Le devoir de conseil a pour objectif premier d'assurer l'équilibre des connaissances entre les
parties au contrat. Ceci permet de protéger la partie la plus faible, c'est à dire la plus
ignorante. Il oblige, pour ce faire, le vendeur à, non seulement, informer, mais aussi
conseiller, son client.

Dans le cas de la prévention des risques liés aux atmosphères explosives, ce devoir occupe
une place très importante pour le vendeur de matériels destinés à être utilisés en
atmosphères explosives.

Mais il n'est pas le seul a être soumis à cette obligation. En effet, il arrive
régulièrement que plusieurs entreprises soient amenées à travailler conjointement à la bonne
utilisation d'une installation présentant un risque de formation d'une atmosphère explosive.
Les chaufferies d'immeubles en sont un parfait exemple. Or, si l'on reprend cet exemple,
l'entreprise utilisatrice, ici le syndic de copropriété ou la municipalité, sont, le plus souvent,
très peu au fait des contraintes réglementaires relative à la prévention des risques liés aux
atmosphères explosives.

Ce n'est, en revanche, pas le cas des entreprises extérieures vendant leurs services à
l'entreprise utilisatrice et dont l'entretien et la maintenance de ce type d'installation est le
corps de métier.

Ces entreprises sont tenues d'être au fait de la réglementation spécifiques aux risques
d'explosion et d'appliquer les mesures minimales de sécurité.
L'entreprise extérieure est alors tenue de conseiller l'entreprise utilisatrice en lui
indiquant, notamment, les obligations qu'elles est tenue de respecter et en lui proposant,
éventuellement, une assistance.

Le devoir de conseil est donc une partie importante de la prévention des risques liés aux
atmosphères explosives. Mais qu'est-il véritablement et à quoi engage-t-il?

Tout d'abords, il convient de préciser que le devoir de conseil est avant tout un phénomène
jurisprudentiel. En effet, bien qu'il trouve ses fondements juridiques dans les articles 1134 et
1135 du code civil, il n'est jamais explicitement évoqué par la loi. Il n'en est pas moins une
obligation juridique solide, très suivie des juges et dont la puissance et la portée s'étendent
toujours plus au fur et à mesure que le temps passe. C'est véritablement, à l'heure actuelle
et très probablement encore plus à l'avenir, un moyen d'action très puissant qu'il convient de
ne surtout pas sous-estimer, ce qui est encore trop souvent le cas dans la pratique, sous
peine de grandes conséquences.

C'est, de plus, une obligation tacite. Ceci signifie que le client peu légitimement s'attendre à
ce qu'elle soit remplie de manière suffisante même en l'absence de tout accord écrit.

L'obligation de conseiller son co-contractant n'a donc pas besoin de figurer au contrat pour
être effective. Ceci va d'ailleurs dans le sens de la citation de maître Patrice Jourdain qui a
déclaré que "la sécurité est hors contrat". On comprends, ici, qu'il est effectivement
impossible de laisser son co-contractant courir un risque d'explosion, lorsque l'on est un
professionnel au fait de ce risque, en se justifiant par les termes du contrat.

De la même manière, il ne peut plus justifier son manquement à l'obligation de conseil en
démontrant sa diligence envers son obligation d'information. Ceci a été précisé par l'arrêt
n°09-16.913 du 28 octobre 2010 établissant le devoir de conseil général du vendeur
professionnel.

Ce dernier a durci les usages. En effet, depuis cet arrêt, un vendeur professionnel ne peut
plus se dégager de sa responsabilité en cas d'accident au seul motif qu'il a rempli son
obligation d'information. Il est, en complément, tenu d'accomplir son devoir de conseil
envers le client. Retenons, de plus, que, contrairement aux usages passés, ceci est
totalement indépendant de la complexité de la chose vendue. La jurisprudence va donc bien
dans le sens d'une obligation générale de conseil du vendeur professionnel.

Par ailleurs, en cas de litige, toujours dans le but de protéger la partie la plus faible, la règle
est que c'est au professionnel de justifier le fait qu'il a rempli son devoir de conseil vis-à-vis
de son client. Ce dernier n'a donc pas à prouver l'existence d'une faute de la part du vendeur
ce qui, en pratique, lui aurait été impossible dans l'immense majorité des cas. La
jurisprudence est allée dans ce sens – cour de cassation, pourvoi 10-13727, chambre
commerciale, 22 mars 2011 – en censurant une décision de la cour d'appel de Paris qui
considérait que la personne requérante n'apportait pas la preuve que la société cocontractante
avait manqué à son devoir de conseil. On comprends ici que le vendeur a donc
tout intérêt à prévoir et conserver des éléments attestant qu'il s'est bien montré diligent visà-
vis de cette obligation puisqu'une telle justification lui sera demandée en cas de litige.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, la portée du devoir de conseil est très
importante. En effet, selon la jurisprudence, il ne s'applique pas seulement au vendeur, mais
aussi aux fabricant et installateurs, d'autant plus lorsqu'il s'agit de matériels dangereux.
D'une manière générale, retenons qu'il s'applique, non seulement, entre un professionnel et
un client particulier, mais aussi entre plusieurs professionnels qui ne partagent pas la même
spécialité.

