A ce sujet, Me Anne BOLLAND-BLANCHARD s’interroge sur le point de savoir si, bien que « le législateur privilégie la bonne communication entre les parties, le juge ne devrait-il pas user de la notion de ‘’déséquilibre significatif’’ pour éviter une trop grosse répartition des charges sur les locataires ? ». Elle explique en effet que nombreux sont les locataires à être confrontés à la stagnation de leur chiffre d’affaire en contrepartie d’un loyer totalement net de charges pour leur bailleur. Et d’ajouter « après avoir vu son loyer s’envoler par la seule application de l’indice du coût de la consommation entre 2004 et 2008, après avoir accepté de supporter (quasiment) toutes les charges (C. civ., art. 606), celles de mise en conformité, toutes les taxes incombant normalement à la charge du bailleur (…) le preneur devra –t-il encore connaître et supporter, par la force des dispositions contractuelles du bail, les travaux issus du Grenelle II ? ».
En effet, on l’a vu, la loi ni le décret n’ont défini à qui devaient incomber ces travaux, certainement pour éviter une levée de bouclier des uns ou des autres.

Forte de son expérience professionnelle en la matière, Me BOLLAND-BLANCHARD précise pourtant qu’ « au regard des clauses contractuelles aujourd’hui pratiquées, la prise en charge des travaux nécessaires, par le locataire, semble inévitable. L’équilibre contractuel risque alors de voler en éclats ». Elle ajoute d’ailleurs que « le juge n’a pas les moyens juridiques de revenir sur la volonté des parties puisque cette volonté contractuelle fait loi au sens des dispositions de l’article 1134 du Code Civil. Le juge ne peut y déroger’’. Ce constat vaut pour tous les baux, à l’exception des baux commerciaux. De nombreux baux sont donc concernés par un fort risque de déséquilibre économique contractuel. Et c’est certainement ce qui explique le manque d’enthousiasme des principaux concernés envers le dispositif de l’annexe.

La création d’une obligation d’instaurer une annexe environnementale cherche, on le répète, à favoriser le dialogue entre ces deux parties. Certes, il n’aurait certainement pas été très productif de chercher à imposer un dialogue. Toutefois celui-ci aurait pu être plus fortement encouragé par certaines mesures -on l’a évoqué plus haut-, notamment par l’instauration d’une obligation d’atteindre certains accords sur des objectifs chiffrés. Or, on le répète, l’annexe environnementale telle qu’imposée par les textes, n’impose absolument aucun objectif. De plus, ces mêmes textes ne concernent, faut-il le rappeler, que les baux portants sur des surfaces supérieures à 2000 m², ce qui ne représente qu’une petite partie de l’ensemble des baux conclus en France. Peu de baux se trouvent donc au final concernés par cette incitation au dialogue.

Or, tous les bâtiments à usage tertiaire sont concernés par l’obligation de réaliser des travaux d'amélioration de la performance énergétique, imposée par l’article L111-10-3 du CCH . Seulement, il n’est précisé nulle part qui doit assumer le coût de ces travaux. Un dialogue qui s’avère donc très recommandé pour le respect de cette obligation. Et ce d’autant plus qu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article L125-9 du Code de l’environnement ‘’cette annexe environnementale peut prévoir les obligations qui s'imposent aux preneurs pour limiter la consommation énergétique des locaux concernés’’. La loi fait donc mention de possibles obligations pouvant être imposées aux preneurs, et à eux-seuls.

