
L'annexe environnementale : de nombreux avantages ! (1ère partie)
Par Aude COSNIER
Juriste environnement et urbanisme Aeroports de Paris
Aeroports de Paris (ADP)
Posté le: 13/09/2013 16:41
Dans un précédent article, j'abordais précisément les pratiques étrangères en la matière de bail vert et l'on constatait que les baux verts sont très répandus dans l'Union Européenne mais encore plus dans les Etats anglo-saxons. Un engouement qui s'étend à la France, puisque la Grenelle 2 est venue créer un article L125-9 dans le code de l'environnement, qui prévoit que les baux portants sur une surface de plus de 2000m², utilisées à usage de bureaux ou de commerces, doivent comporter une annexe environnementale.
Quel rapport me direz-vous entre annexe environnementale et bail vert ? Et bien l'annexe environnementale est le compromis adopté par les parlementaires français qui souhaitaient que locataires et bailleurs ou propriétaires puissent profiter des nombreux avantages des baux verts, sans pour autant en rendre l'adoption obligatoire. Il faut savoir que les baux verts ne font (pour l'instant) l'objet d'aucune réglementation spécifique. Ceux qui ont été adoptés sont issus de démarches totalement libres et volontaires.
Face au cadre réglementaire très strict encadrant les baux français et aux rapports souvent tendus entre bailleurs et locataires, nos responsables politiques ont choisi de privilégier la souplesse et le dialogue en retenant la technique de l’annexe environnementale. La solution choisie consiste donc en un verdissement des baux ''classiques'' par l'ajout d'une annexe environnementale. Il faut cependant savoir que bien que ce ''verdissement'' des contrats de bail puisse engendrer des coûts liés notamment aux travaux de performance énergétique, bailleurs comme locataires peuvent y trouver des intérêts. Nombreux sont en effet les avantages liés à la mise en place d'un bail vert ou d'une annexe environnementale. Nous allons voir qu'une telle démarche favorise notamment une baisse des consommations énergétiques et par conséquent des économies de charges pouvant être substantielles au profit des preneurs (1.). En ce qui concerne le propriétaire du bâtiment, celui-ci pourra bénéficier d'une plus-value lors de la location ou de la vente son bien par rapport à d'autres immeubles moins vertueux (2.).
1- Des économies de charges locatives
Jennifer THEVENIOT, responsable Développement Durable chez AOS Studley, qualifie l'annexe environnementale de « bel outil de concertation ». Cette expression résume parfaitement ce qu'est et ce que doivent être tant une annexe environnementale qu'un bail vert. Pour cette auteure, « le bail vert représente bien plus qu'une simple contrainte réglementaire. Il peut en effet devenir un véritable outil de concertation permettant au bailleur et au locataire de se rencontrer régulièrement pour suivre et améliorer leurs consommations… afin de viser des économies d'énergie !»*.
Nombreux sont en effet les auteurs à avoir souligné cet avantage de l'adoption d'une annexe environnementale, qui leur semble le plus évident et le plus parlant, à l'image de Marie-Amélie FENOLL (M.A. FENOLL, Le bail vert, un outil de dialogue et de performance, Décision Achats N°159 - 02/11/2012 (http://www.decision-achats.fr/Decision-Achats/Article/Le-bail-vert-un-outil-de-dialogue-et-de-performance-45283-1.htm).
Pour celle-ci, « Au final, il s'agit pour le locataire de faire des économies (…) l'objectif étant que, du partage des économies réalisées ou encore de l'allégement des charges, naisse un cercle vertueux qui lie propriétaire, locataire et facility manager».
« Cela a plus d'impact quand les efforts effectués sont transformés en valeur financière », précise Jacqueline Faizant (présidente du directoire de BNP Paribas Real Estate Investment Management (REIM) France, gestionnaire d'immobilier).
Selon Fabrice HAIAT*** « du côté des locataires, ces nouvelles conventions apportent également une diminution des charges, de meilleures conditions de travail pour les employés et contribuent à une image plus verte de l'entreprise ».
De même, pour Marie-Noëlle MARAVA, « malgré le surcoût du bâtiment, les niveaux de loyers sont ceux du marché. Mais les charges payées par le locataire sont inférieures à 50 euros par m2, contre 80 à 100 euros du m2, habituellement»****.
Au-delà de ces avantages financiers directs, l'adoption et la mise en œuvre sérieuse d'une annexe environnementale (comme d'un bail vert) permet également d'être plus facilement en conformité avec les nombreuses contraintes réglementaires qui pèsent sur les acteurs économiques.
2 .Les plus-values à la location ou à la vente des immeubles vertueux
Il faut savoir que la loi, tout comme le décret en date du 31 décembre 2011 relatifs à l'annexe environnementale, ne prévoient ni obligation de résultats ni sanction en cas de défaut d'adoption d'une annexe ou concernant son contenu et sa mise en œuvre. Cependant, pour Jennifer THEVENIOT, « le marché, lui, en induira, ne serait-ce que par la baisse de l'intérêt porté aux immeubles non verts ainsi qu'à terme, la décote des valeurs locatives de ces immeubles ».
