
Cosmétiques et nanotechnologies : un arsenal préventif au point ?
Par Audrey COUYERE
Juriste en Droit de l'Environnement et Droit du Travail
EDF
Posté le: 30/08/2013 10:41
La mise sur le marché des produits cosmétiques est encadrée par un règlement européen spécifique. Celui-ci a été adapté aux nanoparticules. Afin d’éprouver son efficacité préventive, il convient de s’intéresser aux obligations que celui-ci impose, et à l’articulation de la procédure française de déclaration des nanoparticules avec ce règlement.
a) Le règlement européen encadrant la mise sur le marché des cosmétiques
Le (Règlement (CE) n° 1223/2009 du parlement européen et du conseil relatif aux produits cosmétiques, 2009), a été adopté pour garantir un niveau élevé de protection des consommateurs (tests de sécurité requis, étiquetage mentionnant explicitement la présence de nanoparticules…) (EDF, Services Etudes Médicales). Un certain nombre d’information doivent être transmises à la Commission, avant la mise sur le marché du produit cosmétique, par le fabricant, l’importateur, ou toute personne responsable désigné (article 13) : catégorie du produit cosmétique, son ou ses noms, le nom et l’adresse de la personne responsable, le pays d’origine en cas d’importation, l’Etat membre dans lequel le produit cosmétique doit être mis sur le marché, la présence de substances sous forme de nanomatériaux ainsi que leur identification comprenant le nom chimique. Le règlement sera applicable à compter du 11 juillet 2013 (article 40).
Une notification spécifique est imposée aux produits cosmétiques contenant des nanomatériaux (article 16§3). Six mois avant leur mise sur le marché, les informations suivantes doivent être transmises à la Commission ; identification du nanomatériau, son nom chimique, la spécification du nanomatériau, y compris la taille et les propriétés physiques et chimiques, une estimation de la quantité, le profil toxicologique, les données relatives à la sécurité du nanomatériau, les conditions d’exposition raisonnablement prévisible. Ces données, imposées par la réglementation, sont particulièrement intéressantes pour assurer une protection effective des consommateurs.
Le recensement des nanomatériaux dans les produits cosmétiques permettra, au terme de l’article 16, d’émettre un catalogue de tous les nanomatériaux utilisés dans les produits cosmétiques mis sur le marché. Un rapport sur les utilisations des nanomatériaux dans les produits cosmétiques dans la Communauté sera présenté par la Commission au Parlement européen et au Conseil au plus tard le 11 juillet 2014 (Permanent, 2013).
b) L’articulation du dispositif européen et de la procédure française de déclaration des nanoparticules
Au niveau de l’application de ce texte européen en France, la France doit se conformer aux exigences du droit européen en matière de libre circulation des biens. Chaque fois qu’une réglementation européenne harmonise complètement le droit applicable à un bien ou un service, elle doit primer sur le droit national. « Qu’en est-il de la procédure de déclaration obligatoire française (C. envir. Art. L 523-1 et s. et R 523-12 et s.) par rapport à la notification européenne en matière de cosmétique ? » Pour les produits finis, la concurrence entre les deux textes ne peut être admise. C’est la notification européenne qui doit s’appliquer. Pour les matières premières utilisées pour les cosmétiques, la procédure française devrait pouvoir encore s’appliquer. Cette double exigence de déclaration française et de notification européenne laisse envisager de potentiels recours des industriels concernés devant la Cour de justice de l’Union européenne (Permanent, 2013).
S’agissant du contrôle des nanomatériaux d’un point de vue toxicologique, le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) peut être sollicité par la Commission pour évaluer la toxicité d’un nanomatériau (article 16 dudit règlement). La Commission publiera les informations transmises par l’industriel et le CSSC. Toutefois aucune précision sur les conditions de la publication ne sont pas connues à ce jour, notamment sur les conditions garantissant le respect du secret industriel, et sur la qualité de l’information des consommateurs. Comme précisé précédemment, le respect des intérêts des uns et des autres en pratique est encore mal défini, même si la volonté d’y parvenir est réelle. Il est particulièrement étonnant que l’article 16 ne soit pas applicable aux nanomatériaux utilisés comme colorants, filtres ultraviolets ou agents conservateurs, étant donné l’émoi suscité par les crèmes solaires contenant du dioxyde de titane. Cette hypothèse relève spécifiquement de l’article 14.
S’agissant de l’adaptation du règlement aux nouvelles connaissances scientifiques, le règlement a été conçu pour évoluer. Les articles 30 et 31 sont respectivement consacré à la mise au point de méthodes d’évaluations adéquates d’une part, et le principe d’une révision régulière par la Commission européenne en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques sur les risques d’autre part. La conception même du document est donc particulièrement adaptée à risque émergent.