La gestion des risques en entreprise est une notion qui doit s’entendre largement au sens de la réglementation du droit du travail. Il peut en effet être question de risques professionnels liés à l’utilisation même des locaux de travail, à l’utilisation des équipements de travail et des moyens de protection, de risques d’exposition, de risques pour la santé, de risques liés à certaines catégories de personnels, ou encore de risques liés à l’intervention d’une entreprise extérieure.
Au sein de cette liste non exhaustive de risques répertoriés par le législateur, et plus précisément, au sein des risques liés à l’utilisation des locaux de travail, il existe un risque qui est celui des incendies, explosions et évacuations. Celui-ci fait alors l’objet d’un certain nombre de réglementations, notamment pour ce qui est des explosions. Plus précisément, il st à noter que lorsque la réglementation fait référence à la notion d’explosions, il faut comprendre « atmosphères explosives ». Ceci engendre alors l’application de la réglementation communautaire dite « ATEX », transposée et complétée en droit français. Compte tenu de la spécificité mais également de la diversité de ce risque particulier, cette réglementation semble toucher la plupart des entreprises européennes, contraintes à une obligation de prévention des risques, dont celui des explosions. La question est alors de savoir quelles entreprises et corps d’activité sont alors concernés par cette réglementation ATEX ? Autrement dit, quel est le champ d’application de la réglementation des atmosphères explosives ? Pour réponse à cela, il conviendra dans un premier temps d’étudier l’obligation réglementaire à laquelle doit se soustraire un employeur, pour ensuite pouvoir identifier plus précisément les prescriptions obligatoires à satisfaire par ce dernier.
I. La réglementation ATEX : une obligation pour l’employeur
Plus de trois ans après la directive 1999/92/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 1999, concernant les prescriptions minimales visant à améliorer la protection en matière de sécurité et de santé des travailleurs susceptibles d’être exposés au risque d’atmosphères explosives (JO L 23 du 28.1.2000, p. 57), socle du fondement des articles du Code du travail en la matière (articles R4216-31 et R4227-42 à R4227-54), sont entrées en vigueur deux nouvelles directives européennes à ce sujet. En effet, le 1er juillet 2003 sont entrées en vigueur deux directives relatives aux atmosphères explosives (dites « directives ATEX »), qui ont renforcé la réglementation existante en imposant, notamment, des mesures techniques et organisationnelles obligatoires.
Sur le plan normatif français, deux arrêtés du 8 juillet 2003 (JORF n°171 du 26 juillet 2003 page 12627), relatifs à la protection des travailleurs susceptibles d’être exposés à une atmosphère explosive ont conduit à la transposition de ces prescriptions européennes.
Il est à noter que d’autres réglementations spécifiques, comme par exemple le décret n°2002-695 du 30 avril 2002 (JO 3 mai 2002), modifiant le décret n°96-2010 du 19 novembre 1996 relatifs aux appareils et aux systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphères explosibles, ou encore l’arrêté du 8 juillet 2003 relatif à la protection des travailleurs susceptibles d’être exposés à une atmosphère explosive, sont venus compléter cette dense réglementation.

A la lecture de cette réglementation, il en va de comprendre que lorsqu’il est question de la réglementation ATEX, la notion d’atmosphères explosives est caractérisée par « un mélange avec l’air, dans les conditions atmosphériques, de substances inflammables sous forme de gaz, vapeurs, brouillards ou poussières, dans lequel, après inflammation, la combustion se propage à l’ensemble du mélange non brûlé » (article R4227-43 du Code du travail). Selon cet article, la combustion provoquant l’explosion peut alors être de plusieurs natures. En effet, il peut être question d’une combustion ayant pour origine des gaz ou des vapeurs mélangés avec l’air, ou alors un mélange avec des poussières. Pour ce qui est des gaz ou des vapeurs, le mélange devra se situer entre la limite inférieure d’explosivité (LIE) et la limite supérieure d’explosivité (LSE), en présence d’une source d’ignition susceptible d’enflammer le mélange explosif. Et en ce qui concerne les poussières, c’est, entre autre, la granulométrie qui déterminera essentiellement la provocation la possible explosion.

