
La prévention du risque bruit dans l'immobilier
Par Audrey COUYERE
Juriste en Droit de l'Environnement et Droit du Travail
EDF
Posté le: 03/09/2013 14:06
La législation relative à la prévention du risque bruit dans le milieu du travail repose principalement sur le décret N° 2006-892 du 19 juillet 2006 ainsi que sur l’arrêté du 19 juillet 2006. Le Code du travail impose à l’employeur de suivre les principes généraux de prévention, c’est-à-dire d’évaluer le risque, de supprimer ou réduire le risque au minimum en agissant le plus en amont possible sur l’environnement de travail : réduction du bruit à la source, conception des machines, insonorisation et réduction du bruit dans les locaux (article R4432-2 du code du travail). Les seuils d’actions sont déterminés par les niveaux d’expositions quotidiennes au bruit ou par des niveaux de crête. Si ces niveaux d’exposition sont dépassés, un certain nombre d’actions de prévention doivent être entreprises par l’employeur (articles R. 4431-2 à R4431-4 du code du travail).
Les textes réglementaires suivants permettent aux entreprises d'assurer leur conformité réglementaire quant à la prévention du risque bruit :Décret n°2001-1016 du 5 novembre 2001 transposition en droit français de la Directive Européenne 2003/10/CE du 6 février 2003; Arrêté du 6 août 1992 définissant à l’usage des médecins du travail, ce que comporte la surveillance médicale des personnes exposées au bruit; Arrêté du 30 août 1990 relatif à la correction acoustique des locaux de travail; Arrêté du 31 janvier 1989 portant recommandations et instructions techniques que doivent respecter les médecins du travail assurant la surveillance médicale des travailleurs exposés au bruit; Décret N°88-930 du 20 septembre 1988 relatif aux dispositions applicables aux opérations de constructions dans l’intérêt de l’hygiène et de la sécurité des travailleurs (insonorisation, installations sanitaires et restauration); Arrêté du 25 avril 1988 relatif à l’information sur le bruit émis par les machines et appareils.
Des normes permettent aux entreprises de prévenir le risque bruit tels que la Norme NF S31-080 : « Bureaux et espaces associés – niveaux et critères de performance acoustiques par type d’espace (janvier 2006) et la Norme NF EN ISO 9612 (mai 2009) : « Détermination de l’exposition au bruit en milieu de travail.
Les actions de prévention à entreprendre en fonction des dépassements des seuils sont les suivantes. Au dessus de la Valeur d’exposition Inférieure déclenchant l’Action VAI (Exposition quotidienne= 80dB(A), Niv de de crête = 135dB(A)), l'employeur est tenu de mettre à disposition des protecteurs individuels, d'informer et de former des travailleurs sur les risques et les résultats de leur évaluation, les protecteurs individuels mis à disposition, la surveillance de la santé et de proposer un examen audiométrique préventif. Au dessus de la Valeur d’exposition Supérieure déclenchant l’Action VAS (Exposition quotidienne= 85dB(A), Niv de de crête = 137dB(A)), l'employeur a l'obligation de mettre en œuvre d’un programme de mesures de réduction d’exposition au bruit, de signaler les endroits concernés (bruyants et limitation d’accès, d'enjoindre à ses salariés l'utilisation des protecteurs individuels et de contrôle de l’ouïe. Enfin, la valeur limite d'exposition VLE (Exposition quotidienne= 87dB(A)
Niv de de crête = 140dB(A)) contraint l'employeur à prendre des mesures de réduction d’exposition sonore immédiates.
Compte tenu de ce qui précède, ces seuils réglementaires imposent à l'employeur d'évaluer le risque bruit.
I. DEMARCHE D’EVALUATION DU RISQUE BRUIT dans l'immobilier
Dans le cadre de l’application de la réglementation liée aux risques bruits, une démarche d'évaluation du risque bruit doit être adoptée.
Dans le domaine de l'immobilier, la démarche de travail peut se décomposer en 4 phases :(les phases de 1 à 3 vont permettre de réaliser un bilan acoustique complet au regard de la réglementation en vigueur). La Phase 1 consiste à analyser l’existant. Cette phase 1 va permettre d’identifier les locaux et le personnel susceptible d’être soumis à une exposition importante au bruit. La Phase 2 consiste à réaliser une cartographie et estimation des niveaux sonores d’expositionCette phase 2 a pour objectif d’obtenir une première estimation des niveaux sonores d’exposition. La Phase 3 consiste a effectuer une mesure normalisée de l’exposition sonore des travailleurs. L’objectif de cette phase 3 est de vérifier le niveau réel d’exposition des travailleurs pour lesquels la phase 2 n’a pas permis de statuer sur la conformité vis-à-vis de la réglementation. La Phase 4 permet de définir et de réaliser des plans d’action pour réduire l’exposition au bruit. Cette étape a pour objectif de définir et mettre en œuvre les plans d’actions visant à la mise en conformité réglementaire. L’ensemble des résultats de l'évaluation doivent être intégré dans le document unique.
1. ANALYSE DES LOCAUX POTENTIELLEMENT BRUYANTS
Dans le domaine de l'immobilier tertiaire, l'analyse de l'existant permet de déterminer les locaux potentiellement "à risque Bruit". Parmis ceux-ci, il faut préciser les locaux électriques (Groupe Electrogène (GE), onduleurs, transformateurs), les locaux ventilation (Groupes froids (GF), Centrale de Traitement d’air (CTA), Tour de refroidissement, extracteurs), les ventilation extraction parking et machineries ascenseurs, les local courriers/ reprographie et les espaces accueils / bureaux attenants. Cette phase permet d’établir les locaux sur lesquels des mesures d’ambiance doivent être réalisés pour caractériser et cartographier le risque.
