
Genèse de l’information environnementale en matière de droit des sociétés
Par Margaux THIRION
Juriste Droit de l'environnement - Droit de l'urbanisme - Droit Public - Eleve Avocate
Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC) - Versailles
Posté le: 15/09/2013 14:12
De prime abord, parler d’environnement en droit des sociétés semble incongru. En effet, le droit des sociétés apparaît être un droit capitaliste, où l’argent règne en maître, en opposition complète avec l’environnement, la faune, la flore, le tout dans un esprit bohème. C’est avec l’émergence du concept de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) que l’information environnementale s’est peu à peu imposée en droit des sociétés.
Sur le plan communautaire, il faut relever plusieurs initiatives assez anciennes en faveur de l’information environnementale des sociétés. Ainsi, en 1992, la Commission propose une initiative portant en priorité sur les modalités selon lesquelles les sociétés divulguent les informations concernant les aspects financiers liés à l’environnement. En 1999, elle publie une recommandation sur le traitement des aspects environnementaux. Cependant, le manque d’encadrement de cette mesure a finalement abouti à ce que les informations divulguées par les sociétés soient peu fiables ou inadéquates. En 2001, pour remédier à cette situation, la Commission publie une recommandation relative à la prise en considération des aspects environnementaux dans les comptes et rapports annuels des sociétés. Elle avait deux objectifs : l’amélioration de la protection de l’environnement et l’amélioration de l’information des utilisateurs des états financiers qui « doivent être informés de l’incidence des risques et charges environnementaux sur la situation financière d’une société, de son approche des questions d’environnement et de ses performances dans ce domaine, dans la mesure où ces éléments pourraient avoir des conséquences sur la situation financière de l’entreprise ».
Enfin, c’est la directive 2003/51/CE du 18 juin 2003 qui a concrétisé cette recommandation en modifiant des directives antérieures qui prévoient désormais que le rapport de gestion doit comporter des indicateurs clés de performance de nature tant financière que, le cas échéant, non financière ayant trait à l’activité spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d’environnement et de personnel.
Au niveau national, les préoccupations environnementales ont fait leur entrée dans le champ du droit des sociétés avec la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite loi NRE et son décret d’application n°2002-221 du 20 février 2002 et l’arrêté du 30 avril 2002.
Ces textes exigent des sociétés qu’elles fournissent certaines informations dans le rapport de gestion et l’annexe. Ce dispositif a été complété par l’ordonnance n°2004-1382 du 20 décembre 2004, la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II, puis la loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et enfin le décret n°2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale. Seuls ces deux derniers feront l’objet d’une étude, étant donné que ces textes reprennent les dispositions de la loi NRE en ajoutant de nouvelles informations à fournir.
La loi Grenelle II, dans sa volonté de généraliser les pratiques de transparence créées par la loi NRE, a étendu l’obligation d’information environnementale à de nouvelles entreprises. Ce sont les articles 225 et 226 qui visent « à informer les associés, et plus généralement le marché et l’ensemble des parties prenantes, sur la façon dont les entreprises concernées prennent en compte « les conséquences sociales et environnementales » de leur activité, et souscrivent des « engagements sociétaux en faveur du développement durable » » (Gilles J. Martin, « Commentaire des articles 225, 226 et 227 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement », Revue des Sociétés 2011 p.75). Un décret est intervenu postérieurement pour désigner quelles sont les nouvelles entreprises concernées par cette obligation (décret du 24 avril 2012 n°2012-557 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale). Désormais, sont donc concernées par cette obligation les sociétés cotées ainsi que les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions non cotées. De plus, les rédacteurs du Grenelle ont estimé qu’il n’était pas justifié que seules les entreprises de l’industrie et du commerce aient à fournir ces informations.
C’est pourquoi l’obligation d’informer a été étendue à de nouveaux secteurs, à savoir les finances et l’économie sociale. Ce texte innove également du fait qu’elle ajoute des informations « sur les engagements sociétaux en faveur du développement durable ». Le progrès majeur de ce texte est l’instauration d’un contrôle des informations émises par un organisme tiers indépendant.
Enfin, aucune disposition nouvelle ne concerne les sanctions applicables dans l’hypothèse où les informations fournies sont fausses ou insuffisantes. Cependant, ces dispositions sont restées lettre morte jusqu’à l’adoption du décret de 2012.
Ce texte prévoit un échelonnage de la mise en œuvre de l’obligation de publier les informations sociales et environnementales, en fonction de la taille de l’entreprise et de ses résultats. Il est regrettable que le critère de la taille ait été retenu, cela pénalisant « les industries de main-d’œuvre au profit de celles qui créent peu d’emplois, à l’heure où notre pays souffre d’un taux de chômage élevé », ce d’autant plus que « les risques sont bien davantage liés à la nature de l’activité exploitée et à son importance qu’à la forme juridique retenue et aux modalités de financement de cette activité » (Gilles J. Martin, préc.). De surcroît, le recours à des seuils peut pousser certaines entreprises ne souhaitant pas communiquer sur les conséquences de leur activité sur l’environnement à tout faire pour rester en-dessous de ces seuils.
Enfin, il est regrettable que le décret ou la loi ne prévoient pas l’obligation de recourir à un référentiel donné commun à chaque type d’information. En effet, l’objectif de la communication de ces informations est de pouvoir comparer les performances extra-financières des entreprises entre elles, or, cela n’est pas possible si chaque entreprise recourt à ses propres unités de mesures.
Les informations devant être intégrées au rapport de gestion sont de trois ordres: les informations sociales, les informations sociétales en faveur du développement durable et les informations environnementales.
Le décret du 24 avril 2012 crée un article R.225-105-1 dans le code de commerce, article qui prévoit ainsi deux listes différentes d’informations à fournir dans le rapport de gestion selon que la société est ou non cotée (dans le régime antérieur, seules les sociétés cotées, c’est-à-dire celles dont les titres sont admis sur un marché réglementé, devaient fournir des informations sur l’impact de leurs activités sur l’environnement), les sociétés non cotées ayant une douzaine de sujets de moins à traiter. Ainsi, il existe un tronc commun d’informations à fournir pour toutes les sociétés et une liste d’informations que seules les sociétés cotées doivent communiquer.