Nouveau rebondissement dans l’histoire du Maïs MON 810, le conseil d’Etat a annulé le jeudi 01 aout 2013 l’arrêté du 16 mars 2012 qui suspendait la mise en culture de ces variétés de semences de maïs génétiquement modifiées. Mais rappelons les faits qui sont à l’origine de l’affaire :

Le maïs génétiquement modifié appelé Zea mays L.lignée MON 810 a été développé dans le but de lui donner une plus grande résistance aux insectes. Ce maïs MON 810 a eu une première autorisation de mise sur le marché le 22 avril 1998 par la commission européenne sur le fondement des dispositions de la directive 90/220/CEE du conseil du 23 avril 1990 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’Environnement.

A la suite de cela, le ministre de l’agriculture avait d’abord suspendu, en 2007, puis interdit, en 2008, la mise en culture de cette variété de maïs génétiquement modifié. Le groupe Monsanto, entreprise spécialisée dans les biotechnologies végétales et l’un des principaux producteurs de semences génétiquement modifiées, saisi alors le conseil d’Etat dans le but d’annuler ces arrêtés. Après avoir eu l’avis de la Cour de justice Européenne, le conseil d’Etat, le 28 novembre 2011, finit par annuler les arrêtés suspendant et interdisant l’exploitation du maïs MON 810.

Finalement, en se basant sur un rapport de l’Agence Européenne de sécurité des aliments (AESA) rendu le 08 décembre 2011, le ministre de l’Agriculture finit par suspendre par un arrêté du 16 mars 2012 la mise en culture des variétés de semences de maïs.

Le Conseil d’Etat a jugé que plusieurs erreurs manifestes d’appréciation ont été commises par le ministre de l’Agriculture. Tout d’abord, en s’appuyant sur le même rapport de l’AESA sur lequel s’était fondé le ministre de l’Agriculture pour suspendre les cultures de maïs MON 810, le conseil d’Etat a jugé que celui-ci avait commis une erreur manifeste d’appréciation. En effet, ce rapport dit que « lorsque des mesures de gestion du risque appropriées sont mises en place, le maïs génétiquement modifié MON 810 n’est pas susceptible de soulever davantage de préoccupations pour l’Environnement que le maïs conventionnel ». Le rapport de l’AESA n’adressait donc aucune recommandation pour la suspension ou la modification urgente de l’autorisation de mise sur le marché du maïs en question.

Autre erreur manifeste, le fait que la situation du moment ne représentait pas un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, animale ou encore l’Environnement, ce risque devant être constaté sur la base d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables. Le conseil d’Etat, s’appuyant sur les avis de l’AESA et du comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies, ainsi que sur une étude publiée en 2012 par des chercheurs de l’Institut fédéral suisse de technologie de Zurich, a estimé qu’il n’y avait donc pas de risque important pour l’Environnement. Le ministre aurait donc commis à nouveau une erreur manifeste d’appréciation.

Pour finir, les conditions de la mise en œuvre, par les Etats Membres de l’UE, des mesures conservatoires à l’égard d’aliments génétiquement modifiés pour animaux, autorisés par la Commission Européenne, ont été jugées par le Conseil d’Etat comme ne reconnaissant pas le principe de précaution, tel qu’il est garanti par l’article 191 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et l’article 5 de la Charte de l’Environnement. En se référant à une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), le Conseil d’Etat a rappelé que le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives, lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque prétendu en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel persiste dans l’hypothèse où le risque se produirait.

De plus, l’article 34 du règlement (CE) n°1829/2003 du 22 septembre 2003, utilisé et interprété par la CJUE dans l’arrêt Monsanto SAS et autres du 8 septembre 2011, n’impose aucunement aux autorités compétentes pour adopter des mesures d’urgences d’apporter une preuve scientifique de la certitude du risque, mais de se baser sur une évaluation des risques devant être le plus complet possible, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce.

Les services des ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture devraient travailler ensemble prochainement dans le but de mettre en place un nouveau cadre réglementaire permettant de respecter leur engagement pris par le gouvernement lors de la Conférence Environnementale de septembre 2012, à savoir « le maintien du moratoire sur la mise en culture de semences d’OGM afin de prévenir les risques environnementaux et économiques pour les autres cultures et l’apiculture ». Une décision est attendue avant les prochaines mises en cultures qui auront lieu entre avril et juin 2014.