
Entrée en vigueur de l'Arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l'éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels
Par Aude COSNIER
Juriste environnement et urbanisme Aeroports de Paris
Aeroports de Paris (ADP)
Posté le: 13/08/2013 11:32
Le Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (MEDDE) a fait réaliser durant l’été 2012 un sondage par TNS Sofres sur la perception qu’ont les français des nuisances lumineuses1, en abordant notamment la question des éclairages nocturnes. De ce sondage, il ressort que 87 % des Français se disent favorables à l’extinction des bureaux inoccupés, 84 % à l’extinction des enseignes et publicités lumineuses, et 82 % à l’extinction des vitrines des commerces, la nuit durant les heures creuses, dans le but de réaliser des économies d’énergie. Et pour près d’un Français sur deux l’éclairage artificiel (et en particulier celui les enseignes lumineuses, les éclairages des bureaux inoccupés et les vitrines des commerces) entraine de fortes nuisances lumineuses. Il ressort également de cette étude que 59 % des personnes interrogées pensent que la quantité de lumière artificielle la nuit a augmenté ces dernières années en France; elles ont raison. Or de nombreuses études scientifiques ont démontré que l’excès d’éclairage a de fortes conséquences sur les écosystèmes (perturbation des espèces) et sur la santé humaine (sommeil des riverains). De plus, c’est aussi une source importante de consommation d’électricité alors que l'on cherche partout (cf. le directive de 2012 sur l'efficacité énergétique, l'actuel débat sur la transition énergétique ou encore les objectifs européens de réduction d'émission de GES (qui sont beaucoup liés aux usages énergétiques) à réduire notre consommation d'énergie. C'est dans ce but qu'ont été introduits dans le Code de l'environnement Les articles L 583-1 à L 583-5 et R 583-1 à R 583-7. Ceux-ci constituent un dispositif de prévention et de limitation des nuisances lumineuses, complété par un Arrêté du 25 janvier 2013, relatif à l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels. Ce texte, lui-même complété par une circulaire du 5 juin 2013 cherche à limiter les nuisances lumineuses et les consommations inutiles sinon évitables d’énergie qu'entraine l’éclairage nocturne non indispensable de certaines installations.
Ce dispositif-entré vigueur le 1er juillet 2013-instaure une nouvelle réglementation en matière d'éclairages nocturnes. Dorénavant, la nuit, les propriétaires d'immeubles et de magasins, les responsables de bureaux et les municipalités devront appliquer les dispositions arrêtées dans le cadre du Grenelle de l'Environnement qui consistent en l'extinction des éclairages de bureaux une heure après la fermeture et le départ du dernier employé, l'extinction des vitrines des commerces entre 1h et 7h du matin et limitation de l'éclairage des bâtiments public entre le coucher du soleil et 1h du matin.
Ces mesures, on le devine, sont plus ou moins appréciées, notamment par les commerçants et leurs représentants. Toutefois, malgré un lobby important de leur part, l’arrêté du 25 janvier 2013 vient imposer de strictes modalités de fonctionnement des installations d’éclairage pour les bâtiments non résidentiels (II) à une large catégorie d'éclairages (I) tout en ne permettant que de rares dérogations à ces mêmes règles (III) dont la violation pourra être sanctionnée (IV).
I. Un large champ d’application pour ce décret :
Cette nouvelle réglementation ainsi mise en place concerne les éclairages nocturnes des bâtiments non résidentiels, c'est à dire le bâtiment accueillant des activités telles que le commerce, l'administration, les transports, les activités financières et immobilières, les services aux entreprises et/ ou aux particuliers, l'éducation, la santé, l'action sociale les activités agricoles ou Industrielles. En ce qui concerne les bâtiments "mixtes" c’est-à-dire pour partie résidentiels, et pour partie non résidentiels (locaux à usage professionnel en rez-de-chaussée par ex.), seule la ou les parties non résidentielles sont régies par l’arrêté de 25 janvier 2013. Tous les types d'éclairage ne sont pas concernés; il s'agit uniquement des catégories éclairages nocturnes suivants :
- l’éclairage intérieur en générale et en particulier celui émis vers l’extérieur des bâtiments non résidentiels (ex. des bureaux ou vitrines de commerces);
- l’illumination des façades des bâtiments non résidentiels.
