
La mise en place de mécanismes de lutte contre la biopiraterie : le contrat de bioprospection
Par Julia BERKOWICZ
Juriste environnement
Cabinet d'avocats Allena
Posté le: 19/07/2013 16:11
I) Le consentement préalable à l'accès aux ressources
Pour accéder à une ressource génétique ou à une connaissance traditionnelle associée dans le cadre d’activités de recherche et de développement, l’utilisateur doit demander le consentement préalable en connaissance de cause du pays fournisseur en vue d’obtenir une autorisation d’accès (A). Il devra également, désormais, en vertu du Protocole de Nagoya, obtenir l'accord des populations autochtones qui disposent d'un droit sur les ressources génétiques (B).
A) Le consentement préalable en connaissance de cause du fournisseur des ressources
L'accès aux ressources génétiques en vue de leur utilisation est soumis au consentement préalable en connaissance de cause de la Partie qui fournit les ressources (Article 6 § 1 du Protocole de Nagoya). Ainsi, le Protocole prévoit des critères minimaux d’accès à prendre en compte tel que l’obligation pour l’utilisateur de demander le consentement préalable donné en connaissance de cause du pays fournisseur.
Concrètement, les entreprises devront déposer une demande officielle et préalable auprès de l'autorité compétente du pays concerné. A ce titre, les États peuvent mettre à disposition des informations sur la manière de solliciter un consentement préalable en connaissance de cause. Les règles et procédures d'accès doivent être claires, transparentes et non arbitraires. En effet, le contrat de bioprospection doit établir des règles claires ainsi qu'une procédure de consentement éclairé préalable et selon des termes mutuellement convenus. De plus, les règles d'accès doivent prévoir des conditions propres à promouvoir la recherche qui contribue à la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité, ainsi que des procédures accélérées pour l'accès aux pathogènes en cas d'urgence actuelle ou imminente.
B) La prise en compte de l'accord des populations autochtones
Les peuples et communautés autochtones bien que non partie au protocole de Nagoya, se voient reconnaître une place prépondérante dans l’application de l’accord. Ceci, à travers la reconnaissance du rôle que jouent les connaissances traditionnelles qu’ils détiennent en matière environnementale, et qui assurent le maintien de la conservation de la diversité biologique. A travers le Protocole de Nagoya, les communautés autochtones font l'objet d'un traitement beaucoup plus développé que dans la Convention où elles étaient confinés à l'article 8j) qui prévoyait leur « accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques ».
Le Protocole de Nagoya traite des ressources génétiques pour lesquelles des communautés autochtones et locales bénéficient d’un droit reconnu d’accorder leur accès (Article 6 § 2 du Protocole). Ainsi, en tant que fournisseur des ressources génétiques, « leur consentement préalable donné en connaissance de cause ou l'accord et la participation des communautés autochtones et locales lorsqu'elles ont le droit établi d'accorder l'accès à ces ressources » est requis pour l'accès à ces ressources. Le Protocole, à l'instar de la CDB qui restait silencieuse à cet égard, garanti également la participation des populations autochtones pour « que l'accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques détenues par les communautés autochtones et locales soient soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause ou à l'accord et à la participation de ces communautés autochtones et locales » (Article 7 du Protocole de Nagoya).
Par conséquent, pour organiser une demande d'accès à une connaissance traditionnelle ou à une ressource génétique, le cadre juridique national doit définir les modalités d'obtention de l'accord de la communauté détentrice de cette connaissance, soit sous forme de consentement préalable en connaissance de cause, soit par un autre moyen impliquant la participation effective de la communauté.
II) Le partage juste et équitable des bénéfices
Le contrat de bioprospection détermine selon des conditions convenues d’un commun accord, les modalités d’accès et de partage juste et équitable des avantages générés à partir de l'utilisation des ressources génétiques (A). Ces avantages pouvant être monétaires ou non monétaires devraient contribuer à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité (B).
A) L'adoption d'un cadre juridique de partage des bénéfices
Un partage des bénéfices entre les grandes firmes et les peuples autochtones engendrés par les brevets seraient effectués afin de légitimer la marchandisation des ressources comme une contribution au développement. Pour les pays du Sud, partager les avantages, signifierait en finir avec la biopiraterie et recueillir les bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles et des savoirs locaux associés à ces ressources, jusque-là non rétribués lorsqu’une innovation donne lieu à un droit de propriété intellectuelle et à un produit exploité commercialement par une entreprise du Nord. Il apparaît ainsi légitime que les communautés perçoivent certains avantages issus de l’utilisation de leurs connaissances.
La définition de la notion de « l’utilisation des ressources » est essentielle afin de déterminer les activités soumises à l'obligation de partage des avantages. Le déclencheur de l'obligation de partage des avantages est constitué par l'utilisation des ressources génétiques qui couvre les activités de recherche et de développement sur la composition génétique et/ou biochimique des ressources génétiques, de même que les applications et la commercialisation subséquentes. La définition étant relativement large, elle inclut les activités de recherche commerciale et non commerciale.
L'article 5 du protocole de Nagoya prévoit la mise en place du partage des avantages de manière juste et équitable entre les parties contractantes: pays fournisseur et pays utilisateur des ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées par le biais d’un contrat écrit.
Enfin, les parties peuvent avec la participation des communautés autochtones et locales établir des mécanismes permettant d'informer les utilisateurs de leurs obligations en matière d'accès et de partage juste et équitable des avantages. Elles peuvent également, élaborer des protocoles communautaires des conditions minimales pour la négociation de conditions convenues d'un commun accord et de clauses contractuelles types pour l'accès et le partage des avantages découlant des connaissances traditionnelles associés aux ressources génétiques. L'objectif étant de standardiser les procédures pour les utilisateurs.
B) La mise en place d’avantages monétaires et non monétaires
L'article 5 du Protocole prévoit que les avantages peuvent inclure mais ne sont pas limités aux avantages monétaires et non monétaires énumérés à l'annexe du présent Protocole. Ces avantages doivent être affectés de préférence à la conservation de la diversité biologique et à l'utilisation durable de ses éléments constitutifs (Article 9 du Protocole de Nagoya).
Le protocole de Nagoya n’envisage ainsi pas la question du partage des avantages tirés de l'exploitation des ressources génétiques d'un point de vue monétaire exclusivement. A côté du paiement d'une redevance ou autres droits d’entrée habituellement acquittés pour accéder aux ressources d’un territoire, le protocole envisage des avantages qui soient non monétaires, comme la possibilité pour une entreprise du Nord de partager les résultats de la recherche avec un institut du Sud par exemple.
Sont également envisagés la collaboration, la coopération et/ou la contribution à l'éducation et la formation, ainsi que le transfert de technologie, y compris celle issue d'un brevet. Autre point intéressant, est aussi considérée comme un partage d’avantages dans le cadre du protocole, la possibilité de renforcer les capacités institutionnelles de celui qui fournit la ressource. Il n’est toutefois pas précisé si les institutions en question seraient celles de l’Etat fournisseur de la ressource ou de celles des communautés autochtones ou autres organisations locales qui ont apporté leur savoir traditionnel. L’annexe du Protocole contient une liste indicative d’avantages monétaires et non monétaires.