
L’élargissement du champ d’application de la norme NF EN ISO 50001 aux collectivités territoriales
Par Marion ZALOGA
Juriste QSE - Chargee Veille Reglementaire
SNCF - Technicentre Atlantique
Posté le: 08/09/2013 7:46
Depuis maintenant plus de dix ans, les hautes instances communautaires pensent et dirigent les Etats membres vers une politique de performances énergétiques. Ceci a pu entre autre s’observer à travers la directive 2002/91/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments, qui impose notamment dans les bâtiments existants des performances thermiques minimales, un affichage des consommations prévisionnelles d’énergie et des contrôles sur les installations de chauffage et de climatisation. Ceci s’est également observé le 23 janvier 2008 à travers le Plan climat-énergie (appelé aussi paquet climat énergie) adopté par la Commission européenne et visant un objectif européen dit 3x20. Cet objectif doit se comprendre par la diminution de 20% des émissions de gaz à effet de serre, la réduction de 20% de la consommation d’énergie et enfin, par le fait d’atteindre 20% d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique d’ici à 2020. Mais également, à travers la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, consolidée au 1er juillet 2011.
Cette volonté européenne d’économie et de l’utilisation rationnelle de l’énergie a été transposée largement en France. En effet, cette dernière s’est engagée dans une démarche globale de réduction de sa consommation énergétique et de ses émissions de gaz à effet de serre.
C’est également dans ce contexte qu’a été créée la norme NF EN ISO 50001 « Systèmes de management de l’énergie – exigences et recommandations de mise en œuvre » (I). Celle ci a été pensée pour les organismes de toutes tailles, et la ville de Saint Raphaël lui a concédé un champ d’application encore plus large (II).
I. Présentation et mise en œuvre de la norme NF EN ISO 50001
La norme NF EN ISO 50001 « Systèmes de management de l’énergie – exigences et recommandations de mise en œuvre » est une norme récente puisqu’elle a été publiée le 15 juin 2011 par l’ISO, et reprise à l’identique par les organismes de normalisation européens CEN et CENELEC, et au niveau national par l’AFNOR (en novembre 2011). Elle s’associe à la norme EN 16247-1 « Audits énergétiques – exigences générales », audits rendus obligatoires par la réglementation, et s’intègre dans la réglementation relative à l’Energie. De plus, elle est citée dans la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE (publiée au JOUE du 14 novembre 2012). Il est à noter que les Etats membres ont 18 mois, à partir du 4 décembre 2012 pour transposer cette directive. La France, a quant à elle présenté en Conseil des ministres le 6 mars 2013 un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable. Et il a été convenu que les modalités opérationnelles seront définies postérieurement par voie réglementaire après concertation avec l'ensemble des professionnels concernés.
Concernant la norme ISO 50001, l’article 8 de la directive 2012/27/UE « Systèmes de management de l’énergie et des audits énergétiques » prévoit l’instauration d’un audit énergétique obligatoire dans les grandes entreprises, et ceci est entre autre rendu possible par le moyen de la certification à la norme ISO 50001. Cette directive et l’allusion à la certification à la norme 50001 confirment la règlementation antérieure et existante dans cette recherche d’économie d’énergie, et notamment l’objectif à atteindre de 20% en 2020.
Plus précisément, l’article 8 de la directive demande aux Etats membres, d’une part la mise à disposition d’audits énergétiques de haute qualité rentables, effectués par des experts qualifiés et indépendants et, d’autre part, que les grandes entreprises fasse l’objet de tels audits énergétiques au plus tard le 5 décembre 2015, puis tous les quatre ans au minimum. Il est à noter que les grandes entreprises qui auront mis en œuvre un système de management de l’énergie certifié conforme à la norme ISO 50001 seront exemptées de cette exigence. Il peut alors être vu toute l’importance d’une certification en amont à cette norme.
Pratiquement, cette norme ISO 50001, reprenant la structure de la norme ISO 14001 sur le management environnement, est destinée à développer une gestion méthodique de l’énergie pour améliorer la performance énergique. Ce développement répond alors à la démarche PDCA (plan, do, check, act), autrement appelée roue de Deming, d’amélioration continue. Il est alors question d’analyser les usages et consommations énergétiques, afin d’identifier les potentiels améliorations à fournir, d’en définir des plans d’actions, de les mettre en œuvre et d’assurer leur surveillance. Cette démarche continue est souhaitée afin d’assurer une amélioration pérenne de la performance énergétique de l’organisme mettant en œuvre la norme ISO 50001.