A contrario, l’arrêté du 25 janvier 2013 ne concerne pas les éclairages publics c’est-à-dire l’éclairage des voies réservées à la circulation des véhicules motorisés et/ou des piétons, la publicité lumineuse et les enseignes lumineuses dont les horaires de fonctionnent sont déjà régis par le décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012), les éclairages destinés à assurer la sécurité des bâtiments lorsqu’ils sont asservis à des dispositifs de détection de mouvement ou d’intrusion. En ce qui concerne ce dernier point, la circulaire du 3 juin 2013 précitée précise que "l’éclairage en continu d'un bâtiment ne doit pas être le seul moyen d’assurer la protection des biens. L’exploitant du bâtiment devra donc s’assurer que la sensibilité des dispositifs de détection de mouvements ou d’intrusion, et la temporisation du fonctionnement de l’installation, soient conformes aux objectifs de sobriété poursuivis par la réglementation".
Pour des impératifs de sécurité, que l'on comprend aisément, sont également exclues en application de l’article L. 583-4 les installations régies par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (pour simplifier les INB) ainsi que les installations régies par le titre Ier du livre V du code de l’environnement c’est-à-dire les ICPE. En ce qui concerne ces dernières il appartiendra aux préfets de département de décliner les principes et objectifs de ce décret dans le cadre des arrêtés préfectoraux pris au titre de la législation des installations classées.
Concrètement, dans le cas d'une plateforme logistique en activité de nuit, l'éclairage les quais de chargement est tout à fait justifié compte tenu de la présence de salariés et de ce qu'il est impossible sinon dangereux pour eux de travailler dans la pénombre. A contrario, dans ce cas, il n’est pas forcément nécessaire que toutes les façades de l’entrepôt considéré le soient. De même, lorsqu’un site accueille à la fois des bâtiments et aménagements régis par la législation des ICPE et d’autres constructions qui ne relèvent pas de cette législation, l’arrêté du 25 janvier 2013 s’applique de plein droit à ces derniers bâtiments et aménagements. Ainsi, pour un parking d'entreprise dont seule la station-service est réglementée au titre de la législation des installations classées, l’ensemble du site est soumis de plein droit à l’arrêté du 25
janvier 2013, à l’exception de la station-service.
II. Des règles strictes encadrant l'éclairage de ces bâtiments :
L'objectif recherché est que la période d’éclairage correspondre au temps de présence de personnes dans l’espace public ainsi que dans les locaux concernés. La règle générale d’extinction se décline de différentes manières :
- Les éclairages des façades des bâtiments sont éteints au plus tard à 1 heure;
- Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de leur occupation ;
- Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d’exposition sont éteints au plus tard à 1h ou une heure après la fin de leur occupation si celle-ci intervient plus tardivement. Et la circulaire précitée de préciser que ''toute forme d’occupation des locaux est concernée. Ainsi, après la cessation d’une occupation à titre principal, l’éclairage peut être remis en fonctionnement, pour une seconde forme d’occupation si elle n’intervient pas dans la continuité de la première. Sont notamment concernées les opérations de nettoyage de bureaux, d’approvisionnent des magasins, de maintenance des locaux etc… L’éclairage des bureaux devra ainsi être éteint au plus tard une heure après la fin de ces opérations''.
Des règles sont également imposées pour l’allumage des bâtiments. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d’exposition ne peuvent être allumés qu'à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l’activité si celle-ci s’exerce plus tôt. Quant aux éclairages des façades des bâtiments, ils ne peuvent plus être allumés avant le coucher du soleil (notons que les horaires de lever et coucher du soleil sont ceux établis par l'IMCCE (Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides) qui calcule les horaires de coucher du soleil sur une période pouvant aller jusqu’à 731 jours, permettant ainsi, en tant que de besoin, la programmation des installations lumineuses éclairant les façades, sur de longues périodes (www.imcce.fr/fr/ephemerides/phenomenes/rts/rts.php).