Précisément, selon Fabrice HAIAT, « pour les propriétaires, une gestion environnementale active apporte (…) une sensible amélioration de la rentabilité des immeubles, aujourd'hui mieux prise en compte au travers du concept de la Green Value. L'adoption d'un bail vert contribue à une meilleure attractivité des locaux, moins de turnover des locataires et donc une optimisation des cash-flows. Du côté des locataires, ces nouvelles conventions apportent également une diminution des charges, de meilleures conditions de travail pour les employés et contribuent à une image plus verte de l'entreprise».
F. HAIAT précise d'ailleurs qu' « en période de crise, les immeubles ''verts'' ont tendance à attirer les entreprises essentiellement pour deux raisons :
- D’abord parce que la «green attitude» qui se reconnait au travers de label (HQE, BBC, …) est synonyme de charges maitrisées. Il faut bien comprendre que beaucoup d’utilisateurs ont eu des expériences malheureuses dans des immeubles des années 70 ou 80 qui génèrent parfois des charges presque aussi élevées que la valeur locative de marché. Il est donc légitime qu’un locataire qui rembourse 150 €/m²/an/HT/HC de charges locatives prenne ces questions très au sérieux.
- Ensuite parce que les entreprises sont de plus en plus sensibles à leur image. Et pour beaucoup d’entre elles, leurs implantations sont des vitrines. Dans ce contexte, le respect de l’environnement et le développement durable les intéressent ».
Une telle démarche permet, au surplus, d'assurer un meilleur entretien et par conséquent un meilleur vieillissement de l'immeuble. Et, étant donné que l'annexe est rédigée par le propriétaire du bâtiment loué, celle-ci peut prévoir des obligations qui s'imposeront aux locataires pour limiter la consommation énergétique des locaux concernés. Le bailleur peut, par exemple, avoir intérêt à négocier une obligation de résultat à la charge du locataire en matière de performances environnementales et énergétiques ; obligation pouvant être assortie de sanctions pécuniaires ou juridiques en cas de non atteinte des objectifs fixés. L'avantage ici, on le comprend, est que si le bailleur a fait des efforts afin de faire construire un immeuble aux possibilités de performances environnementales et énergétiques élevées, ce dernier, au moyen de l'annexe, pourra imposer aux preneurs une gestion et une exploitation vertueuse de son bien. S’il y parvient, le bailleur bénéficiera d’un immeuble en bon état pour sa revente ou sa nouvelle mise en location par exemple. Le preneur, quant à lui pourra accepter de faire des efforts dans ce but en contrepartie d’une baisse des charges ou du loyer.
Précisément, un bail vert (entendu au sens large) permet, on le répète, d'ajouter à un bail ''classique'' des clauses permettant d'améliorer les performances durables d'une entreprise notamment en matière de performance énergétique, d’élimination des déchets et d’emploi de matériaux "durables" pour l'aménagement des locaux. Selon Jennifer THEVENIOT, peuvent s'y ajouter « plusieurs clauses que le bailleur pourrait être tenté d'insérer pour lui permettre d'atteindre plus facilement le niveau de performance énergétique imposé par le décret Gauchot à paraître en application de la Loi Grenelle II. Celui-ci impose que « des travaux d'amélioration de la performance énergétique soient réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s'exercent une activité de service public dans un délai de 8 ans à compter du 1er janvier 2012 » (Article L. 111-10-3 du CCH).
Toutefois, cette auteure s'empresse d'ajouter qu'il existe un risque que le bailleur ajoute certaines clauses portant atteinte à la libre jouissance des locaux par le preneur, voire à la gestion de son entreprise (exemple : interdiction d'utilisation de certains équipements trop énergivores, horaires d'utilisation des locaux imposés, demande de s'engager dans une certification environnementale de ses locaux, etc). Mais ce risque s'avère limité puisqu’aucun des textes relatifs à l'annexe environnementale n'impose d'obligation de résultat ; d'où le conseil de J. THEVENIOT aux locataires de « restez vigilant afin que cette annexe engage et bénéficie aux deux parties ».
Par ailleurs, ainsi que l'explique cette jeune femme, grâce à la conclusion d'une annexe environnementale « le locataire a également l'assurance de profiter d'un meilleur confort pour ses utilisateurs : des locaux plus verts sont forcément plus performants, moins pollués, plus confortables». Elle conclut que l'annexe environnementale « constitue une nouvelle fois un véritable atout (…) pour chaque entreprise utilisatrice soumise à l'obligation de publication d'informations de RSE au sein de leur rapport de gestion, de valoriser concrètement son engagement pour une utilisation vertueuse de ses locaux ».
Autant d'intérêts de l'annexe environnementale qui, de plus, permettra de toujours de trouver des candidats à la location, ce qui a l'avantage considérable de limiter le turn-over des locataires, phénomène craint par les bailleurs et propriétaires.
Compte tenu des divers avantages que représente la conclusion d'une annexe environnementale comme d'un bail vert, on comprend que beaucoup d'acteurs économiques se soient lancés dans l'aventure.
Pour Fabrice HAIAT « ces baux verts, qui arrivent progressivement en France sont d'ores et déjà perçus comme une lourdeur administrative supplémentaire. À tort. S'ils sont précédés d'une réflexion environnementale, accompagnés de principes éducatifs, et soutenus par des outils technologiques dédiés, ils apportent une réelle plus-value».
Nous étudierons d'ailleurs, dans un prochain article, ce que certains d'entre eux ont choisi de mettre en place ou projettent de faire ainsi que les interrogations auxquelles ils doivent faire face.
(suite cf article suivant)