L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a été saisie par la Commission européenne de la question des risques potentiels de la nanoscience et des nanotechnologies pour la sécurité de l'alimentation humaine et animale. Son comité scientifique a rendu un avis en février 2009. On y trouve les éléments déjà évoqués par d'autres comités d'expert antérieurement (cf. supra à propos des cosmétiques) : d'une part, le constat d'une spécificité des nanomatériaux car « la taille nanoscopique peut impliquer une modification des caractéristiques physico-chimiques des matériaux par rapport aux formes dissoutes et à l'échelle micro/macroscopique d'une même substance. Leur petite taille, leur rapport surface/masse élevé ainsi que leur réactivité de surface constituent des propriétés importantes, aussi bien pour le développement de nouvelles applications qu'en termes de risques potentiels pour la santé et l'environnement » ; d'autre part, le bilan d'un manque de connaissances sur plusieurs aspects : la caractérisation des nanoparticules, les méthodes pour les identifier et les quantifier quand elles sont présentes dans des aliments, le comportement des nanoparticules et leur potentielle toxicité, les voies d'exposition, etc. (EFSA, 2009)
Il convient d’aborder la réglementation relative aux nanomatériaux dans le contact alimentaire d’une part, et la réglementation relative aux nanomatériaux dans l’alimentation d’autre part.
a) Les nanomatériaux dans le contact alimentaire
Le (Règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et abrogeant les directives 80/590/CEE et 89/109/CEE, 2004) établit les principes généraux destinés à éliminer les différences entre les législations des États membres concernant les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. Il prévoit, à son article 5, § 1, la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques pour certains groupes de matériaux et d'objets. Le nouveau (Règlement CE n°10/2011 de la Commission concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, 2011) relève de ce cas de figure. Or, il intègre des dispositions spécifiques relatives aux « substances se présentant sous une forme nanométrique ». Le nouveau texte prévoit que ces « substances » doivent être évaluées au cas par cas, jusqu'à ce que l'on dispose de davantage d'informations au sujet de ces nouvelles technologies. Ceci implique que les autorisations précédemment délivrées pour les substances entrant dans la composition des plastiques destinés au contact alimentaire fondées sur une évaluation des risques non spécifique ne sont pas valables pour les substances de même composition chimique mais utilisées sous forme de nanoparticules créées artificiellement. L'article 9, point 2 précise que « Les substances se présentant sous une forme nanométrique ne peuvent être utilisées que si elles sont expressément autorisées et mentionnées dans les spécifications figurant à l'annexe I (du règlement) ». L'annexe I contient la liste des substances autorisées sur le territoire de l'Union et mentionne certaines conditions d'utilisations. Elle mentionne certaines nanoparticules (par ex. nanoparticules de nitrure de titane) (Permanent, 2013).
b) Les nanomatériaux dans l’alimentation
Le (Règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil sur les additifs alimentaires, 2008) prévoit dans son considérant 13 qu’un additif alimentaire déjà autorisé et préparé au moyen de méthodes différentes de celles visées dans l’évaluation des risques de l’Autorité doit être soumis par l’Autorité à une évaluation. De plus, l’article 12 dispose que lorsqu’un additif alimentaire fait l’objet d’une modification de la taille des particules, par exemple par l’emploi des nanotechnologies, l’additif produit avec ces nouvelles méthodes ou matières est considéré comme additif différent. C’est pourquoi les additifs alimentaires contenant des nanoparticules ou des nanomatériaux doivent donc être soumis à une nouvelle évaluation de l’Agence de sécurité alimentaire européenne.