III. De rares dérogations à cette obligation générale d'extinction des éclairages nocturnes :
Des dérogations particulières peuvent être accordées par le préfet de département, et ce uniquement sur demande motivée du maire de la commune concernée. Cette demande devra préciser la ou les périodes pour lesquelles la dérogation est donnée, les horaires d’extinction ainsi que les installations lumineuses et les secteurs de la commune concernés. Ces dérogations sont prises après avis du conseil départemental de l’environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST), conformément à l’article R 583-6 du code de l’environnement.
Des dérogations ''générales'' aux horaires d’illumination des façades d’immeubles non résidentiels et à ceux de l’éclairage des vitrines de magasins de commerce ou d’exposition sont possibles, par arrêté préfectoral, pour des occasions spécifiques :
- la veille des jours fériés et chômés (et le cas échéant certains jours fériés locaux (le 26 décembre et le Vendredi Saint en Alsace et en Moselle, etc…)
- durant la période des illuminations de Noël fixée par les communes ;
- lors d’événements exceptionnels à caractère local définis par arrêté préfectoral ;
- dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente (mentionnées à l’article L.3132-25 du code du travail). Pour ces dernières le préfet devra s’assurer notamment du caractère exceptionnel de l’affluence au cours de la période pour laquelle la dérogation est demandée, ce qui limite fortement la possibilité d'une telle dérogation. Une liste de ces communes situées dans une ou plusieurs zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est établie par le préfet et disponible dans chaque préfecture. Pour rappel, la détermination d’une zone touristique d’affluence exceptionnelle ou d’animation permanente ne peut intervenir que sur proposition du maire, le préfet ne pouvant se saisir de lui-même. Le préfet ne pourra qu’accepter ou refuser la délimitation du secteur géographique concerné sur le territoire municipal adressé par le maire, et il ne peut pas la modifier. Il reste que toute demande de dérogation sera examinée au cas par cas et devront être justifiées par une présence significative des usagers de l’espace public concerné ou par des considérations locales et/ou s’appuient sur les enjeux environnementaux désignés par le législateur.
IV. Contrôles et sanction de l’application de la réglementation
Aux termes de l’article L 583-3 du code de l’environnement, le contrôle des dispositions relatives à la prévention des nuisances lumineuses relève de la compétence du maire, sauf en ce qui concerne les installations communales (pour lesquelles le contrôle relève de l’Etat et les installations et équipements soumis à un contrôle de l’Etat au titre d’une police administrative spéciale. Lorsque l’autorité compétente est le préfet, la police administrative est mise en œuvre par les services déconcentrés qu’il aura désignés à cet effet (DDT(M), DREAL…)).
Un constat du non-respect des dispositions de l’arrêté du 25 janvier 2013 ou des dérogations qui y sont apportées par arrêté préfectoral pourra être réalisé depuis l’extérieur des bâtiments, aux frais du contrevenant, par un agent assermenté. Celui-ci devra alors établir un rapport et en adresser, par LRAR, une copie à l’intéressé qui pourra faire part de ses observations à l’autorité administrative qui en est à l'origine (Article L 171-6 du code de l’environnement).
En, cas de non-respect avéré des dispositions qui viennent d'être présentées, l’autorité compétente devra mettre en demeure le contrevenant de se conformer à la réglementation sous 8 jours. Passé ce délai, si l’exploitant n’a toujours pas obtempéré, l’autorité compétente prononcera une amende administrative d’un montant pouvant atteindre 750 €.
La circulaire publiée par le Ministère précise sur ce point que la détermination du montant de cette amende doit faire l’objet d’un examen au cas par cas de la situation de l’exploitant de l’installation d’éclairage, des raisons qui l’ont conduit à ne pas respecter les dispositions réglementaires, de l’ampleur ou l’importance du manquement (un bureau maintenu éclairé, un étage…), et du fait qu’il s’agit d’un premier manquement ou pas. L’amende administrative prendra la forme d’un arrêté motivé de l’autorité compétente qui rendra exécutoire un titre de perception. Cette autorité veillera au respect des phases contradictoires prévues par le dernier alinéa de l’article L 171-8 du code de l’environnement.
Précisons enfin et par ailleurs qu'il est demandé aux préfets de département d’informer les maires des nouvelles dispositions relatives à l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d’énergie et tout particulièrement de leur compétence en matière de contrôle de l’application des dispositions de l’arrêté du 25 janvier 2013.
Liens utiles : http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/06/cir_37076.pdf