
Quelle structure pour la mise en œuvre et la gestion d'une démarche RSE globale ?
Par Aude COSNIER
Juriste environnement et urbanisme Aeroports de Paris
Aeroports de Paris (ADP)
Posté le: 05/07/2013 13:25
I. Le groupement d'intérêt public (GIP) :
Le cadre juridique applicable au GIP :
Crée par la Loi n° 82-610 du 15 juillet 1982, le GIP est une personne morale (PM) de droit public dotée de l'autonomie financière et administrative. Ce texte a depuis été abrogé et remplacé par la LOI n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (chap. 2, art 98 à 122). Tous les GIP doivent avoir mis leur convention constitutive en conformité avec cette loi avant le 16 mai 2013. Les GIP sont créés par une convention constitutive, approuvée par arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget, éventuellement accompagnés des autres ministres pouvant être concernés. Ils permettent à des collectivités publiques (PM) de s'associer entre elles et/ou avec des pers privées (normalement pour une durée limitée), afin d'exercer ensemble une activité d'intérêt général ou de réaliser un projet commun, à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires.
Le financement des GIP :
Les PM de droit public et les PM de droit privé constitutives du GIP et chargées d'une mission de service public doivent détenir ensemble plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants. Le GIP peut être abondé par les contributions privées et publiques suivantes : Contributions financières de ses membres, subventions diverses, Produits de ses biens propres ou mis à sa disposition, rémunérations des prestations et produits de éléments de propriété intellectuelle qu'il détient, des emprunts ou autres ressources d'origine contractuelle et enfin des dons et legs. Il est également possible de lui mettre à disposition, sans contrepartie financière, du personnel et des locaux ou équipements. Une limite toutefois : les excédents annuels de sa gestion ne peuvent être utilisés qu'à des fins correspondant à l'objet du groupement ou mis en réserve. De plus, les droits de membres du GIP ne peuvent pas être des titres négociables et le GIP ne donne pas lieu au partage de bénéfices.
La gestion du GIP :
Son régime de gestion peut être préalablement défini par la loi qui va porter création du GIP en cause (par ex loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 autorisant la constitution d'1 GIP pour assurer la formation continue et qui précise qu'ils " sont soumis aux règles du droit et de la comptabilité publics "). Mais, plus fréquemment, sauf dispositions contraires, des décrets catégoriels prévoient que la comptabilité et la gestion du GIP sont assurées selon les règles du droit privé. Cette règle est donc de droit commun sauf si le GIP n'est constitué que de PM de droit public (gestion publique obligatoire) ou si sa loi de création ou sa convention constitutive prévoit l'application d'une gestion publique (gestion publique facultative).
Dans le cas particulier d'un GIP à gestion publique, ceux-ci sont soumis au titre 1er (principes fondamentaux) et au moins en partie, au titre III (gestion budgétaire et comptable des organismes) du décret n° 2012-1246 du 7 nov. relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. En conséquence, dans un souci de clarté des statuts, il est utile (et vivement conseillé) que la convention constitutive indique le régime de gestion applicable.
La gouvernance du GP :
Elle est assurée par une assemblée générale (AG) accompagnée d'un directeur et, si besoin, d'un conseil d'administration (CA). L'AG prend toute décision relative à l'administration du GIP, sous réserve des pouvoirs dévolus à d'autres organes par la convention constitutive. Un peut être constitué dans les conditions prévues par la convention constitutive pour exercer certaines des compétences de l'AG et un directeur assure, sous l'autorité de l'AG ou du CA, le fonctionnement du groupement. Les modalités de sa désignation et de l'exercice de ses fonctions sont prévues par la convention constitutive. Dans ses rapports avec les tiers, il engage le groupement pour tout acte entrant dans l'objet de celui-ci. Les modifications ou renouvellements de la convention, transformation du groupement en une autre structure ou dissolution anticipée du groupement ne peuvent être prises que par l'AG, à l'unanimité ou à la majorité qualifiée, dans des conditions de la convention constitutive.
