
Les ZDE ne sont pas soumises à l'obligation d'information du public (CE 26 juin 2013 n°360 466 Commune de Roquefère et autres)
Par Margaux THIRION
Juriste Droit de l'environnement - Droit de l'urbanisme - Droit Public - Eleve Avocate
Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC) - Versailles
Posté le: 04/07/2013 17:57
Alors que la loi Brottes adoptée le 15 avril dernier a supprimé les zones de développement de l’éolien (ZDE), le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur la soumission de ce dispositif à la participation du public dans un arrêt du 26 juin 2013 n°360466 Commune de Roquefère.
Les ZDE ont été créées à l’initiative de la loi du 13 juillet 2005, dit loi POPE (loi de Programmation fixant les Orientations de la Politique Energétique). Ces zones avaient vocation à permettre aux éoliennes implantées dessus de bénéficier de l’obligation de rachat de l’électricité à un prix incitatif.
Le principe de participation du public aux décisions ayant un impact sur l’environnement, tel qu’applicable aux faits de l’espèce, c’est-à-dire dans sa version issue de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et avant sa modification par la loi du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’Environnement, est codifié à l’article L.110-1 II 4° du Code de l’Environnement et a fait l’objet d’une loi spécifique fin 2012.
En l’espèce, le préfet de l’Aude avait adopté, le 13 mai 2008, sur proposition de plusieurs communes, une zone de développement de l’éolien sur le territoire de ces communes. Des communes voisines ont formulé un recours gracieux auprès de l’auteur de l’acte afin d’en obtenir son annulation, recours auquel il n’a pas été fait droit. Les communes ont donc saisi le Tribunal administratif de Montpellier aux fins d’annulation, pour excès de pouvoir, de l’arrêté fixant la ZDE et du rejet du recours gracieux par le préfet. Le tribunal rejette ces demandes. La Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par les parties déboutées en première instance, fait droit à leur demande et annule, dans une décision du 24 avril 2012, le jugement du tribunal administratif de Montpellier et l’arrêté du 13 mai 2008 créant la ZDE. Les communes à l’origine de la proposition de la ZDE, une société ainsi que la ministre de l’écologie se sont pourvu en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d’Etat a conclu à la cassation de l’arrêt de la CAA de Marseille, pour erreur de droit et n’a pas statué sur le fond, renvoyant l’affaire devant cette même juridiction.
Pour parvenir à cette conclusion, le Conseil d’Etat tient en raisonnement en deux temps.
Dans un premier temps, il s’intéresse à l’article L.110-1 du Code de l’Environnement qui dispose que : « I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (...) 4° Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ».
Le Conseil d’Etat relève alors que ces dispositions ne font qu’énoncer des principes, dont la portée doit être précisée par une intervention du législateur, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce, si bien que ces dispositions, en l’absence de toute précision législative, ne sont pas de nature à faire naître une quelconque obligation à la charge des porteurs de projet ayant une incidence importante sur l’environnement.
Dans un second temps, le Conseil d’Etat s’attarde sur la nature des zones de développement de l’éolien, afin de savoir si, en tout état de cause, elles peuvent être considérées comme des projets ayant une incidence sur l’environnement.
Pour ce faire, il se réfère à l’article L.10-1 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. Ce dernier prévoit que « Les zones de développement de l'éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l'accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé. / La proposition de zones de développement de l'éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans ce périmètre, des dispositions de l'article 10. Elle est accompagnée d'éléments facilitant l'appréciation de l'intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. / La décision du préfet du département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle-ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des communes limitrophes à celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l'éolien. Ces avis sont réputés favorables faute de réponse dans un délai de trois mois suivant la transmission de la demande par le préfet. Le préfet veille à la cohérence départementale des zones de développement de l'éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages (...) ».
L’article 10 de cette même loi, dans sa version applicable à l’arrêté attaqué, prévoit que seules les éoliennes situées dans le périmètre d’une zone telle que définie à l’article 10-1 peuvent bénéficier de l’obligation d’achat de l’électricité produite.
Après avoir étudié la nature des ZDE, le Conseil d’Etat parvient à la conclusion selon laquelle « une zone de développement de l'éolien se borne à délimiter un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l'implantation des éoliennes sans autoriser la réalisation de travaux relatifs à une telle implantation ; qu'une telle décision préfectorale ne constitue pas, par suite, et en tout état de cause, un " projet " ayant une incidence importante sur l'environnement au sens des dispositions du 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ».
Ainsi, non seulement le principe de participation tel qu’existant à l’époque de l’arrêté attaqué n’était pas applicable, du fait de l’absence de loi venant préciser ses modalités de mise en œuvre mais de surcroît, la ZDE n’est pas un projet ayant une incidence sur l’environnement (au sens de l’article L.110-1 II 4° du Code de l’environnement), une telle zone ne servant qu’à délimiter un périmètre d’implantation privilégiée des éoliennes mais ne devant en aucun cas se confondre avec les autorisations administratives à obtenir pour l’implantation d’éoliennes.
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat vient donc affirmer le fait que le principe de participation du public n’est pas applicable aux ZDE.
Cet arrêté a été qualifié de revirement de jurisprudence, par rapport à un arrêt rendu le 16 avril 2010 (CE 16 avril 2010 Brocard et association Rabodeau Environnement n°318067). Or, telle n’est pas la teneur réelle de cet arrêt. En effet, dans cette espèce, le Conseil d’Etat avait seulement conclu au fait que l’arrêté créant une ZDE n’avait pas procédé à une concertation suffisante, sans pour autant annuler l’arrêté, si bien que la question de savoir si ces arrêtés étaient ou non soumis au principe de participation restait ouverte.
Cependant, à la suite de cet arrêt, de nombreux tribunaux administratifs ont annulé des arrêtés de ZDE pour défaut de participation du public, ce qui était donc un vecteur de fragilisation des projets éoliens.
Malgré la suppression des ZDE par la loi Brottes du 15 avril 2013, cette jurisprudence n’est pas sans intérêt puisqu’elle permet de renforcer la sécurité juridique des producteurs d’électricité dont les éoliennes se trouvent en ZDE, ces derniers pouvant continuer à bénéficier de l’obligation d’achat prévue par la loi de 2000. Enfin, se pose la question d’une possible transposition de cette jurisprudence aux schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE), ces derniers étant devenus les schémas de référence de l’éolien, suite à la suppression des ZDE.