Il existe, cependant, une limite à ce devoir lorsque deux professionnels partage la même
activité. En effet dans ce cas, le devoir de conseil s'annule. (cass. Civ. 20 juin 1995). Notons,
ici, que ceci est tout à fait fondé compte tenu de l'article 1134 du code civil qui dispose que
les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Cela implique que le co-contractant qui,
lui-même, est un professionnel des opérations de chaufferies, pour rester dans le cadre de
notre exemple précédent, ne peut se défaire de sa responsabilité en cas de manquement à
son obligation de sécurité en accusant son co-contractant de ne pas lui avoir conseillé de se
mettre en conformité avec la réglementation applicable en matière de prévention des
risques liés aux atmosphères explosives, puisqu'il est lui-même tenu de le savoir.

Dans le cadre de l'obligation de conseil, le professionnel intervenant chez un co-contractant
est tenu de l'informer de la nature des opérations qu'il projette d'entreprendre ainsi que de
justifier les choix de méthodologie qu'il compte suivre. Il est, de plus, soumis à l'obligation
d'informer son co-contractant quant à la nature des risques qui pourraient survenir
consécutivement aux choix qu'il aura effectué. On comprend, ici, que le rôle du
professionnel ne se limite pas à répondre au interrogations de son co-contractant, il doit,
dans un premier temps le guider dans son choix grâce aux questions qu'il pose, mais aussi,
dans un second temps, anticiper sur les problèmes qu'il pourrait rencontrer. Pour ce faire il
doit se montrer proactif en allant vers son co-contractant afin de lui indiquer ces difficultés
qu'il pourrait rencontrer, y compris lorsqu'il ne les a pas anticipées.

Dans ce contexte, si l'on prend l'exemple de la vente de matériels et équipements utilisables
en zone ATEX, il n'est plus question pour le vendeur professionnel de simplement renvoyer le
client vers un catalogue lorsque celui-ci s'interroge sur les caractéristiques ou sur l'usage d'un
produit. En lieu et place, il convient que le vendeur professionnel donne un avis circonstancié
au client. Cela signifie qu'il doit apporter ses lumières quant à l'adéquation et à la bonne
utilisation des produits qu'il vend compte tenu des spécificités de l'environnement du client.
Il peut, même, être amené à juger du niveau de formation des employés du client et ainsi le
conseiller lorsqu'il estime que ces derniers n'ont pas les compétences requises pour une
utilisation raisonnablement risquée du produit.

Il convient, par ailleurs, que le professionnel anticipe et informe le client de la possibilité de
présence de vices et de malfaçons liées aux erreurs éventuelles que d'autre professionnels
auront commises avant son intervention (cass. Civ. 3E, 11 février 1998). de même avec les
erreurs, incohérences ou omissions dans les documents qui lui ont été remis.

L'obligation de conseil peut même devenir une obligation de dé-conseil si le professionnel
estime que le produit ou le service qu'il propose est inadapté aux besoins de son client. Il est
ainsi tenu d'aller à l'encontre de la logique commerciale en refusant de fournir un service ou
un produit qui pourrait avoir des conséquences néfastes compte tenu des caractéristiques de
son client. Il s'agit là d'une conception sociétale très intéressante puisqu'elle introduit une
notion de vendeur responsable capable de s’autocensurer si la sécurité de son client est en
jeu.

Le devoir de conseil est, comme nous l'avons vu un levier puissant et à la portée de plus en
plus grande. Cependant, il existe des limites à cette dernière. En effet, l'obligation de conseil
repose sur une base variable. Elle est nécessairement subjective puisqu'elle repose sur la
notion de compétences du client.

En effet, suivant que le client est considéré comme étant lui-même un professionnel d'une
activité proche ou comme un néophyte, les obligations liées au devoir de conseil n'ont pas la
même sévérité. Ceci est d'autant plus complexe lorsque le client se situe quelque part entre
ces deux extrêmes. C'est alors le juge qui, au cas par cas, détermine le degré de compétence
du client.

De plus, dans le cadre de situation particulières, un professionnel peut être dégagé de toute
responsabilité relative à l’exécution de son devoir de conseil. Ceci est le cas lorsque le client,
surtout s'il est professionnel, accepte, dans l'accord qu'il conclu avec le professionnel, de
dégager la responsabilité du professionnel vis-à-vis de cette obligation. C'est aussi le cas si le
professionnel est en mesure d'apporter la preuve que le client est conscient et informé des
désagréments potentiels et plus généralement des risques potentiellement liés à l'élément
vendu.

Cependant, il est raisonnable de penser que ces deux moyens sont appelés à être de moins
en moins puissant et que baser sa défense sur leur seuls fondements va devenir de plus en
plus risqué.

