Avant même de pouvoir parler de réglementation relative aux OGM (organismes génétiquement modifiés), il convient de définir précisément cette notion. Pour ce faire, la directive n°2001/18/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiées dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (du 11 mars 2008), a donné une définition de ce qu’est un OGM. Plus précisément, l’article 2 de la directive de 2001 décrit un OGM comme « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». Il n’est donc pas ici question d’une sélection classique variétale qui consisterait à croiser des individus mâles et femelles d’une espèce donnée et de choisir parmi les descendants les individus ayant hérité des caractères recherchés. Depuis les années 1970 (avec la première bactérie transformée), lorsqu’il est scientifiquement question d’un OGM, il s’agit alors d’un organisme dans lequel a été inséré un gène absent à l’état initial de l’organisme, ou d’un organisme dont l’expression d’un gène de celui-ci a été volontairement modifiée.

Cette découverte génétique a depuis lors fait l’objet de diverses réglementations, tant communautaires que nationales qui font l’objet de controverses et désaccords.
Pour comprendre le cadre réglementaire dans lequel évoluent les OGM, il serait intéressant dans un premier temps d’étudier l’historique de cette réglementation, et son pendant extra-réglementaire, pour ensuite en observer l’actualité, à travers le cas particulier du maïs transgénique MON810 des laboratoires américains Monsanto.

I. Le cadre réglementaire communautaire et national relatif aux organismes génétiquement modifiés
Quand on observe les prémisses de la réglementation relative aux OGM, il en va de s’intéresser aux procédures d’autorisation préalable de mise sur le marché et de dissémination volontaire. Plus précisément, les procédures d’autorisation préalable en matière d’OGM ont été fixées dans un premier temps par deux directives communautaires du 23 avril 1990 relatives respectivement à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (directive n°90/219/CE), et à la dissémination volontaire d’organisme génétiquement modifiés dans l’environnement (directive n°90/220/CE).
Ces directives ont été transposées en France, deux ans après, dans un texte unique qui est la loi du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l’utilisation et de la dissémination des OGM.

Par la suite, la France est restée longtemps frileuse pour transposer les textes communautaires ultérieurs. A ce titre, la France sera sanctionnée à plusieurs reprises à ce sujet. Par exemple, la directive 90/219/CE sera modifiée largement par une directive n°98/91 du 26 octobre 1998, qui par la suite sera refondue par la directive n°2009/41/CE du 6 mai 2009, faute de transposition plus rapide par la France, qui a été sanctionnée à cet effet.
Quant à la directive 90/220, elle sera abrogée par une directive du 12 mars 2001. Mais de la même manière que pour la directive précédente, la France sera condamnée pour manquement de transposition, par la CJCE en 2004 (CJCE 15 juillet 2004 « Commission c/ France »).
On constate alors, que la France n’est pas encline, à cette époque à transposer rapidement les textes communautaires qui lui sont imposables. Toutefois, pour échapper à la condamnation qui l’attend, deux décrets seront adoptés le 19 mars 2007 relatifs l’un à la dissémination à une fin autre que la mise sur le marché (c'est-à-dire aux essais), et pour l’autre, à la procédure d’autorisation de mise sur le marché de produits OGM, non destinés à l’alimentation.
Dans la continuité dans sa contradiction, le Conseil d’Etat annulera le 24 juillet 2009, une partie des décrets de transposition de cette directive, qui devaient laisser à la charge du législateur français le soin de définir certaines modalités d’exercice de ladite directive. Et il faudra attendre une ordonnance du 5 janvier 2012 pour pallier les manques créés du fait de cette annulation.

C’est une réelle volonté à demi-mot et tardive de transposition de part la France qui est alors observée puisque, l’Union Européenne avait tout de même pris les devant, avec le règlement n°1829/2003 du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, régissant la mise sur le marché des OGM, puisque celui-ci, de part sa nature, n’exigeait, aucun acte de transposition, et donc, aucune intervention de la France.

Il est à noter qu’en 2008, le manquement de la France dans ces diverses non-transpositions a été condamné par la CJCE dans un arrêt du 9 décembre 2008, à hauteur de dix millions d’euros. En effet, la cour a estimé que la France devait être condamnée pour ses manquements répétés en matière d’OGM et du fait de sa persistance dans sa défaillance. De plus, la Cour a affirmé que « rien ne permet de justifier » ce comportement, ni même les tensions qu’il pouvait y avoir sur la question des cultures transgéniques.

Tout ce marasme législatif conduira la France, à édicter en 2008, une loi relative aux OGM (loi n°2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés). Celle-ci émerge donc dans un contexte de contentieux communautaire sur la question de la transposition des directives et dans un contexte de débat parlementaire sur les essais d’OGM en plein champ et les mises sur le marché (notamment le traitement de la question par le Grenelle de l’environnement).
Cette loi du 25 juin 2008 relative aux OGM, tend à achever d’une part la transposition des directives, et d’autre part, et surtout, répond, même partiellement, à deux questions sensibles issues de ces nouvelles pratiques. Il en résulte aux Etats membre de convenir d’une réglementation spécifique sur :
- La coexistence des cultures : le principe est celui selon lequel « les OGM ne peuvent être cultivés, commercialisés, ou utilisés que dans le respect des filières de production et commerciales qualifiées ‘sans OGM’ » et « la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM, sans que celui nuise à l’intégrité de l’environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité est garantie (…) » (article L531-2-1 al 1 et dernier du Code de l’environnement).
Mais les modalités d’organisation d’une telle coexistence ne sont, pour l’essentiel, pas déterminées. Et renvoie à l’attente d’une détermination européenne de la notion.

