Les normes internationales en matière de transferts transfrontaliers de déchets apparaissent difficilement applicables aux déchets générés par le démantèlement des navires. La première difficulté, déjà évoquée dans cette monographie thématique spécialisée, est la qualification du navire en déchet.

Bien que la décision relative à la gestion écologiquement rationnelle du démantèlement des navires du 25-29 octobre 2004 admette qu’un navire puisse être qualifié de déchet au sens de l’article 2 de la convention de Bâle, celui-ci ne traite pas spécifiquement du démantèlement des navires. Il consacre une gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux et la définit comme « toutes mesures pratiques permettant d’assurer que les déchets dangereux ou d’autres déchets sont gérés d’une manière qui garantisse la protection de la santé humaine et de l’environnement contre les effets nuisibles que peuvent avoir ces déchets ». L’objet de la convention est large et n’envisage pas la mise en place de dispositifs adaptés à la problématique de la déconstruction de navires.

La convention de Bâle considère que l’Etat d’exportation est responsable en cas de transfert des déchets. Mais cette responsabilité soulève un problème qui réside dans la qualification d’Etat d’exportation. En effet, il est difficile de déterminer le début du transfert du navire-déchet puisqu’un navire, de par sa nature, est amené à faire de nombreuses escales. Par ailleurs, pour les navires de guerre, l’Etat peut être plus facilement défini, à l’inverse pour les navires civils, ceux-ci peuvent rendre difficile l’attribution d’une nationalité et donc d’un Etat responsable. La nationalité des navires civils est déterminée par leur pavillon, mais cette nationalité peut être différente de celle du propriétaire et de celle du port où se trouve le navire, il y a donc confrontation de nationalités. L’Etat d’exportation peut donc être mal défini.

Par ailleurs, l’Etat français a considéré que le démantèlement d’un navire était une opération d’élimination, bien que la valorisation de la majorité des matériaux soit possible. Les armateurs français sont donc tenus de faire déconstruire leurs navires au sein de l’Union européenne. La France est le seul pays à s’interdire de faire démanteler les navires sur le territoire de l’OCDE.

Face à ces difficultés liées aux insuffisances des règles internationales, les Etats souhaitant s’engager dans une démarche de démantèlement plus propre prennent conscience que l’établissement d’un cadre juridique plus contraignant est indispensable. Afin de parer aux problèmes engendrés par la convention de Bâle, le Conseil environnement du 24 juin 2005 a fait en sorte que le projet d’instrument juridiquement contraignant, négocié dans le cadre de l’OMI, garantisse un niveau équivalent à la convention de Bâle et au règlement du 14 juin 2006, et non identique, en ce qui concerne la protection de l’environnement. L’objectif est de mettre en place en priorité une gestion écologiquement rationnelle du démantèlement des navires associée à un système de notification ayant pour but de responsabiliser l’Etat du pavillon. Les trois instances internationales, l’OMI, l’OIT et la convention de Bâle travaillent sur un instrument juridique contraignant applicable à la déconstruction des navires en fin de vie.

La Commission européenne a mis en place un livre vert sur l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires adopté le 22 mai 2007. Il s’agit d’un document de consultation ayant pour objectif de rendre le démantèlement des navires en fin de vie moins dangereux pour l’environnement et pour la santé humaine. Il constitue une étape non négligeable dans l’élaboration d’une stratégie juridique communautaire dans le domaine de la déconstruction des navires. Ce document met l’accent sur les conditions dangereuses et polluantes de démolition de navires dans les pays asiatiques et propose une série de recommandations au sein de l’Union européenne en attendant l’élaboration d’une convention internationale sur le recyclage sûr des navires.

Cette réglementation internationale relative au démantèlement sûr des navires a été envisagée au travers de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, adoptée à Hong Kong le 15 mai 2009 par les Etats membres de l’OMI. La convention entrera en vigueur deux ans après la date à laquelle certaines conditions seront appliquées : elle doit être signée par au moins 15 Etats dont les flottes marchandes représentent 40% au moins du tonnage brut de la flotte mondiale des navires de commerce et que la capacité cumulée de recyclage des Etats au cours des dix années précédentes soit au moins égale à 3% du tonnage brut cumulé. Aujourd’hui, la convention de Hong Kong ne dispose pas suffisamment d’Etats signataires pour entrer en vigueur. En France, l’Assemblée Nationale a adopté le 25 juillet 2012 le projet de loi autorisant la ratification de la convention. Le 24 octobre 2012, le Sénat concluait à la nécessaire ratification de ce texte. Enfin, la loi du 22 novembre 2012 a autorisé la ratification de la convention de Hong Kong.

