
Proposition d'organisation pour gérer les annexes vertes
Par Audrey COUYERE
Juriste en Droit de l'Environnement et Droit du Travail
EDF
Posté le: 10/09/2013 15
La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a modifié l'article L 125.9 du Code de l'Environnement en imposant pour les baux portant sur des locaux de plus de 2000m2 à usage de bureaux ou de commerces l'introduction d'une annexe environnementale à convenir entre les Parties au bail. Le décret n° 2011-2058 du 30 décembre 2011 est venu préciser les dispositions de l'article L 125-9 en définissant le contenu obligatoire de l'annexe environnementale. La loi est applicable aux nouveaux baux depuis le 1er janvier 2012 et aux baux existants au 14 juillet 2013. Dans un premier temps, les entreprises sont donc invitées par ces dispositions à établir évaluer le nombre de baux concernés. Parmi les baux concernés, il appartient à l'entreprise de distinguer les baux soumis à une renégociation prochaine et ceux qui ne le sont pas. Dans un deuxième temps, elles doivent s'organiser pour mettre en oeuvre l'établissement de l'annexe verte. Deux phases composent cette mise en oeuvre, d'une part, la négociation et la signature de l'annexe verte, liée ou non à une renégociation de bail (I), et d'autre part le suivi annuel tout au long de la vie du bail (II).
I. Phase I : négociation et signature de l'annexe verte
Pour cette première phase, l'entreprise peut établir un plan de projet. L'entreprise doit identifier les baux pour lesquels elle agit en qualité de bailleurs, et les baux pour lesquels elle agit en qualité de preneur.
Dans le cadre de l'établissement l'annexe verte, l'entreprise passera par deux étapes, l'une juridique et l'autre de terrain; celle de la négociation des obligations respectives des parties, et celles de l'établissement des descriptifs techniques.
En ce qui concerne les obligations contractualisées, l'entreprise doit déterminer ce qu'elle souhaite mettre en place en terme d'obligations, et établir un modèle d'annexe. Les bailleurs et les preneurs sont concernés. Si ceux-ci sont des entreprises, les fonctions des juristes d'entreprises, mais aussi les responsable environnement (maîtrise de l'énergie) sont aux prises de la négociation. La négocation des baux verts implique nécessairement des juristes puisque l'annexe verte n'est rien d'autre qu'un avenant au bail, c'est-à-dire un bail commercial soumis au régime des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce. La loi ne prévoit aucune sanction et laisse celle-ci à l'appréciation des juridictions; Les tribunaux pourront toutefois sanctionner le non-respect de cette obligation sur le fondement du droit commun des baux. En outrer, si un litige survient entre les parties, la loi prévoit qu' "il appartient à la partie la plus difiligente de faire désigner un médiateur avant toute saisine au fond de l'autorité judiciaire".
Enfin la négociation de l'annexe verte, implique nécessairement les responsables de l'environnement puisque son objectif est d'impliquer les acteurs du contrat de bail commercial dans la gestion environnementale du parc immobilier. En ce qui concerne la négociation des obligations respectives des parties, le bailleur et le preneur bénificie d'une liberté totale afin de négocier et de rédiger le contenu de l'annexe environnemental. Par exemple, les parties peuvent décider de s'engager sur un référentiel "Haute qualité environnementale -HQE" ou encore "Bream in Use", une clause portant obligation pour les parties d'adopter un comportement qui permettrait le maintien ou le renouvellement de ces types de certification voire son obtention (ce qui serait mettre la barre haute, mais pourquoi pas). Aucune obligation de performance environnementale chiffrée n'est imposée par la loi. Mais compte tenu du caractère expérimental de la démarche environnementale, les Parties s'engagent à faire leurs meilleures efforts pour parvenir aux objectifs poursuivis par l'annexe de performance environnementale. Il s'agit ici plus d'une obligation de moyens que d'une obligation de résultat. Par conséquent, le fait de ne pas atteindre les objectifs fixés ne pourra être invoquée par une partie pour justifier la mise en oeuvre de la clause résolutoire du Bail. L'accord doit être conçu de manière à pouvoir évoluer au fur et à mesure de la réglementation puisque celle-ci porte sur un sujet qui évoluera nécessairement. L'accord peut donc prévoir une clause prévoyant que les perties se réuniront pour déterminer ensemble les conditions d'évolution de l'accord en cas de changement de la réglementation.
Pour l'établissement du descriptif technique, les acteurs de terrain doivent constituer d'une part la liste des équipements, ainsi que leur nombre et leur consommation. Elle concerne les équipements existants dans un immeuble et relatif au traitement des déchets, au chauffage, au refroidissement, à la ventilation et à l'éclairage. D'autre part, des données doivent être transmises concernant les consommations énergétiques, d'eau, les quantités de déchets et les produits phytosanitaires. En fonction des entreprises ces informations font d'ores et déjà l'objet d'un reporting informatique. Si ce n'est pas le cas, un audit externe peut permettre d'établir la liste des équipement et d'effectuer le reporting des consommations. L'établissement du descriptif technique peut obliger les acteurs de terrain à mettre en cohérence les données des systèmes d'informations avec la liste des équipements. Les entreprises de facility management, ainsi que les fonctions de facility management internes aux entreprises bailleurs ou preneurs sont concernés par l'établissement données techniques. S'agissant du partage des informations et données environnementales, les responsables en environnement sont les plus à même pour définir premièrement, la périodicité de la mise à disposition des données et informations afin d'en prévoir l'analyse, mais aussi, la méthodologie et la forme de transmission pour disposer de données exploitables.
Pour la mise en place de cette phase, il est vivement conseillé de mettre en place un tableau de bord, permettant de mettre en place un indicateur de suivi sur la signature des annexes vertes pour les différents baux.