- La responsabilité civile du fait des contaminations accidentelles (« pollution génétique ») : cette loi institue un régime spécifique de responsabilité sans faute pesant sur les agriculteurs cultivant des OGM, doublé d’une obligation de souscrire une garantie financière (article L663-4 Code rural et de la pèche maritime). Mais il est à noter que ces dispositions ne sont applicables que pour les cultures commerciales, à l’exclusion des essais à fins de recherche pour lesquels ce seront donc les seuls régimes de responsabilité de droit commun qui auront vocation à s’appliquer (avec ou sans faute – prévus par les articles 1382 et 1384 du Code civil – ou sur le fondement des TAV). Mais également une responsabilité de plein droit pour les agriculteurs cultivant des plantes génétiquement modifiées, quand ces derniers causent un préjudice économique à un exploitant voisin, du seul fait de la présence accidentelle de l’OGM dans la production.

II. Le débat extra-réglementaire créé autour des OGM
Depuis, les années 1990, le débat sur les organismes génétiquement modifiés, ne cesse de faire rage, que ce soit en France ou dans les Etats membres de l’Union Européenne.
C’est ainsi, qu’en 1998, au-delà des problématiques de transposition de directives communautaires, un moratoire (une suspension provisoire) a été adopté en France sur la mise en culture et la mise sur le marché de nouveaux OGM (organismes génétiquement modifiés) suite à l’arrêté autorisant la culture de trois variétés de maïs transgéniques (arrêt CE section, 25 septembre 1998, « Asso Greenpeace France »). Ce moratoire visait ici la mise en culture et la mise sur le marché, et non les expérimentations réalisées sur les OGM, alors autorisées.
Peu de temps après, en juin 1999 une déclaration du Conseil des ministres de l’environnement de la Communauté européenne prônera également la suspension de toute nouvelle autorisation de mise sur le marché et de cultures (et non d’expérimentations). Mais en 2000, la France et l’Espagne avaient, tout de même, inscrit à leur catalogue national des plantes cultivées, une variété transgénique (le maïs MON810 des laboratoires Monsanto). Ce Catalogue Officiel des Espèces et Variétés, à l’échelle communautaire, est une obligation pour les Etats membres d’y inscrire toute variété, semences ou plants proposés à la vente, pour que ces derniers puissent être autorisés. C’est alors une garantie pour l’utilisateur que la variété qu’il choisi est parfaitement identifiable et qu’elle répond à des normes technologiques et sanitaires précises. Mais la France se verra interdire, par un arrêté d’interdiction du 7 février 2008, de cultiver ce type de maïs du fait de la clause de sauvegarde invoquée à l’époque par le gouvernement. Cette clause de sauvegarde est en réalité une clause issue des directives de 2001 et 2002, permettant de suspendre provisoirement l’application de l’autorisation de mise sur le marché sur un territoire, s’il leur apparait que l’OGM autorisé présente des risques pour la santé et/ou l’environnement.

A l’échelle communautaire, la levée de ce moratoire sera annoncée avec l’adoption du règlement sur l’étiquetage et la traçabilité des OGM en 2003 (règlement n°1830/2003 du 22 septembre 2003), et sous la pression de la plainte déposée devant l’OMC, par les Etats Unis, le Canada et l’Argentine. Au-delà une contestation européenne, on constate que cette problématique d’autorisation d’OGM étend ses tentacules au niveau international.
Il faudra attendre le 2 mars 2010, pour que la première autorisation de mise en culte (après ce long terme de suspension) soit délivré à la société BASF (partenaire de l’industrie, de l’agriculture et de la recherche) pour une pomme de terre Amflora, enrichie en amidon et destinées à l’industrie papetière. Mais le lobbying exercé, à travers de nombreuses pétitions au titre de l’initiative citoyenne, contre cette nouvelle variété, a conduit le groupe BASF à annoncer, « devant la méfiance tenace envers les OGM », qu’il renonçait, pour l’heure, à développer ses activités de biotechnologies végétales en Europe. Et ce, dans la crainte également effective du mouvement des « faucheurs volontaires ».

En conclusion, au-delà de la réglementation communautaire, la thématique des organismes génétiquement modifiés ne cesse de faire débat au sein de l’Union Européenne et au sein du territoire français.
III. Le cas spécifique du maïs transgénique MON810
Encore au cœur de l’actualité, le maïs transgénique MON810 destiné à l’alimentation animale des laboratoires Monsanto, fait encore parler de lui. En effet, jeudi 1er aout 2013, le Conseil d’Etat a statué sur l’interdiction de cultiver du maïs transgénique MON810, proclamée par un arrêté d’interdiction de 2008 (en corrélation avec la loi du 25 juin 2008). La Haute cour a alors annulé cette interdiction de culture sur le territoire français, estimant que celle ci contredisait la règlementation européenne à ce sujet. Plus précisément le Conseil d’Etat a justifié sa décision par ces termes : « il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne qu’une telle mesure ne peut être prise par un Etat membre qu’en cas d’urgence et en présence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ». Toutefois, à la suite de cette décision, et tout comme l’avait fait en mars 2012 le gouvernement Fillon (en réaction d’une levée d’interdiction décidée par le Cour de Justice de l’Union Européenne en 2011), M. François Hollande a proclamé la prolongation du moratoire concernant la culture de maïs MON810. Le président de la République a justifié sa décision en mettant en évidence le fait que cette culture peut, certes, être considérée comme un progrès par certains, mais qu’elle n’est pas sans « conséquences défavorables sur les autres productions ». Seules la recherche reste alors autorisée à ce jour. Mais le devenir de cette réglementation relative aux OGM ne semble par serein.