Il est donc fort probable que les bailleurs et propriétaires décident de voir là une forte incitation du législateur à ce que ce soient les preneurs qui assument de telles obligations et par conséquent le coût de certains voire de l’ensemble des travaux d’amélioration de la performance énergétique des locaux loués. Si le texte ne dit précisément rien de tel, le risque est grand que cette lecture ci soit imposée à bon nombre de locataires, souvent en situation de faiblesse et en tout cas rarement en situation de force face aux bailleurs. Toutefois, depuis la loi Grenelle 2, la nouvelle rédaction de l’article 7 e de la loi du 10 juillet 1965 impose au locataire de laisser exécuter, dans son logement, des travaux d’amélioration de la performance énergétique. De la même façon, il faut prendre en compte l’article 25 g modifié par l’article 7 de la loi Grenelle 2, à propos des travaux réalisés dans les parties privatives, auxquels le locataire ne peut en principe pas non plus s’opposer. Cependant, ces articles ne précisent pas non plus aux frais de qui ces travaux doivent être réalisés.
On comprend que les déséquilibres contractuels, déjà présents dans bon nombre de baux, risquent d’être amplifiés par les règles qui viennent d’être exposées. Si la mise en place d’une annexe environnementale ou d’un bail vert, même sans obligation légale de le faire, incite au dialogue, ces dispositifs ne portent pas en eux-mêmes la garantie que soient adoptées des obligations réciproques globalement équilibrées. C’est d’ailleurs l’un des principaux défauts des mesures issues du Grenelle et en particulier du dispositif spécifiquement relatif à l’annexe environnementale.

Une solution à ce risque de déséquilibre économique semble –éventuellement- envisageable en ce qui concerne uniquement les baux commerciaux. En effet, comme l’explique Me BOLLAND-BLANCHARD , « l’article L442-6-I, 2° du Code de Commerce prévoit que la responsabilité du commerçant est engagée s’il crée un préjudice par le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations entraînant un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties ». Elle précise que si « certains tenteront de penser que ce texte est réservé aux contrats de vente, ou de distribution parce qu’il figure au chapitre II des pratiques restrictives de concurrence (…) ce serait accorder à celui-ci une portée bien restrictive que n’a pas voulue le législateur, ni même la jurisprudence ».

Le bail commercial étant un contrat entre commerçants, l’auteure en déduit que « le passage ‘’en force’’ d’une annexe environnementale dans laquelle le bailleur imposerait au preneur des travaux récurrents de diagnostic, de constructions, d’aménagements (…) conduirait à demander au juge d’appliquer la notion de déséquilibre significatif à la matière des baux commerciaux ». Mais elle ajoute que « néanmoins, l’esprit des dispositions relatives à l’article L125-9 du code de l’environnement reste celui repris à l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil, c'est-à-dire l’exécution de bonne foi des obligations réciproques ». C’est pourquoi, nous l’avons dit, le législateur n’a imposé aucune prise en charge des travaux par l’une ou l’autre des parties, en préférant « s’en remettre à la communication nécessaire entre elles ».

Me Anne BOLLAND-BLANCHARD conclu ses propos en insistant sur le fait qu’il est « primordial, avant toute signature d’annexe environnementale, que bailleurs et preneurs prennent la mesure des leurs clauses contractuelles, apprécient le risque de prise en charge des travaux à envisager et entrent dans un dialogue ».

On retrouve ici la priorité donnée au dialogue par les groupes de travail du Plan Bâtiment et par les rédacteurs de dispositions issues du Grenelle. Les textes votés reprennent cet objectif. C’est d’ailleurs tout au moins l’esprit et sinon le cœur-même de l’annexe environnementale et du bail vert. En effet, les diverses obstacles et incertitudes quant aux modalités de mise en place et de mise en œuvre de ces derniers ont conduit les responsables politiques comme les bailleurs et preneurs à opter pour une démarche essentiellement volontaire.


SOURCES :

- Me Anne BOLLAND-BLANCHARD, ‘’Le bail vert ou une place nécessaire au déséquilibre significatif dans les baux commerciaux ‘’, Petites Affiches, 04 juillet 2011, n° 131, p. 3 et suivantes.

- http://www.durableo.fr/article-bail-vert-definition-le-bail-environemental-et-certification-environementale-50519155.html.

- François-Régis FABRE-FALRET, ''L’annexe « verte » : le décret d’application enfin sorti !'', http://ai-environnement.fr/blog/?p=93.

- Joy TOURET, « La négociation des clauses relatives aux travaux de rénovation énergétique », Lettre des Juristes de l’environnement (http://www.juristes-environnement.com/article_detail.php?id=587).

- ''Le Bail Vert'', AJDI, Octobre 2010, page 693 et suivantes.

- Article de l’agence pour la création d’entreprise (http://www.apce.com/pid566/baux-commerciaux.html).