Les îles Éparses sont un regroupement de petites îles situées de l’extrême Nord du canal du Mozambique jusqu’au Sud des côtes de Madagascar. Elles sont administrées par le préfet des Terres australes et antarctiques françaises, puisqu’elles sont considérées comme DOM TOM depuis le 1er avril 1960.
Historiquement, la couronne de corail de certaines d’entre elles constituaient des « pièges à bateaux » (1) qui s’y échouaient. Mais, au fil du temps, ces parcelles et terre ont révélé de nombreux autres attraits.


Les différentes richesses des îles Eparses :

Tout d’abord, il convient de noter que l’aspect touristique des îles Éparses n’est que très peu exploité. En effet, pour des raisons de difficultés d’accès et de préservation de l’espace naturel, notamment du fait du « hot spot de biodiversité » (2) qu’elles représentent, les expéditions n’y sont que très rares (« tous les deux ou trois ans » (3)), coûteuses (« 4 000 euros en cabine individuelle » (3) à bord du Marion Dufresne), et réservées, autant que faire se peut, à des professionnels en charge de leur observation.

Pour ce qui concerne les épaves des navires qui s’y sont échoués, « une vaste dépollution a été menée de 2009 à 2011 pour enlever 1 300 tonnes de déchets historiques – 600 tonnes de ferraille, 14 tonnes de batteries, et 12 tonnes d’hydrocarbures périmés » (2). L’occupation militaire au temps des colonies françaises a probablement participé à l’accumulation de certains de ces déchets.

Et ces déchets, comme ceux « du quotidien » qui arrivent par la mer (« une tonne par mois et par île de tongs, bouteilles en plastique, filets de pêche, et déchets hospitaliers » (2)) vont à l’encontre de la volonté de préserver le « havre de biodiversité préservé de l’activité humaine » (2) que constituent les différentes terres du groupe d’îles.
Par le passé, la richesse naturelle Eparsienne a déjà été reconnue par le classement en 1975 du groupe d’îles en réserve naturelle, et par la création en 2012 du parc naturel marin des Glorieuses. De plus, le « classement Ramsar (convention sur les zones humides d’importance internationale) est en cours pour Europa et sa mangrove à l’état originel » (2). Une telle volonté de préserver la nature qui s’y trouvent s’explique par le fait que ces espaces ont été, jusqu’à lors, préservés presque entièrement de l’activité humaine, et servent donc de « référence pour mesurer l’impact des bouleversements » (2), notamment relatifs au réchauffement climatique. Les îles Eparses « sont restées des sites importants de pontes des tortues vertes et imbriquées » (2) ; on y rencontre des dauphins, des baleines, et « plus de 40% des oiseaux marins de l’océan Indien occidental » (2) y trouvent refuge.
L’entière étendue de ces ressources naturelles demeure aujourd’hui mal connue du fait des lacunes dans le suivi des observations menées sur les différentes îles. Par exemple, la biomasse des Glorieuses n’a pas été répertoriée (2), et « sur l’île de Juan de Nova l’ancienne station météo » (2) attend d’être rénovée.

Enfin, plus récemment, des « campagnes de prospection sismiques » (4) ont été initiées pour déterminer, le plus exactement possible, la quantité de ressource pétrolière qui sommeille sous les îles. Des experts ont déjà estimé que cette zone constituerait la « prochaine Mer du Nord en puissance » (4) puisqu’elle renfermerait « de 6 à 12 milliards de barils de pétrole et de 3 à 5 milliards de m3 de gaz » (4). Les relevés et carottages seraient en cours d’évaluation. Le périmètre de la Zone Economique Exclusive déterminé pour les opérations de recherches respecterait, selon les autorités françaises, « les règles internationales » (4).

Comme souligné dans mon précédent article relatif à l’exploration américaine offshore du pétrole dans l’océan Atlantique (5), ces méthodes sont contestables vis-à-vis de leurs impacts, potentiels et avérés, sur la nature, d’autant plus lorsqu’il s’agit de milieux jusqu’à maintenant relativement épargnés par l’activité humaine.
Mais entre désormais en compte le potentiel économique des quantités de pétrole et d’hydrocarbure présents, qui éveille ou ranime les contentieux relatifs à la revendication de l’occupation des terres par les Etats voisins, notamment Madagascar.