Il faut noter que la désignation d’un commissaire du gouvernement auprès du GIP et la soumission de celui-ci au contrôle économique et financier de l’Etat ne sont plus systématiques : elles peuvent être décidées par l’autorité chargée de l’approbation de la convention constitutive du GIP, pour ceux ayant parmi ses membres l’Etat ou un organisme soumis au contrôle économique et/ou financier de l’Etat. Par ailleurs, le Commissaire du Gouvernement dispose d’un droit d’opposition à l’encontre de toute décision qui met en jeu l’existence ou le bon fonctionnement du groupement, notamment en matière d’emprunt ou recrutement de personnels.
Enfin, en cas de litige, c'est le juge administratif qui est compétent car les GIP sont considérés comme des personnes de droit public depuis un arrêt du Tribunal des Conflits ''GIH habitat (…) c/ Mme Verdier'' en date 14 fév. 2000.
GIP et actions en faveur de l'environnement :
On peut notamment prendre l'exemple de l'État et du Conseil Régional de Bretagne qui, dans le cadre de la politique régionale en matière d’accès et de diffusion de l’information environnementale qui ont créé en 2007 le ''GIP Bretagne environnement'' afin de soutenir leur réseau d'information sur l'environnement de cette région. Ce Groupement a notamment pour mission de développer des outils Internet de référencement des données environnementales et d’assurer leur mise à jour permanente, de référencer et valoriser des données produites par les organismes experts et les producteurs de données environnementales, en leur permettant une plus large diffusion, de valoriser les efforts d’acquisition de données ou de diffusion de l’information environnementale concernant la Bretagne, ou encore de rédiger des articles de vulgarisation en liens avec les contenus proposés par les organismes experts ou les producteurs de données.
Autre exemple, le GIP ECOFOR pour ''Ecosystèmes forestiers (ECOFOR)''. Créé en 1993 pour dix ans, puis renouvelé en 2003 pour une nouvelle période de dix ans, c'est une structure de coopération ayant pour objectif de permettre à plusieurs organismes, généralement publics, de mettre en commun des moyens pour une durée et des activités déterminées. Ses membres sont AgroParisTech-Engref, le Cemagref, le Cirad, le CNRS, le CNPPF, l’IFN, l’Inra, l’Institut technologique FCBA, l’IRD ou encore l’ONF, et ses activités consistent à développer des programmes de recherche et des études portant sur le fonctionnement et la dynamique des écosystèmes forestiers d’une part et la gestion durable des forêts d’autre part et permettent l’articulation entre recherche et gestion qui nécessite des systèmes d’information adéquats et une capacité d’expertise conséquente.
Autre structure à but non lucratif et dotée de la personnalité juridique, la Fondation d'entreprise (FE).
II. la Fondation d'entreprise (FE) :
Créée par une loi du 4 juillet 1990, elle est mise en œuvre par un décret d'application n°91-1005 en date du 30 sept. 1991, c'est une Personne Morale de droit privé à but non lucratif qui doit être mise en place en vue de la réalisation d'une œuvre d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises (et uniquement pour ses objectifs précités, cf. art 2 Loi du 23 juillet 1987, renvoi à l'article 238 bis CGI). Et elle ne peut pas être instituée par une collectivité publique.
Constituée par simple arrêté préfectoral, la FE est une structure intermédiaire entre la fondation reconnue d’utilité publique (dont la création nécessite un décret en Conseil d’État) et la fondation sous égide (dépourvue de toute personnalité morale et abritée par une fondation reconnue d’utilité publique). Elle se distingue de ces deux fondations par le caractère temporaire de l’engagement des fondateurs et la souplesse de sa constitution et gouvernance. Son autre ''point fort'' est son régime fiscal : l'entreprise fondatrice peut bénéficier d'une réduction d'impôt de 60% du montant des dons effectués par elle dans la limite de cinq pour mille de son chiffre d'affaires. De plus, ses salariés peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt de 66% des sommes versées par eux au bénéfice de la fondation d'entreprise, dans la limite de 20% de leur revenu imposable (article 223 A du code général des impôts, don des particuliers). Et dans tous les cas, les FE se voient appliquer essentiellement le régime fiscal des associations sans but lucratif, sauf dispositions spécifiques dérogatoires.
Peuvent créer une FE : les Sociétés civiles ou commerciales (y compris les EURL), les EPIC, les coopératives, les muutuelles et institutions de prévoyance. A contrario, ne sont pas habilités à créer une FE les PP, associations, fondation RUP, syndicats, établissement public à caractère administratif et les collectivités territoriales.