La convention vise les navires présentant une jauge brute égale ou supérieure à 500, battant pavillon d’une partie à la convention ou exploités sous son autorité, ainsi que les installations de recyclage des navires dont l’exploitation relève de la juridiction d’une partie à la convention. Sont exclus du champ d’application de la convention les navires de guerre, les navires de guerre auxiliaires et les autres navires appartenant à une partie ou exploités par elle et utilisés exclusivement pour un service public non commercial.

La convention impose des règles générales relatives au recyclage des navires aux Etats parties. Elle soumet notamment les installations de recyclage des navires à une procédure d’autorisation que chaque Etat partie est libre de mettre en place. Ces règles couvrent la conception, la construction, l’exploitation et l’entretien des navires ; les préparatifs en vue du recyclage du navire ; les visites auxquelles les navires sont soumis et la délivrance de certificats attestant que le navire dispose d’un inventaire des matières potentiellement dangereuses ; les prescriptions applicables aux installations de recyclage des navires et les prescriptions en matière de notification.

La convention de Hong Kong a permis l’élaboration de plusieurs directives telles que les directive de 2011 pour l’inventaire des matières potentiellement dangereuses annulent et remplacent les directives pour l’établissement de l’inventaire des matières dangereuses du 17 juillet 2009.
Les directives de 2011 pour l’établissement du plan de recyclage du navire ont pour objectif d’émettre, à l’intention des parties prenantes, et en particulier des installations de recyclage des navires, des recommandations sur les mesures à prendre pour élaborer un plan de recyclage spécifique à chaque navire devant être démantelé. Ces directives sont divisées en deux parties : la première énonce des indications sur les informations que l’installation de recyclage des navires doit recueillir auprès du propriétaire du navire afin d’établir le plan de recyclage. La seconde partie vise le plan de recyclage et la façon dont il décrit, de manière précise, les étapes que l’installation de recyclage va suivre pour démanteler le navire de façon sûre et écologiquement rationnelle. Ces directives annulent et remplacent les directives relatives à l’élaboration du plan de recyclage des navires d’octobre 2004.

Un système de notification avait été mis en place à la 52e session du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) en octobre 2004. Ce système implique le propriétaire du navire, l’installation de recyclage, l’Etat du pavillon et les Etats procédant au recyclage. Il a été repris par la convention de Hong Kong dans son article 24 qui édicte que « tout propriétaire de navires ayant l'intention de recycler un navire doit en informer l'Administration en temps voulu, par écrit, afin que celle-ci puisse effectuer les démarches nécessaires concernant les visites et la délivrance des certificats prescrites par la présente Convention ». De même, « toute installation de recyclage de navires qui se prépare à recevoir un navire à recycler le notifie en temps voulu, par écrit, à son autorité ou ses autorités compétentes ».

La nouveauté apportée par la convention de Hong Kong est la création d’un fonds pour le recyclage des navires. Le MEPC est convenu, lors de sa 52e session d’octobre 2004, de la nécessité d’établir un Fonds international d’affectation spéciale pour le recyclage des navires servant à financer le développement et l’exécution d’activités de coopération technique liées au recyclage des navires. Entériné par le Conseil lors de sa 94e session du 20 au 24 juin 2005, avec effet au 1er mai 2006, après avoir été approuvé par le Comité de la coopération technique (TCC), le fonds vise à améliorer la protection de l’environnement ainsi que les normes de sécurité lors des opérations de recyclage des navires.

Ce fonds est constitué au moyen de contribution des Etats membres ou non, de l’OMI, d’organisation, d’institutions et de particuliers. Sa gestion est assurée par l’OMI.

La convention de Hong Kong prévoit des dispositions internationales contraignantes afin d’assurer un démantèlement de navires plus sûr. Malheureusement, elle n’a pas été ratifiée par suffisamment d’Etats et n’est toujours pas entrée en vigueur. Bonne élève, l’Union européenne a imposé la ratification de la convention à tous ses Etats membres. Par une décision du 23 mars 2012, le Conseil européen a exigé de tous les Etats membres « qu’ils ratifient la convention internationale de Hong Kong de 2009 pour un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ou qu’ils adhèrent à cette convention, dans l’intérêt de l’Union européenne ».