
La marchandisation de la biodiversité : une problématique internationale
Par Julia BERKOWICZ
Juriste environnement
Cabinet d'avocats Allena
Posté le: 22/06/2013 21:44
La principale finalité de la Conférence de Rio était d'aboutir à un accord sur la nécessité de promouvoir l'idée d'un développement durable. Les pays du Nord comme ceux du Sud se sont accordés sur la constatation suivante: les principales menaces pesant sur l'environnement sont d'une part la pauvreté qui amène à une surexploitation des ressources naturelles, et d'autre part les modes occidentaux de consommation qui conduisent au gaspillage de l'énergie et à la pollution des milieux. L'idée était la mise au point d'un modèle de croissance plus économe en ressources naturelles et plus respectueux de l'environnement. Lors de la Conférence de Rio, quatre textes ont été adoptés. Le premier fut l'Agenda 21 qui précise les objectifs à atteindre pour parvenir à un développement durable pour le XXème siècle. Le deuxième texte fut la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement. Il énumère les 27 grands principes d'une gestion durable qui précisent les relations « environnement et développement », notamment le droit souverain pour les États d'exploiter leurs ressources.
Les troisième et quatrième textes adoptés ont force obligatoire pour les États qui les ont ratifiés: la Convention cadre sur les changements climatiques et la Convention sur la Diversité biologique (CDB) adoptée le 5 juin 1992 est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Lors du Sommet de la Terre, le terme de diversité biologique est sorti des cercles fermés des sciences et vie de la terre. La logique de gestion des ressources naturelles prend désormais en compte la biodiversité, dans la perspective d’un développement durable qui permet le renouvellement harmonieux des ressources et leur survie.
I La Convention sur la Diversité Biologique
Au début du XXIème siècle, les autorités publiques ont pris conscience que les ressources du monde étaient limitées et que la technologie ne pouvait pas tout faire. C’est donc à cette fin que la Convention sur la Diversité Biologique a été adoptée, constituant ainsi un engagement à valeur légale pour mettre fin à l’érosion de la biodiversité et à assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.
Le principe de conservation est un des plus anciens principes à portée utilitariste. Il a pour objectif le maintien des ressources naturelles à un niveau utilisable. Le but est de permettre une exploitation maximale des ressources de façon à ne pas compromettre l'existence et garantir le maintien ou le renouvellement de ces ressources. Ce n'est donc pas l'environnement en tant que tel qui est protégé au travers des textes mais le potentiel économique des ressources en cause, en limitant leur prélèvement afin de permettre leur pérennisation. Dérive de ce principe, la notion de rendements optimums soutenables. Selon celle-ci, les ressources renouvelables ne doivent pas être exploitées au-delà d'une certaine limite, au-delà de laquelle la survie des espèces ainsi que leur renouvellement n’est pas assuré. Le potentiel économique et écologique des ressources est abordé par plusieurs textes dont notamment la CDB et le Protocole de Nagoya. Les enjeux soulevés par la CDB sont de deux ordres. D'une part, il est admis que la protection de la biodiversité passe par celle de modes de vie liés intrinsèquement aux écosystèmes qui nécessitent de nouvelles modalités de développement plus durable. Ce changement de paradigme s'inscrit dans un contexte marqué par la dégradation des ressources naturelles. D'autre part, les communautés autochtones et locales sont désormais considérées comme les premières bénéficiaires du partage des avantages liés aux profits découlant de l’utilisation des ressources naturelles.
II Le Protocole de Nagoya
On a compris que l’absence de caractère non-contraignant de la CDB posait un problème majeur. Lors de la 10ème Conférence des Parties, qui se réunit tous les deux ans, a été adopté in extremis un protocole contraignant : le Protocole de Nagoya adopté le 29 octobre 2010 à Nagoya au Japon et qui entrera en vigueur 90 jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification. Le Protocole de Nagoya (aussi connu sous le nom de Protocole d’APA) sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation est un accord international visant à partager les avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques d'une manière juste et équitable, contribuant ainsi à la conservation de la diversité biologique et à l’utilisation durable de ses éléments constitutifs.
Parallèlement à l’adoption de ce protocole, ont débuté des négociations relatives à la création d’une plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco systémiques (IPBES). Il s’agit d’établir une organisation intergouvernementale indépendante qui s’efforcera de traduire les informations scientifiques à destination des décideurs politiques dans l’optique d’un dialogue renforcé, en donnant une réponse à la fois locale et globale à l'érosion de la biodiversité. En outre, lors de la Conférence de Nagoya, l'établissement d'un Plan stratégique de préservation de la biodiversité pour 2020 a été discuté. Ces objectifs serviront avant tout à guider les efforts nationaux et internationaux de protection de la biodiversité et n'ont pas de caractère contraignant.
La protection de la biodiversité et des savoirs traditionnels constituent à l’heure actuelle un enjeu majeur et un sujet de première importance dans l’agenda de la diplomatie internationale Nord-Sud. On voit bien que le système de production industrielle et sa logique de croissance perpétuelle ont des conséquences sur l’écosystème - les systèmes vivants de la planète sont menacés – ainsi que sur les communautés locales et autochtones qui ont entretenu cette diversité biologique et qui en dépendent. Face à cette problématique, les autorités publiques ont par conséquent mis en place des mécanismes juridiques de protection.