Le règlement (CE) n° 258/97 du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments ou ingrédients alimentaires s’applique aux aliments et ingrédients produits avec un procédé de production qui n’est pas couramment utilisé et qui modifie ceux-ci. Ce règlement s’applique potentiellement aux nanomatériaux. Le dispositif d’évaluation de la sécurité d’emploi des nouveaux aliments avant leur autorisation au cas par cas est élaboré, notamment sur les aspects toxicologiques, toxicocinétiques et nutritionnels. Cependant, en 2009, selon l’AFSSA, aucun aliment ou ingrédient n’a jusqu’alors fait l’objet d’une évaluation au titre de l’approche « Novel Food » du fait d’une production sous forme nanotechnologique (AFSSA, 2009). Le règlement sur les nouveaux aliments est en cours de modification, afin de mettre en place une procédure centralisée d’évaluation de l’innocuité et d’autorisation des nouveaux aliments. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) réaliserait les évaluations de l’innocuité, avec le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, et la Commission européenne, compte tenu de l’évaluation, inscrira ou non le produit comme nouvel aliment sur la liste communautaire. De toutes les manières, la difficulté vient du fait que l’insuffisance actuelle des connaissances ne permet pas de savoir comment faire pour détecter les changements significatifs de manière fiable en tenant compte de la spécificité des nanomatériaux. Le projet de réforme qui propose d’inclure les produits issus des animaux clonés et les nanomatériaux n’a pas encore abouti, faut d’accord entre la Commission européenne et le Parlement européen. Les parlementaires souhaitent purement et simplement que ces produits ne soient pas inscrits sur la liste. Tandis que le Conseil et la Commission ne préconise aucun régime spécifique autre que celui applicable aux nouveaux aliments (Broweys, 2009) (Permanent, 2013)
L’étiquetage des denrées alimentaires est réglementé par les articles R. 112-1 s. du Code de la consommation. Les obligations édictées par les articles R. 112-1 du Code de la consommation s’appliquent à toute denrée, produit ou boisson destiné à l’alimentation de l’homme (C. consom. Art. R. 112-1, 1°). Constituent un étiquetage « les mentions, indications, marques de fabrique ou de commerce, images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette, accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire » (C. consom., art. R 112-1, 3°). Peu importe que les denrées soit détenues en vue de la vente, vendues ou distribuées à titre gratuit (C. consom., art. R 112-6). Le terme « denrée alimentaire » vise non seulement tous les produits destinés à être consommés en l’état, mais également toutes les matières premières ou éléments de base entrant, en tant qu’ingrédients, dans l’élaboration d’une denrée ou boisson alimentaire. Ainsi, les agents d’aromatisation, vendus en tant que tels, ou les huiles essentielles et extraits de plantes, destinés à être ingérés, sont visés par le code. Les denrées alimentaires préemballées entrent dans le champ d’application. Il s’agit de l’unité de vente constituée par cette denrée et l’emballage dans lequel a été conditionnée avant sa présentation à la vente, que cet emballage la recouvre entièrement ou partiellement, mais de telle façon que le contenu ne puisse être modifié sans que l’emballage subisse une ouverte ou une modification (C. consom. Art. R. 112-1, 2°). S’agissant des produits préemballés, parmi les mentions obligatoires qui doivent figurer au titre de l’article R. 112-9 et R. 112-9-1 du Code de la consommation, il convient d’examiner celles relatives à la liste des ingrédients. Celle-ci aurait vocation à contenir la liste des ingrédients sous forme de nanoparticules. On entend par ingrédient toute substance, y compris des additifs, utilisés dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et qui est encore présente dans le produit fini, éventuellement sous forme modifiée (C. consomArt. R 112-2, al. 1). Lorsqu’un ingrédient d’une denrée alimentaire a été élaboré à partir de plusieurs ingrédients, ces derniers sont considérés comme ingrédients de cette denrée (C. consom. Art. R 112-2 al.2). (Concurrence Consommation , 2011)
Le (Règlement (UE) 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, 2011) impose à travers son article 18 paragraphes 3 un étiquetage obligatoire des denrées alimentaires contenant des nanomatériaux manufacturés. L’information du consommateur est assurée par la mention « nano » figurant entre crochets dans la liste des ingrédients. Au terme de l’article 7.2, les aliments auxquels ont été appliqués des procédés de production qui nécessitent des méthodes spécifiques d’évaluation des risques, comme les aliments produits au moyen de nanotechnologies, ne peuvent pas être inscrits sur la liste communautaire aussi longtemps que l’utilisation de ces méthodes spécifiques n’a pas été approuvée et qu’une évaluation adéquate de l’innocuité sur la base de ces méthodes spécifiques n’a pas été approuvée et qu’une évaluation adéquate de l’innocuité sur la base de ces méthodes n’a pas prouvé que l’utilisation de chacun des aliments en question est sûre. Selon l’article 8.6, tout ingrédient contenu sous la forme d’un nanomatériau doit clairement être indiqué dans la liste des ingrédients. Le nom de cet ingrédient est suivi de la mention « nano » entre parenthèses. Puis l’article 9 dispose que, sans préjudice des dispositions et exigences contenues dans la directive 2000/13/CE, toutes les données spécifiques des nouveaux aliments sont signalées et étiquetées pour garantir une bonne information du consommateur : tout nouvel aliment mis sur le marché est vendu avec un étiquetage clairement distinctif, précis et facilement lisible et compréhensible, signalent qu’il s’agit d’un nouvel aliment, toutes les caractéristiques ou propriétés des nouveaux aliments telles que leur composition, leur valeur nutritive, l’utilisation qui doit en être faite, apparaissent de manière claire, précise et facilement lisible et compréhensible sur l’emballage du produit, et enfin la présence d’une nouvelle matière alimentaire ou d’un nouvel ingrédient alimentaire qui se substitue à une matière ou à un ingrédient dans un aliment, que celui-ci soit ou non remplacé par un nouvel aliment, doit être mentionnée de manière claire, précise et facilement lisible et compréhensible sur l’étiquetage. (EDF, Services Etudes Médicales)