
Le passeport vert : garant de la protection de l'environnement
Par Maud TRIOULAIRE
Ingenieur prevention des risques
GDF SUEZ
Posté le: 02/07/2013 15:32
La première étape de la déconstruction d’un navire est l’établissement d’un contrat de vente avec la société acheteuse. Le prix, les clauses du contrat vont varier en fonction de la qualité du navire, de l’état et de la rareté des matériaux qui le constituent. Le contrat établi et signé, le navire est dirigé vers le port de déconstruction. Cette étape peut générer quelques complications liées à la qualité de propriétaire du navire. Les contrats de vente de navire en fin de vie exigent un transfert de propriété à la remise de la chose, l’acheteur ne devient propriétaire que lorsque le navire est amarré à son port. Le vendeur reste donc propriétaire pendant toute la traversée, autrement dit du départ du bateau jusqu’à son arrivée. Or, la difficulté réside dans ce transport, les assureurs sont généralement peu enclins à assurer un navire en fin de vie partant pour son démantèlement, le propriétaire vendeur devra donc assumer seul la responsabilité de la livraison et du trajet du bateau. Certains vont chercher à transférer la propriété du navire avant son départ pour le chantier de déconstruction mais évidemment peu d’acquéreurs acceptent car ce transfert génère des risques et une responsabilité plus importants pour ceux-ci. Le contrat de vente doit préciser la durée de la traversée du navire et prévoir des indemnités de retard proportionnelles aux tonnes et au jour de retard dans des clauses de pénalités.
Le navire mouille ensuite au large des eaux internationales afin d’obtenir l’autorisation d’échouage délivrée par les autorités locales. Cette formalité administrative dure en moyenne une semaine. Cette autorisation est subordonnée au paiement de taxes d’importation et par la délivrance, après inspection du navire, d’un certificat de dégazage par l’administration du pays sur le territoire duquel le bateau est acheminé. Après avoir rempli toutes ces formalités administratives, le navire est prêt à être démanteler au sens stricto sensu du terme.
La deuxième étape de la déconstruction d’un navire consiste à rassembler toute la documentation relative à celui-ci ainsi que la liste des matières dangereuses, aujourd’hui appelée le passeport vert. Le passeport vert est un document déclaratif, établi par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) dans la résolution A 962 du 5 décembre 2003 complétée par les résolutions A 980 et A 981 du 1er décembre 2005. Pour sa création, l’OMI s’est appuyé sur des textes internationaux tels que la Convention de Bâle sur le transfert transfrontalier de déchets ou encore les conventions et directives de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Le passeport vert ne dispose pas de caractère obligatoire, il ne peut donc être imposé au propriétaire du navire. S’il est mis en place, ce document doit contenir tous les renseignements concernant les produits potentiellement dangereux utilisés dans la construction du navire, son armement ou ses systèmes en précisant leur quantité et leur localisation. Le passeport vert doit être élaboré à la demande et aux frais du propriétaire du navire, de sa conception jusqu’à sa fin de vie. Il doit être mis à jour pendant toute la vie du navire. Il doit également être détenu par le propriétaire et l’exploitant du navire de manière pouvoir le présenter en cas de contrôle par l’Etat du port ou du pavillon. Il doit donc impérativement être transmis aux nouveaux propriétaires et fourni au site de démantèlement avant le commencement du chantier. La finalité du passeport vert est de faciliter les opérations de démantèlement et de recyclage du navire pour, à terme, réduire progressivement l’usage de toute matière dangereuse à la conception du navire et durant sa vie active afin de préserver la santé humaine et l’environnement.
L’inventaire de ces matières est séparé en trois listes. La première liste concerne la conception, la fabrication ou l’entretien du navire, il s’agit en définitive de tous les produits liés à la structure ou aux équipements d’exploitation et de vie du navire, par exemple les revêtements de coque, les isolants, les peintures, les produits chimiques. La deuxième liste vise tous les déchets solides et liquides liés à l’exploitation du navire, présents principalement dans les soutes et les cuves. La troisième liste traite des stockes nécessaires à la vie du navire et de son équipage, autrement dit tous les stocks et provisions du navire. L’inventaire des substances potentiellement dangereuses présentes à bord du navire est difficilement réalisable pour les navires en fin de vie lorsqu’il n’a pas été tenu dès la construction du bateau. En effet, l’établissement de ce document nécessite une identification, une localisation et une quantification des matières à risque très précises. Cette opération peut se révéler complexe si les documents historiques concernant le navire sont incomplets ou si certains composants sont inaccessibles sauf à entamer la déconstruction du navire.
Pour les navires militaires, le passeport vert est piloté par le Service de soutien de la flotte, maitre d’ouvrage du Maintien en Condition Opérationnelle (MCO) naval et certifié par un organisme indépendant. En principe, le projet de Convention de l’OMI relatif au démantèlement exclut de son champ d’application les navires militaires. Néanmoins, la Marine Nationale a souhaité suivre quelques directives de ce projet et a confié à la Direction Générale de l’Armement (DGA) la création d’un passeport vert pour les nouvelles constructions telles que les frégates Horizon, FREMM et les sous marins nucléaire d’attaque Barracuda. Elle a également demandé au Service de soutien de la flotte de mettre en place un certificat similaire au passeport vert pour les navires déjà mis en service, c’est actuellement le cas pour les Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) Transports de chalands en débarquement (TCD) type Orage ou Ouragan.
Au niveau européen, le passeport vert a reçu un accueil plus favorable puisque la Royal Navy, en Angleterre, s’est inspiré du concept pour mettre en place une base de donnée informatisée et la marine militaire allemande a lancé un processus conforme à l’esprit du passeport vert.
Suite à l’établissement de ce passeport vert, un plan de recyclage ou de démantèlement doit être mis en place en application de la section 8.3.2 des directives de l’OMI sur le recyclage des navires adoptée par le Comité de la protection du milieu marin (MEPC). Ce document doit être élaboré par le chantier de démantèlement et le propriétaire du navire en se basant sur les éléments fournis par le passeport vert. Il doit, en principe, être réalisé avant le départ du navire pour le chantier de démantèlement. Ce plan de démantèlement doit comprendre un plan relatif à la sécurité et à la santé des travailleurs, un plan relatif au respect de l’environnement et un plan d’exploitation. Il doit également y figurer tout renseignement relatif aux équipements de sécurité encore disponibles et les substances potentiellement dangereuses que le chantier de démantèlement souhaiterait faire retirer avant l’arrivée du navire.