennement exploités :
- les terrains pollués par l’exploitation d’une installation,
- l’emprise des sites d’anciennes carrières
- autour de ces sites sur des surfaces dont l’intégrité conditionne le respect de la sécurité et de la salubrité publiques.

Or, tout projet d’institution de servitudes d’utilité publique concernant des installations classées est soumis à une enquête publique en vertu de l’article L. 515-9, alinéa 3. L’enquête publique est une procédure d’information et de participation des citoyens dans les opérations susceptibles d’affecter l’environnement, régie par les articles L. 123-1 et suivants du Code de l’environnement.

Désormais, un nouvel alinéa 3 à l’article L. 515-12, introduit par l’article 114, 1°, b, de la loi, dispose que, pour ce type de servitudes, le préfet pourra « procéder à la consultation écrite des propriétaires des terrains par substitution à la procédure d'enquête publique ». Une procédure certes plus simple pour le préfet, mais aussi moins transparente : les citoyens riverains mais non propriétaires des terrains concernés, les associations de protection de l’environnement ne seront plus invités à présenter leurs observations au cours d’une enquête publique.

Le nouvel alinéa pose certes deux conditions, peu contraignantes :
- Les servitudes envisagées ne doivent concerner que les seuls terrains anciennement exploités mentionnés à l’article L. 515-12. C’est une évidence : la dispense d’enquête publique ne saurait être étendue à toute servitude d’utilité publique portant sur des terrains concernés par une installation classée.
- Le petit nombre des propriétaires ou le caractère limité des surfaces intéressées doit le justifier. C’est sans doute ici l’élément de simplification recherché. Mais que signifie un « petit nombre » ? Le grand et le petit, notions si subjectives… Devant cette imprécision, on voit comment une opération de simplification et de clarification risque d’alimenter en contentieux des juridictions administratives déjà débordées.

2. Fin de la procédure de détermination de l’usage futur des sites pour la remise en état des sites des installations déclarées

La loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 dite « Bachelot » ou encore « loi risques » a apporté une disposition intéressant les sites des installations cessant leur activité : le dernier exploitant est tenu d’effectuer une remise en état du site tel qu’il permette un certain usage futur dudit site.

Cet usage futur établi par concertation entre l’exploitant et le maire (et éventuellement le propriétaire) devait, en cas de désaccord, être déterminé par le préfet en compatibilité avec les documents d’urbanisme (3). L’usage futur retenu pouvait ainsi être, par exemple, un usage d’habitation ou de bâtiments recevant du public, ces usages dits « sensibles » contraignant le dernier exploitant à des travaux de réhabilitation plus poussés et couteux.

Ce mécanisme est désormais, par l’intervention de l’article 114, 3° de la loi, réservé aux seules installations soumises à autorisation (4) ou à enregistrement (5).

Concernant les installations soumises à déclaration (6), l’usage futur à retenir ne peut plus être qu’un usage « comparable à celui de la dernière période d’exploitation », à savoir l’usage industriel, « non sensible », nécessitant des opérations allégées de remise en état.

Les terrains d’emprise des installations déclarées, a priori certes les moins polluantes, devront donc désormais se contenter de niveaux de pollution éventuellement inadaptés pour des usages autres qu’industriels : après l’avancée en matière de protection de l’environnement et de la santé qu’a constituée la loi risques, voilà un léger recul.


NOTES
(1) Journal d’un avocat, http://www.maitre-eolas.fr
(2) L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, JORF n° 110, 13 mai 2009, p. 7920.
(3) C. env., art. L. 512-17 ancien (pour les nouvelles modalités de remise en état suite à la modification du code par l’ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l’enregistrement de certaines ICPE, consulter l’article intitulé «Des modifications substantielles dans le droit de la remise en état des installations classées »).
(4) C. env., art. L. 512-6-1 nouveau.
(5) C. env., art. L. 512-7-6 nouveau.
(6) C. env., art. L. 512-12-1 nouveau.