C’est en présence de ce type d’atmosphère, qu’il reviendra, à la charge de l’employeur, de s’acquitter d’une démarche globale de prévention du risque d’explosion.
II. La réglementation ATEX : une démarche particulière de gestion du risque d’explosion
Les articles R4227-44 à R4227-52 de la section 6 du Chapitre VII (Risques d’incendies et d’explosions et évacuation) du Code du travail, mettent à la charge de l’employeur, la prévention des explosions et la protection contre celles-ci. En effet, il est imposé à l’employeur de prendre « les mesures techniques et organisationnelles appropriées au type d’exploitation sur la base des principes de prévention et dans l’ordre de priorité suivant :
1° Empêcher la formation d'atmosphères explosives ;
2° Si la nature de l'activité ne permet pas d'empêcher la formation d'atmosphères explosives, éviter leur inflammation ;
3° Atténuer les effets nuisibles d'une explosion pour la santé et la sécurité des travailleurs » (article R4227-44).
Pour répondre à cela, il conviendra pour l’employeur de déterminer dans un premier temps quelles sont les zones explosives au sein de son établissement. Il sera alors question de la détermination initiale des zones à risques. En fonction de la fréquence et de la durée la présence d’une atmosphère explosive, une caractérisation de la zone en tant qu’atmosphère explosive sera ou non reconnue. Ceci permettra alors dans un second temps d’effectuer un zonage approprié des différentes zones concernées au sein de l’établissement, voire de considérer la totalité de l’établissement comme zone explosive, soumise à la réglementation ATEX.
Concernant ces zones caractéristiques, il faut en distinguer deux types : des zones de gaz et de vapeurs, comme par exemple des réservoirs, des canalisations, des récipients, l’alimentation de ces derniers, des évents, des vannes, ou encore des brides et des connexions, (norme NF EN 60 079 –10-1), mais également des zones de poussières, caractérisées par des emplacements sujets à des émanations de poussières (norme NF EN 60 079–-10-2). Il est à noter que ces poussières peuvent être de différentes natures, à savoir, métalliques, minérales ou même organiques.
Matériellement, c’est autour des thématiques de chauffage de locaux, ou encore d’emploi et stockage de matières explosives inflammables, que sont délimitées ces zones. En effet, les dispositions de préventions des incendies et des explosions, visent essentiellement, dans un premier temps, les installations fixes destinées au chauffage et à l’alimentation en eau chaude, les installations de gaz combustibles et les hydrocarbures liquéfiés, et le stockage et l’utilisation des produits pétroliers (article R4227-15 du Code du travail), tout comme, les appareils producteurs de chaleur, les canalisations et circuits d’alimentation des installations dans le but d’empêcher de déclencher un feu et d’éviter sa propagation aux bâtiments ou aux vêtements des travailleurs. Mais elles visent également, les locaux réservés au stockage et à la manipulation des substances ou préparations classées explosives, comburantes ou extrêmement inflammables, ainsi que des matières dans un état physique susceptible d’engendrer des risques d’explosion ou d’inflammation instantanée (article R4227-22 du Code du travail). La caractérisation de ce type de local contraindra l’employeur à doter ces locaux d’une ventilation appropriée.
Attention, une distinction particulière est faite avec les lieux servant directement au traitement médical de patient, les lieux où sont utilisés des appareils à gaz et les activités de fabrication, maniement, utilisation, stockage et transport d’explosifs et de substances chimiques instables, qui sont exclus du champ d’application de la réglementation ATEX.

Un arrêté du 28 juillet 2003 (JORF n°180 du 6 août 2003 page 13554), est venu décrire ces zones dans lesquelles peuvent se former des atmosphères explosives, afin d’aider l’employeur et les organismes habilités, à définir de manière la plus juste ces zones, type d’installations, appareils et systèmes de protection, en fonction de la fréquence et de la durée de présence d’une atmosphère explosive. Pour ce faire, un tableau synthétique de référence a été créé à cet effet. Il décrit ces atmosphères en fonction des zones gaz/ vapeurs ou de poussières, et en fonction de la fréquence du caractère explosif. Plus précisément, si l’atmosphère dite explosive est permanente, en fonctionnement normal (0 ou 20), occasionnelle, en fonctionnement normal (1 ou 21), ou accidentelle, en cas de dysfonctionnement (2 et 22).

Une fois ce zonage effectué, l’article R4227-46 du Code du travail impose à l’employeur d’évaluer son risque d’explosion. Selon cet article, il doit tenir compte, dans cette démarche de gestion des risques :
1° De la probabilité que des atmosphères explosives puissent se présenter et persister ;
2° De la probabilité que des sources d'inflammation, y compris des décharges électrostatiques, puissent se présenter et devenir actives et effectives ;
3° Des installations, des substances et préparations utilisées, des procédés et de leurs interactions éventuelles ;
4° De l'étendue des conséquences prévisibles d'une explosion ».

Ceci permettra, à terme, d’élaborer un Document Relatif à la Protection Contre les Explosions (DRPCE – article R4227-52 du Code du travail), dans lequel figureront l’identification et l’évaluation des risques, les mesures adéquates prises pour atteindre les objectifs réglementaires relatives au risque d’explosion, les emplacements et zones auxquels s’appliquent ces prescriptions réglementaires, les lieux et les équipement de travail conçus, utilisés et entretenus corrélativement à la réglementation à la sécurité, la prévention relatives à des travaux qui seraient réalisés par une entreprise extérieure et la garantie d’une utilisation sûre des équipements de travail. Il conviendra alors de procéder à un inventaire de toutes les mesures existantes prises en ce sens, ainsi que des mesures complémentaires, afin d’alimenter ce DRPCE. Celui-ci sera intégré au Document Unique, dont la tenue est obligatoire au sein de toute entreprise justifiant des risques et devant procéder à leur évaluation (article R4121-1 Code du travail). En somme, l’article R4227-52 du Code du travail, précise que ce DRPCE comportera toutes les informations relatives au respect des obligations afférentes au risque d’explosion, et plus précisément les obligations définies par les articles R4227-42 et suivants du Code du travail.
Il est à noter que des mises à jour du document seront obligatoires en cas de modifications, d’extension ou de transformations notables apportées aux lieux, équipements et organisation du travail (article R4227-54 du Code du travail). Ce document sera, au-delà de sa mise à jour, complété par l’employeur et soumis à l’avis du CHSCT, et plus largement des instances représentatives.