II. Phase II: Suivi annuel
La mise en oeuvre d'une annexe verte va nécessiter l'instauration d'un dialogue permanent entre les preneurs et les bailleurs afin qu'ils conviennent ensemble des instruments visant à l'amélioration de la performance environnementale. Le suivi annuel est matérialisé par une réunion du comité de pilotage défini dans l'annexe verte. Il a pour objectif d'assurer une communication réciproque des données pour l'année n-1 de consommations d'énergie et d'eau, et des données de production et de valorisation des déchets, d'établir un plan d'actions en année en vue d'améliorer ces résultats, et le suivi des plans d'action à partir de l'année n+1. Le comité de pilotage a procède donc d'une démarche d'amélioration continue (Plan-Do-Check-Act) compatible avec tout système de management environnemental tel qu'ISO 14 001 basé sur ce principe.
Le comité de pilotage prévu au bail doit associer des compétences de gestion et de négociation des baux (des compétences juridiques et financières) et des compétences techniques (maîtrise de l'énergie, déchets etc.). Pour les grands bailleurs, une organisation nationale - régionale peut être mise en place, avec d'une part, le responsable des baux et le responsable du développement durable au niveau national, et un responsable territorial chargé de l'environnement (en fonction du lieu de l'immeuble) afin de mettre en place un plan d'action général. Le comité de pilotage a vocation a mettre en place au plan général un plan d'action, lequel est décliné et adapté au niveau local par les responsables des baux et les responsables environnement locaux. Plus simplement, pour les bailleurs localisés en région, le suivi est directement réalisé par les responsables des baux et les responsables environnement locaux.
Le rôle de chaque acteur est décrit ci-après. Le responsable du développement durable au niveau national, ainsi que le responsable environnement au niveau régional, fournissent des éléments chiffrés du bilan énergie/eau/déchets et propose les éléments concrets du plan d'action année N et contribue à l'établissement du bilan du plan d'action N- 1. Ils ont donc un rôle d'analyse et de synthèse des consommations en énergie et de gestion des déchets (revalorisation) et des actions correctives à mettre en place. Le responsable des baux, prend quant à lui, en charge les relations avec le bailleur. Il prend contact avec le bailleur ou son représentant (gestionnaire de bien) et organise les réunions de négociation.
Pour la collecte des données, lorsqu'un système de management environnemental a été mis en place, tel qu'ISO 14 001, il est possible que les données concernant l'énergie, l'eau et l'énergies soient disponibles dans un système informatique uniforme. L'organisation même de 14 001 exige que les données soient toutes accessibles aux même endroit et que chacun suivent la même procédure, à tout les niveaux de l'organisation, pour que les données soient rentrées et utilisées à partir du même interface. Lorsque cet interface unique de gestion est mis en place, ceci représente un gain de temps considérable et une utilité pour mesurer (au moyen d'indicateur) la performance énergétique et la maîtrise des déchets (revalorisation). Lorsque l'un des éléments (énergie, eau, déchets) n'est pas répertorié dans l'interface, il convient d'entamer une réflexion pour intégrer le suivi du paramètre manquant.
Pour l'établissement du plan d'actions, ce dernier doit être raisonnable et privilégier en premier les actions à coûts nuls (les actions de bon sens) ou réduits : sensibilisation des occupants (avec des outils de communication adaptés - affichage dans les lieux appropriés, autocollants sur les poubelles) et amélioration de l'exploitation (réglages, pilotage simple des usages). Ce dernier point concerne notamment le réglage des climatisations. Lorsque l'entreprise est dotée d'une GMAO (Progiciel de gestion des maintenance assistée par ordinateur) - c'est souvent le cas pour les sites comprenant un grand nombre d'équipements et un grand nombre de périodicité de maintenance pour ces divers équipements - elle peut mettre en place une planification des maintenances, visualiser le retard par rapport aux prévisions, et consulter l'historique des pannes. Ce qui peut dans certains cas, expliquer les surconsommations, et donner une explication sur les dysfonctionnement et les actions à entreprendre pour réduire les consommations. L'ensemble des données collectés dans la GMAO peuvent également servir de base de données pour la collecte des données ci-dessus. Enfin les consommations des équipements relatifs au chauffage, à la ventilation, et au froid peuvent être maîtrisés par des progiciels tels que GTC (Gestion Technique Centralisée) et GTB (Gestion Technique du Bâtiment).
Lorsque des travaux sont envisagés, ceux-ci doivent faire l'objet d'une planification à court, moyen et long terme, et répartis entre le bailleur et le preneur. Les travaux doivent être coordonnés avec les programmes interne de travaux, de maîtrise de l'énergie ou encore de gestion des déchets.
A titre de conclusion, au terme de ces deux étapes, une troisième étape peut presque être suggérée; celle de l'établissement d'un retour d'expérience et d'une adaptation de la procédure à la fois sur le plan technique et sur le plan contractuel. Ce retour d'expérience a vocationa a être partagé en marge des réunions annuelles prévues. Le retour d'expérience pourra porter sur les aspects organisationnels (coordination des intervenants, charge de travail, compétence sollicitées, disponibilités des informations) que technique (questions, pertinence des outils, mise en commun des données, propositions des données, avancement des plans d'action et report d'actions). Suite à ce retour d'expérience, la procédure peut être amendée.
Sources :
EDF, Direction Immobilier Groupe, Responsable Développement Durable, Responsable Relations Bailleurs, Juillet 2013,Comment gérer les annexes vertes au sein du Pôle Immobilier, Document d'origine Interne,
Gestionnaire de Patrimoine CBRE, 2013, Projet d'Avenant au Bail.
EDF, 2013, Modèle d'Annexe - Performance Environnementale
Desideri, 2010, Droit de l'Environnement