
La responsabilité pénale de l’entreprise pour défaut de formation à la sécurité
Par JIMMY HUSSON
Posté le: 24/07/2013 23:45
Cass. crim. n° 12-82.527 du 3 avril 2013
Responsabilité pénale de l’entreprise pour défaut de formation à la sécurité
En l’espèce, un conducteur d’engin a été accidenté lors du rechenillage de sa pelle mécanique. Il ressort clairement des auditions des salariés entendus que le déchenillage était un incident banalisé, que les ouvriers essayaient de réparer eux-mêmes sans appeler le mécanicien ; qu'ils n'ont pas été mis en garde et avertis des risques inhérents à leur activité sur le chantier, dont le déchenillage d'engin et des dangers résultant de manoeuvres inadéquates lors des opérations de rechenillage , que le maçon et l'aide-maçon n'avaient pas reçu de formation sur le rechenillage et la sécurité des engins.
Le conducteur d’engin a saisi le Tribunal correctionnel afin de faire reconnaitre la responsabilité pénale de son employeur pour blessures involontaires résultant du manquement à son obligation de formation à la sécurité.
La Cour d’appel, puis la Cour de cassation, ont suivi la demande du conducteur d’engin en ce qu’il n’avait suivi, depuis qu’il était dans l’entreprise, aucune formation de nature à assurer la prévention des risques professionnels, ni aucune formation appropriée à l’utilisation d’engins qu’il conduisait et à la procédure qu’il devait suivre en cas d’incident comme le déchenillage. En outre, le salarié n’a jamais été averti des risques encourus en cas de rechenillage d’une pelle mécanique alors même qu’il avait les outils nécessaires à sa disposition, s'agissant d'une opération à mener suivant une procédure simple impliquant uniquement de détendre préalablement la chenille en caoutchouc à l'aide d’une clé. Le maçon et l’aide maçon qui ont aidé le conducteur d’engin n’avaient pas non plus bénéficié de la formation spécifique sur le rechenillage alors qu’aucune instruction ne leur interdisait d’intervenir sur les engins défectueux. Par ailleurs, le contrôleur du travail avait adressé au président-directeur général de la société à plusieurs reprises entre novembre 2005 et novembre 2007 des demandes écrites relatives à la formation à la sécurité développée dans l'entreprise, à l'état de la démarche d'évaluation des risques aux rapports de vérification du matériel, demandes qui sont restées sans réponse
L’article L. 4121-1 du Code du travail, indique que« l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de travailleurs. Ces mesures comprennent des actions d’information et de formation ». L’employeur doit prendre les mesures permettant d’éviter tout accident, en dispensant des formations adéquates et régulières, de nature à assurer la prévention des risques professionnels. L’employeur doit contrôler et évaluer régulièrement le savoir-faire de ses employés, leurs aptitudes et leurs connaissances en matière de règles de sécurité sous peine de voir sa responsabilité pénale engagée. L’article 121-3 du Code pénal prévoit « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. Il n'y a point de contravention en cas de force majeure. »
En outre, l’article 222-19 du Code pénal, dispose que « le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende. En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.
En clair, la société a manqué à son obligation de sécurité en n’informant pas et en ne formant pas son personnel sur les risques encourus et à la procédure à suivre en cas de problème d’ordre mécanique.