Un autre moyen de se dégager de l'obligation de conseil, qui semble, par ailleurs, plus sûr
apparaît dans le cas où le client manifeste expressément son intention d'utiliser le bien dans
le cadre d'un autre usage que celui pour lequel il a été prévu.

Le professionnel peut, de plus, se dégager de son obligation dans le cas où le client est luimême
un professionnel et que, malgré le fait qu'il ne partage pas le même secteur d'activité
que son co-contractant, il est à même de comprendre et d'estimer les risques associés à
l'élément vendu.

Enfin, le professionnel peut se dégager de sa responsabilité vis-à-vis de l'obligation de
conseil s'il peut démontrer qu'il mis tous les moyens nécessaires en oeuvre pour conseiller
son client. Il y a là un point très intéressant à noter, le devoir de conseil est une obligation de moyen.

L'obligation de conseil inhérente à un professionnel, est comme nous l'avons vu, prévue pour équilibrer les rapports entre les co-contractants dans le cadre d'une volonté d’apaisement. Le but n'est pas de dégager le client de toute responsabilité et de systématiquement accabler le professionnel. De ce fait, comme expliqué précédemment, le professionnel peut parfois dégager sa responsabilité.

Mais la jurisprudence ne s'est pas arrêté là. Elle reconnaît, ainsi, une obligation de coopération de la part du client. En effet, ce-dernier se doit de faire preuve d'un certains savoir être. Il est ainsi tenu de se montrer curieux et de se poser un certains nombre de questions relatives à l'usage qu'il aura de la chose ou du produit. Ceci lui permet d'échanger de manière interactive avec le professionnel afin de l'aider à définir ses propres besoins. Ici encore, cette disposition est cohérente avec les prescriptions de l'article 1134 du code civil notamment en ce qui concerne la bonne foi. La jurisprudence cherche ainsi à éviter les abus de la part du client qui pourrait être tenté de volontairement faire obstacle à la bonne compréhension de ses besoins et caractéristiques par le professionnel. Ceci étant dit, il faut tout de même préciser que, conformément à la tendance actuelle favorable au client, la jurisprudence évolue vers un assouplissement toujours plus important de cette obligation de coopération du client.

Par ailleurs, s'il est reconnu que le client ne tient pas compte des prescriptions et autres conseils délivrés par le professionnel, il peut voir sa responsabilité engagée.


Il est ici intéressant de noter que cela ne dégage pas forcément le professionnel de sa responsabilité mais conduit plutôt vers un partage de cette dernière bien que l’exonération de la responsabilité du professionnel puisse-t-être envisageable dans certains cas rares.

Dans le cas où un professionnel est reconnu coupable d'un manquement à son devoir de conseil, il est passible, si le client subi un préjudice, de le réparer soit par une indemnisation soit en permettant, à ses frais, la reprise de l'activité professionnelle de son client. Par ailleurs, le professionnel peut, dans certains cas, être condamné à une amende de 37 500 euros ainsi qu'à deux ans d'emprisonnement. Il est également possible que l'annulation pur et simple du contrat résulte de ce type de manquement de la part du professionnel, notamment si le client le réclame sur le fondement des vices du consentement, conformément à l’article 1116 du code civile qui précise que le dol est un cause d'annulation d'un contrat. Notons que l'article s'applique aussi en cas de réticence dolosive.

Retenons, par ailleurs, qu'une jurisprudence récente – Cass. Civ. I, 20 décembre 2012 – définie l'obligation qu'à la personne qui accepte de donner des renseignements de s'informer afin de correctement conseiller son client. Consécutivement, on retiendra que conseiller ne suffit pas en soi, il faut donner de bons conseils, adaptés au client et à sa situation. Il s'agit là d'une évolution intéressante car potentiellement aussi lourde que sous-estimée pour le professionnel. En effet, dans le cas d'un vendeur de matériel et équipements destinés à être utilisées en atmosphères explosives, l'employeur a tout intérêt à s'assurer de la compétence de ses employés amenés à conseiller des clients. La question de la formation des vendeurs aux questions relatives à la sécurité devient centrale. Or, elle n'est pas toujours, en pratique, le point considéré comme étant le plus important par les services commerciaux.

Ceci s'inscrit sur la même ligne que l'obligation de dé-conseil que le professionnel est tenu de respecter, lorsque c'est nécessaire, et qui implique d'aller à l'encontre de la logique commerciale.

Vendre plus, quoi qu'il arrive, quitte à mal conseiller pour ne pas couler un contrat potentiel n'est, ainsi, plus la meilleure stratégie pour maximiser son bénéfice. En cas de mauvais conseil, le professionnel peut voir sa responsabilité engagée et ne peux plus se dégager en démontrant simplement qu'il a effectivement conseillé son client.

Comme nous l'avons vu les conséquences financières peuvent être lourdes. Retenons, par ailleurs, que ceci s'inscrit, une fois de plus dans le cadre de l'article 1134 du code civil notamment en ce qui concerne l'obligation d'exécuter les conventions de bonne foi.