La revendication de la propriété des îles Éparses : entre conflits et collaboration :

Le fait que les îles Éparses soient sous administration française s’explique par un décret pris par le Général de Gaulle deux mois avant la déclaration d’indépendance de Madagascar, ancienne colonie française. Ce texte permettait - et permet toujours -, de rattacher les petites îles au ministère des DOM TOM. Et c’est sur ce fondement que Pascal Bolot, préfet des TAAF, et le Quai d’Orsay se permettent d’affirmer que « nous sommes légitimes dans ces îles » (4) et que « la souveraineté de la France sur ces îles est une question réglée » (4).
Mais cette position n’est pas celle du gouvernement malgache qui conteste la souveraineté de la France sur ces étendues de terres depuis 1973. Certains professeurs considèrent qu’il s’agit là d’une « violation du principe de respect de l’intégrité d’un territoire au moment de son accession à l’indépendance » (4), et donc une violation du droit international. L’ONU a, à ce propos, produit deux résolutions au début des années 1980 pour que soient menées des « négociations pour une réintégration de ces îles » (4) que l’organisation considère comme « séparées arbitrairement de Madagascar » (4) par la France.
Au-delà de ces considérations politiques et juridiques, les malgaches revendiquent leur souveraineté sur les îles Éparses à travers le fait que les esclaves de ce peuple, oubliés sur Tromelin après le naufrage de leur navire en 1761, y avaient « recréé une société » (1) pour y survivre, et s’étaient donc approprié l’espace.

L’agitation malgache qui s’observe autour de l’appropriation de ces terres et de leurs ressources s’était quelque peu évanouie, jusqu’à l’élection présidentielle de 2013 et son élan nationaliste.
Parallèlement, la France reconnait son intérêt pour les ressources pétrolières des îles, comme le déclare Pascal Bolot : « L’intérêt pour la France est de savoir s’il existe des gisements entre 1 500 et 2 000 m de profondeur qui pourraient donner lieu à une exploitation. » (4)

Pour en faire un intérêt commun, et en prenant exemple sur la collaboration qui fonctionne dors et déjà correctement, entre les différentes nations, dans le domaine de la biodiversité, la France envisage de négocier une co-gestion des îles lors de discussions au sein de la Commission de l’Océan Indien. Sur ce sujet, le ministère des affaires étrangères se dit « prêt à discuter » de la co-gestion (4).
La réunion qui aurait permis d’avancer sur cette problématique devait se tenir le 26 juillet, mais cette dernière a été reportée en raison du tragique crash aérien du vol Air Algérie pour lequel François Hollande a décidé de rester en France. A ce jour, aucune nouvelle date n’a été fixée.

Il convient donc de rester attentif à l’évolution du sort des îles Éparses, tant pour ses enjeux territoriaux qu’économiques, énergétiques, et écologiques.



(1) Les îles Éparses, une mise d’histoires, d’épaves et un patrimoine fragile, http://www.lepoint.fr/societe/les-iles-eparses-une-mine-d-histoires-d-epaves-et-un-patrimoine-fragile-25-07-2014-1849061_23.php, 25 juillet 2014.
(2) Sophie LAUTIER, Les Éparses, des îlots préservés de biodiversité stratégiques pour la recherche, http://www.lanouvellerepublique.fr, 25 juillet 2014.
(3) Tremper un pied dans un lagon des îles Eparses, summum du tourisme décalé, http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20140718.AFP2161/tremper-un-pied-dans-un-lagon-des-iles-eparses-summum-du-tourisme-decale.html, 18 juillet 2014.
(4) Les îles Éparses, riches de promesses et source de contentieux, http://www.20minutes.fr/planete/1419829-20140718-20140718-iles-eparses-riches-promesses-source-contentieux, 18 juillet 2014.
(5) Auréa QUENOUILLE, Sur le chemin du retour à l’exploration pétrolière américaine dans l’Atlantique, http://www.juristes-environnement.com/article_detail.php?id=1599, 28 juillet 2014.