2. CARTOGRAPHIE DES LOCAUX
La phase 2 a pour objectif d’obtenir une première estimation des niveaux sonores d’exposition. La cartographie sonore des locaux permet la caractérisation acoustique des lieux de travail (connaissance des niveaux sonores moyens et maximales).
Ainsi pour chaque local identifié potentiellement "à risque Bruit", des mesures d’ambiance acoustique doivent être réalisées. Dans le domaine de l'immobilier tertiaire, les niveaux sonores à l'intérieur sont évalué à un niveau >85 et 137(crête) pour les locaux Groupe électrogènes, Groupe froids,Local d’extraction/soufflage des parkings souterrains
et à un niveau de bruit ambiant mesuré entre 80 et 85 > entre 135 et 137(crête) pour les locaux postes transformateurs et locaux onduleurs. Ces locaux tangentent le premier seuil d'action. Enfin, les niveaux de bruit ambiant mesurés sont en dessous de 80 db(A) et 135db(A) en niv de crête, pour les locaux ventilation, climatisation, CTA, CVC, TGBT, courrier, reprographie, Accueil et Bureaux tertiaires. Cette dernière catégorie relève donc plus du confort acoustique.
3. DETERMINATION DES GEH
Grâce aux résultats obtenus par les essais acoustiques, une première détermination des groupes d'exposition homogène peut être effectuée. Un groupe d'exposition homogène est un groupe de salariés affectés à des tâches similaires et qui sont exposés (de façon analogue) à des sources de bruit semblables dans un même lieu de travail. La détermination des «Groupes Bruit» peut être réalisée en fonction d’interview de salariés pour déterminer l’exposition au risque bruit mais aussi par l'analyse des fonctions. La méthodologie repose sur 2 critères : La fréquence d’intervention dans les locaux bruyants et le temps d’intervention dans les locaux bruyants.
4. MESURES D’EXPOSITION – DOSIMETRIE BRUIT
L’objectif de cette phase 3 est de vérifier le niveau réel d’exposition des travailleurs notamment pour lesquels la phase 2 n’a pas permis de statuer sur la conformité vis-à-vis de la réglementation. Il s’agit du personnel dont le niveau d’exposition évalué est compris dans un intervalle défini = 70 dB (A).8h< exposition estimée < 95dB(A).8h
Un mesurage normalisé de l’exposition au bruit des personnels des groupes d'exposition homogène est effectué selon la norme de mai 2009 (NF EN ISO 9612 "Détermination de l'exposition au bruit en milieu de travail - Méthode d'expertise"). Deux modes opératoires distincts peuvent être retenus: soit le mesurage est basé sur la tâche [le travail est analysé et est divisé en un certain nombre de tâches représentatives et, pour chaque tâche, des mesurages séparés du niveau de pression acoustique sont effectués], soit le mesurage est basé sur la fonction [un mesurage par exposimétrie sur une journée entière ou ambulatoire de durée assez longue, est effectué sur les agents d’exploitation]. En fonction, des résultats de l'étude d’exposimétrie, les groupes bruits seront caractérisé par soit un niveau sonore quotidien Lex, 8h ≈ 80 dB (A), soit une valeur tangente au 1er seuil d’action réglementaire déclenchant les actions de prévention, soit un niveau sonore inférieur ou encore supérieur.
II. PLANS D’ACTIONS BRUIT
La phase 4 a pour objectif de définir et de mettre en œuvre les plans d’actions visant à la mise en conformité réglementaire (respect des prescriptions du décret du N° 2006-892 du 19 juillet 2006). Pour les salariés appartenant au groupe d'exposition homogène tangente le premier seuil d'action réglementaire, l’employeur se doit de mettre à disposition du personnel intervenant des protecteurs individuels (PICB- Protecteurs Individuels Contre le Bruit),d’informer les salariés sur les risques bruit et les résultats de leur évaluation, et de Proposer un examen audiométrique. L’ensemble des résultats doit bien évidemment être intégré dans les Document Uniques par les préventeurs.
1. Protections auditives
Pour les autres salariés, qui peuvent être exposés, des bouchons d’oreilles sont mis à disposition. Les bouchons d’oreilles sont intégrés dans les dotations vestimentaires.
2. Signalétique
A l’entrée des locaux, un affichage devra être réalisé indiquant le danger dû et le port obligatoire de protections auditives.
3. Remplacement des équipements
Dans le cadre du remplacement ou de l’achat d’un nouvel équipement industriel, l’installation de nouveaux matériels ayant un faible niveau sonore est préconisée. Les nouveaux équipements de production frigorifique ainsi que les groupes électrogènes devront disposer d’une plaque signalétique indiquant le niveau de puissance acoustique ainsi que du marquage de conformité "CE".
La mise en place d’un capotage acoustique autour des machines (capot ou écran acoustique) pour les équipements de type « production frigorifique » ou « groupes électrogènes» est conseillé ce qui permettrait d’abaisser encore plus, les émissions sonores pour le personnel intervenant. Les matériels concernés sont les Groupes Electrogènes, les Groupes Froids, les matériels d’extraction et de soufflage des parkings souterrains, les transformateurs, les onduleurs etc…
4. mise à jour
Cette évaluation devra être actualisée conformément à la réglementation tous les 5 ans. Ponctuellement, une alerte doit être réalisée auprès du domaine Prévention sécurité si un local non identifié dans cette cartographie est suspecté d’être bruyant. Dans ce cas, une mesure sera réalisée pour caractériser ce local. En fonction, la cartographie des locaux pourra être modifiée.
Source : Direction Immobilier Groupe ( Audrey COUYERE DIR Ile de France Nord), note "prévention risque bruit", 1er août 2013.