
Les formations spécifiques à la prévention des risques liés à l'amiante
Par Maud TRIOULAIRE
Ingenieur prevention des risques
GDF SUEZ
Posté le: 10/07/2013 16:27
Le principal agent dangereux pour la santé humaine est l’amiante. Depuis 1977, l’OMI l’a classée dans la catégorie des agents cancérogènes. En France, le décret n°96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l’amiante interdit à compter du 1er janvier 1997 l’usage de ce matériau. L’article 1er de ce décret prévoit que « au titre de la protection des travailleurs, sont interdites, en application de l'article L. 231-7 du code du travail, la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d'amiante, que ces substances soient ou non incorporées dans des matériaux, produits ou dispositifs ».
Cependant, la difficulté ne réside pas en ce que l’utilisation de l’amiante soit interdite mais dans le fait qu’elle fut utilisée dans la construction de navires. Lors des travaux de déconstruction, les salariés sont donc exposés à des risques sanitaires non négligeables liés à l’inhalation des fibres d’amiante par le personnel. Les risques sont alors de trois ordres : le risque d’empoussièrement par l’amiante pouvant entrainer une fibrose pulmonaire par l’épaississement des alvéoles pulmonaires ; le risque de plaques pleurales dues aux particules d’amiante drainées à la surface des poumons ; le risque de cancers respiratoires tels que le mésothéliome ou le cancer bronco-pulmonaire .
Au sein de l’Union européenne, la réglementation applicable à la sécurité des travailleurs sur les chantiers de démantèlement est de plus en plus florissante, bien qu’il s’agisse d’un processus fortement mécanisé nécessitant peu de main d’œuvre. De plus, en France, la protection du salarié en matière d’amiante est désormais une obligation de sécurité résultat pesant sur l’employeur. La chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu, dans deux arrêts du 28 février 2002, « qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable […], lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». La société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l’amiante, par ailleurs, elle n’avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié. Elle a donc commis une faute inexcusable et doit dédommager le salarié victime. En effet, le Code du travail réprime toute infraction aux règles de santé et de sécurité commises par l’employeur ou son délégataire. L’article L 4741-1 du Code du travail punit d’une amende de 3 750E la méconnaissance de l’employeur aux mesures de prévention des risques d’exposition à l’amiante visées par les articles R 4412-94 à R 4412-148 du Code du travail, aux demandes de vérifications, d’analyses et de mesures en matière d’amiante régies par les articles R 4722-14 et R 4722-15 du même code, et enfin à la tenue d’un dossier technique regroupant les informations relatives aux matériaux contenant de l’amiante, en matière d’évaluation des risques professionnels (article R 4512-11 du Code du travail). L’amende peut paraitre très légère compte tenu des conséquences que l’amiante peut avoir sur la santé du travailleur, mais le Code du travail prévoit que l’amende est appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés dans l’entreprise. La sanction pécuniaire peut donc être plus importante qu’il n’y parait.
Compte tenu de ces éléments, la mise en place de formation apparait indispensable afin de limiter le nombre de victimes des effets dévastateurs de l’amiante.
L’employeur doit mettre en place des formations spécifiques à la prévention des risques liés à l’amiante pour les salariés. La réglementation de ces formations se trouvent aux articles R 4412-117 à R 4412-123 du Code du travail. L’arrêté du 22 décembre 2009, modifiant l’arrêté du 25 avril 2005 relatif à la formation des travailleurs à la prévention des risques liés à l’amiante, définit le contenu des formations et les modalités de celles-ci. Il précise notamment la durée des formations et les modalités de renouvellement. L’article 1er de l’arrêté prévoit en ce sens que « outre l'obligation générale de formation à la sécurité prévue à l'article L. 4141-2 du code du travail, l'employeur, pour affecter un travailleur à des travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l'amiante ou à toute intervention susceptible de provoquer l'émission de fibres d'amiante qui porte notamment sur des bâtiments, des navires, des structures, appareils ou installations, y compris les interventions sur terrains amiantifères, lui assure préalablement une formation adaptée à ses activités et aux procédés mis en œuvre ».
La formation des travailleurs à la prévention des risques liés à l’amiante doit obligatoirement être dispensée par un organisme de formation certifié par des organismes certificateurs eux-mêmes accrédités, depuis l’arrêté du 22 décembre 2009. L’arrêté prévoit dans son article 8 que « Les organismes certificateurs sont accrédités pour la certification de qualification des organismes de formation pour la prestation de formation à la prévention des risques liés à l'amiante par le Comité français d'accréditation (COFRAC) ou par tout organisme d'accréditation signataire de l'accord européen multilatéral établi dans le cadre de la coopération européenne des organismes d'accréditation. Pour obtenir l'accréditation, les organismes certificateurs remplissent les conditions prévues par la norme NF EN 45011 « Exigences générales relatives aux organismes procédant à la certification de produits » et les exigences du présent arrêté ».
En supplément des formations qu’il organise, l’employeur, en application de l’article R4412-120 du Code du travail, doit établir pour chaque travailleur une fiche d’exposition indiquant les procédés de travail et les équipements de protection individuelle et collective devant être utilisés. Cette fiche d’exposition est mise en place en concertation avec le médecin du travail et le CHSCT en tenant compte notamment de la pénibilité du travail, des contraintes liées à l’utilisation des équipements de protection ainsi que du temps nécessaire à la décontamination des travailleurs. Une surveillance médicale particulièrement rigoureuse est également indispensable pour les salariés travaillant des matières dangereuses telles que l’amiante. Le premier arrêté fixant les recommandations et instructions techniques que les médecins du travail doivent respecter date du 13 décembre 1996. Il fut remplacé par l’arrêté du 2 mai 2012 qui centralise toutes les réglementations relatives à la surveillance médicale renforcée de certaines catégories de salariés. Cet arrêté est applicable depuis le 1er juillet 2012 et abroge l’arrêté du 13 décembre 1996. Il concerne les salariés handicapés, les femmes enceintes, les salariés de moins de 18 ans et les salariés exposés au traitement de matières dangereuses telles que l’amiante ou le plomb.
Ensuite, le Code du travail énonce que les entreprises réalisant ce type de travaux doivent détenir des compétences attestées par la délivrance d’un certificat de qualification pour le confinement et le retrait de l’amiante friable. En effet, l’arrêté du 22 février 2007 définissant les conditions de certification des entreprises réalisant des travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l’amiante, prévoit, dans son article 1er, que « pour réaliser des travaux de confinement ou de retrait de matériaux friables contenant de l'amiante, les entreprises doivent pouvoir faire la preuve de leurs capacités dans ce domaine en fournissant un certificat établi en langue française attribué, le cas échéant à titre probatoire, par un organisme certificateur de qualification ». L’article ajoute, dans son second alinéa, que l’entreprise doit être certifiée selon les critères définis dans la norme NF X 46-010 « Amiante friable – Qualification des entreprises réalisant des travaux de traitement de l’amiante friable – Référentiel techniques » d’octobre 2004.
Concernant les travaux de confinement et de retrait de matériaux non friables contenant de l’amiante, l’arrêté du 22 février 2007 prévoit que « les entreprises doivent pouvoir faire la preuve de leurs capacités dans ce domaine en fournissant un certificat établi en langue française attribué, le cas échéant à titre probatoire, par un organisme certificateur de qualification. Pour ces travaux, l'organisme certificateur délivre le certificat de qualification sur la base des critères définis par l'annexe du présent arrêté ».