L’application du Système de Management de l’Energie (SMÉ) de l’ISO 50001 consiste alors à réduire les coups énergétiques et à gagner en compétitivité, tout en réduisant l’empreinte environnementale des entreprises auteurs de cette démarche. Ceci peut alors avoir pour conséquence une réflexion sur l’organisation interne de l’entreprise, ainsi que sur les activités même de cette dernière. La direction de l’entreprise doit être engagée dans ce processus et doit définir la politique énergétique voulue pour son entreprise, en appui de personnes compétentes désignées en interne pour mener à bien ce projet de management de l’énergie.
La première étape du processus de management de l’énergie est de déterminer les postes les plus énergivores (consommateurs d’énergies) pour mettre en place des actions d’amélioration. Ces actions pourront être de toutes natures, à savoir, agir sur les comportements des personnes de l’entreprise, changer ou rénover les matériels et équipements obsolètes ou consommant trop d’énergies, ou encore repenser le choix des fournisseurs, partenaires, utilisant des équipements énergétiquement performants ou économes. Le premier frisson des entreprises s’observe dès cette première étape car il s’agit bien souvent d’un investissement de taille pour ces dernières, qui doit portera ses fruits sur le long terme. C’est un pari sur l’avenir que les entreprises doivent alors mettre en œuvre dans leur management de la performance énergétique. Il en résultera une surveillance et un mesurage essentiels à la mise en œuvre des différents plans d’actions. En effet, le point 4.1 : exigences générales de la norme exige d’« établir, documenter, mettre en œuvre, entretenir et améliorer un SMÉ conformément aux exigences de la [norme] ; définir et documenter le domaine d’application et le périmètre de son SMÉ [et] déterminer la façon dont il satisfera les exigences de la [norme] de façon à obtenir l’amélioration continue de sa performance énergétique et de son SMÉ ». Plus pratiquement c’est au moyen d’une revue énergétique qui déterminera la performance énergétique de l’organisme à partir de données et d’autres informations permettant une amélioration de sa performance, que pourra s’accomplir cette surveillance et cet avancement (point 4.4.3 : revue énergétique).
Une fois prête à être certifiée, l’entreprise sera confrontée aux premier et deuxième niveaux de certification. Le premier niveau permet aux entreprises de débuter la démarche, par la réalisation d’un audit énergétique puis par l’identification des principaux postes de consommation d’énergie et de potentiels d’économie. Il correspond plus largement à l’engagement de la direction dans la norme ISO 50001 et à la planification du système de management de l’énergie. Il donnera lieu à un certificat justifiant de cette implication satisfaisante de l’entreprise, justifiée par les niveaux des indicateurs. Le niveau 2 quant à lui repose sur la mise en œuvre de la démarche à tous les opérateurs concernés dans l’entreprise. Il s’agit alors d’une véritable certification à la norme ISO 50001 de l’entreprise, et plus précisément du site industriel ou du bâtiment tertiaire. Ceci implique alors la sensibilisation et la formation de tous les acteurs de ce management de la performance énergétique, et ce, afin d’assurer une amélioration continue et pérenne en ce sens. Cette réflexion continue sur l’utilisation de l’énergie doit conduire, si besoin, à la définition de nouveaux plans d’actions pour augmenter progressivement le pourcentage d’économie d’énergie effectuée par l’entreprise, et par conséquent diminuer également la part financière annuelle versée par l’entreprise au titre de la consommation énergétique. Il est à noter que la certification au niveau 2 est la seule à pouvoir donner à l’entreprise concernée le certificat ISO 50001.
A ces deux niveaux est associée une bonification variable du volume des certificats d'économie d'énergie (CEE) des opérations réalisées dans le périmètre du système de management de l'énergie certifié. Elle sera de 50 % pour le niveau 1 et de 100% pour le niveau 2.