Toute FE doit être dotée d'un programme d'action pluriannuel (PAP) fixé pour une durée d'au moins 5 ans et pouvant être prorogé pour une durée de 3 ans minimum. Ce PAP doit être de 150.000 € minimum (Art 5 du décret n°2002-998 du 11 juillet 2002). Les fondateurs s'engagent à verser les sommes prévues au PAP et ne peuvent se retirer de la FE sans avoir payé intégralement les sommes qu'ils se sont engagés à verser. Ces versements doivent être garantis par une caution bancaire.
Outre le programme d'action pluriannuel, les ressources de la fondation peuvent comprendre :
- Les subventions de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
- Le produit des rétributions pour services rendus.
- Les revenus de la dotation initiale, si elle existe et des ressources mentionnées ci-dessus.
- La FE peut acquérir tous les immeubles nécessaires à l'accomplissement de son but et détenir un portefeuille de valeurs mobilières.
- Dons des salariés : la FE ne peut ni faire appel à la générosité publique ni recevoir des dons et legs. Cependant depuis la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, elle est autorisée à recevoir les dons des salariés de l'entreprise(s) fondatrice(s) ou du groupe auquel celle-ci appartient.
Avantages d'une FE :
- permet à l'entreprise d'organiser son mécénat de façon cohérente, lisible et plus aisément accessible et compréhensible pour les tiers et les bénéficiaires.
- Rapidité de la création et Démarches + simples et instances de validations plus accessibles (Préfectures).
- Les montants minima nécessaires à la création sont inférieurs à ceux d'une fondation reconnue d'utilité publique (150 000 euros sur trois ans au lieu d'un engagement minimum dans la dotation de 1 000 000 d'euros pour les FRUP)
- Durée de vie limitée, consomptibilité.
- Vecteur de cohésion sociale interne à l’entreprise, qui valorise son image et fédère les collaborateurs.
Gouvernance de la FE :
Etendue de la capacité juridique de FE : Elle peut accomplir tous les actes de la vie civile qui ne lui sont pas interdits par ses statuts et qui restent dans le périmètre de sa mission. Elle ne peut acquérir ou posséder d'autres immeubles que ceux nécessaires au but qu'elle se propose. Le président du CA représente la fondation en justice et dans les rapports avec les tiers.
Elle est gérée par un CA composé, pour les 2/3 au plus, des fondateurs ou de leurs représentants et des représentants du personnel et pour un 1/3 au moins, de personnalités qualifiées dans les domaines d'intervention de la fondation d'entreprise, choisies, lors de la réunion constitutive du CA, par le(s) fondateur(s) ou ses représentants. Les statuts fixent les conditions de nomination et de renouvellement des membres du CA, qui exercent leur fonction à titre gratuit. Le cas échéant, la FE peut se doter d'un conseil scientifique.
Pers morale à part entière, distincte de l'entreprise fondatrice, la FE doit établir des comptes et un rapport annuels qu’elle doit transmettre au préfet, dans 6 six mois qui suivent la clôture de l’exercice. Elle a l'obligation de nommer un CAC et un suppléant et les documents comptables témoignant de sa gestion doivent comporter les pièces suivantes :
- lettre du président transmettant ces documents
- rapport d’activité, compte de résultat, bilan, annexe,
- rapport du CAC, état justifiant de l’emploi des fonds provenant de toutes les subventions sur fonds publics accordées au cours de l’exercice,
- délibération du CA ayant approuvé les comptes et liste des membres du CA(et éventuellement du bureau).
Il faut par contre savoir que la FE ne peut pas faire appel à la générosité du public, recevoir des dons ni de legs, à l’exception des dons des salariés de l’entreprise fondatrice ni placer ses valeurs mobilières autrement qu'en titres nominatifs ou en valeurs admises par la Banque de France en garanties d'avances.
Fondation d'Entreprise et environnement :
De très nombreuses entreprises d'une taille conséquente ont créée leur FE, notamment afin d'améliorer la visibilité de leurs actions en matière de RSE. Parmi elles, on peut notamment citer la Fondation d'Aéroport de Paris, celle de Véolia Environnement ou encore celle d'Ecocert, qui prolongent les engagements de ces entreprises en faveur, notamment, de la protection de l'environnement, de l'amélioration des conditions sociales des populations et du maintien du patrimoine culturel.