II. Champ d’application de la norme NF EN ISO 50001
A la lecture de la norme NF EN 50001 il n’est pas fait explicitement état de la possibilité de certification à l’échelle des collectivités territoriales. En effet, il est expressément visé « les organismes de toutes tailles », ce qui ne fait pas directement allusion aux collectivités territoriales, mais davantage aux entreprises de toutes envergures, répondant à des caractéristiques différentes.
Toutefois, la ville de Saint Raphaël (dans le Var – département 83), est venu déroger à ces idées reçues et prétendre à la certification à la norme internationale ISO 50001. C’est à l’échelle de la ville qu’il a été pensé un management de la politique énergétique. En effet, comme l’explique David Boyé, directeur générale adjoint des services de la mairie de Saint Raphaël, « dès 2005 nous avons mis en place un suivi de nos dépenses énergétiques et, il y a deux ans, nous avons recruté un économe de flux spécialisé dans cette tâche ». Il peut alors être fait l’amalgame avec les exigences du référentiel de la norme qui souhaite une implication de la direction de l’organisme (ici représenté par les services de la mairie), et l’appui apporté en interne par une personne compétente en la matière (ici caractérisée par l’économe recruté par les services de la mairie). Une véritable adaptation à la lettre du référentiel a été mise en place pour parvenir à une certification et donc à une reconnaissance de l’adéquation de la ville à la réglementation nationale relative à la politique énergétique (et de surcroit à la réglementation communautaire). Pierre Jaudon, directeur du cabinet d’étude STIPE, travaillant pour la ville de Saint Raphaël depuis une dizaine d’années a souligné à propos du référentiel de la norme ISO 50001, qu’« heureusement il est assez large et nous avons donc pu l’adapter intelligemment au cadre de la municipalité ».
C’est afin de « pérenniser la politique énergétique de la ville et disposer d’un système de pilotage claire et efficace », comme le précisé Pierre Jaudon, que la ville s’est rapprochée de ce référentiel et à tenter d’en suivre les recommandations. Il a par exemple été pensé d’illuminer avec des leds les principaux bâtiments de la ville, pour diminuer la consommation électrique de cette dernière, ou encore d’isoler la plupart des bâtiments. Ceci résulte du fait que six équipements énergivores ont été déterminés par la commune comme représentants le pus gros pourcentage de la facture d’énergie de la commune. Comme le demande le référentiel de la norme, il a alors été défini que l’hôtel de ville, le centre culturel, le palais des congrès, le stade nautique, la salle omnisports et l’éclairage public, devaient faire l’objet de plan d’actions afin de diminuer leur consommation d’énergies. Et ce, à terme, afin de pouvoir prétendre à la certification à la norme ISO 50001.
La ville de Saint Raphaël a donc obtenu dernièrement le certificat de niveau 1 de la norme et compte, en 2014, parvenir au niveau 2 et donc à la certification à la norme par l’organisme agréé AFNOR.
C’est alors un élargissement de la norme qui doit être mis en avant par cette démarche de la ville de Saint Raphaël. En effet, au-delà des exigences réglementaires nationales et communautaires, les systèmes de normalisation sont des appuis solides pour répondre aux exigences des différentes réglementations. Il ne faudrait alors, plus voir la normalisation comme un système parallèle à la réglementation communautaire et nationale destiné uniquement aux entreprises, mais comme un support à la mise en conformité de toutes entités liées à des prescriptions d’ordre environnemental, dont les collectivités territoriales.
Ceci s’observe également avec l’European Energy Award, décliné en France sous l’appellation Cit’Ergie, qui met en avant les collectivités ayant mis en œuvre au moins 50% des possibilités de progression en matière de maitrise d’énergies dans six domaines, à savoir, le développement territorial, la mobilité, le patrimoine de la collectivité, l’organisation interne approvisionnement en énergie, l’eau et l’assainissement et enfin la communication et coopération. A ce titre, la ville de Besançon a été labellisée une première fois en 2007, et a obtenu en 2012 le niveau « gold », en ayant réalisé 78% de son potentiel d’amélioration. Il est à noter qu’il s’agit de la première ville en France à avoir obtenu ce niveau. Ceci permet également à la ville d’évaluer son Plan climat énergie territorial (PCET), rendu obligatoire par l’article 75 de la loi Grenelle II.