I. Composition et organisation du CNPN :

Le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) est une commission administrative à caractère consultatif, missionnée pour donner au ministre chargé de la protection de la nature son avis sur les moyens propres à préserver et à restaurer la diversité de la faune et de la flore sauvage et des habitats naturels. C'est ce même ministre qui assure la présidence du CNPN.
Il a été créé en 1946, à l’origine pour participer à la définition des statuts des parcs nationaux, veiller à la mise en place de réserves naturelles et de leur gestion et pour rendre des avis sur diverses questions en rapport avec l’aménagement dans ces parcs et réserves. La loi de 1976 sur la protection de la nature lui a assigné une mission supplémentaire, celle de préserver la faune et la flore sauvages (décret 1977) avant de lui confier en 1989 la protection des habitats, puis, sous l’impulsion des directives européennes « Oiseaux » et « Habitats - Faune - Flore », l’examen pour avis et expertise des sujets touchant à la protection de la biodiversité sous toutes ses formes.
Aujourd’hui, le CNPN est régi par les articles R-133-1 et s. du Code de l’Environnement. Présidé par le/la ministre de l'environnement, en structure plénière, il est composé de 40 membres (dont 20 membres de droit représentant institutions et associations nationales et 20 membres nommés pour 4 ans choisis parmi diverses personnalités qualifiées (scientifiques, représentants d’associations régionales de protection de la nature, de structures professionnelles)). Tout travail effectué au sein du CNPN repose sur le bénévolat. Globalement, il rend près de 800 avis par an.
D'après l'association FERUS (1ère association pour la conservation des ours, loup et lynx en France) : " même si son avis n’est que consultatif, (le CNPN) émet des avis sur les grands projets d’aménagements, les mesures compensatoires et les politiques officielles de protection de l’environnement. Il est la seule instance où les associations de défense de l’environnement peuvent intervenir au niveau du ministère, que ce soit en exprimant leurs opinions ou en participant aux délibérations et ainsi influencer les politiques environnementales de l’Etat ".

Le CNPN examine également les mesures législatives et réglementaires prises en matière de protection de la nature par les autorités compétentes, ainsi que les travaux scientifiques s’y référant, et plus généralement toute question que le/la ministre juge utile de lui soumettre dans ces domaines.
Dans cette optique, il est systématiquement consulté sur les moyens destinés à assurer la protection des espaces naturels et le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent, et donne des avis au ministre chargé de la protection de la nature ou donne délégation pour ces avis à ses experts délégués nationaux et commissions, notamment en matière de :
• Parcs nationaux (PN),
• Parcs naturels régionaux (PNR),
• Réserves naturelles nationales (RNN),
• Réserves biologiques (RB)
• Parcs naturels marins (PNM)
• Préservation de la faune et de la flore sauvages,

Pour mener à bien ses missions, le CNPN est doté d’un comité permanent et de commissions chargés de l’aider en préparant ses travaux et en réfléchissant sur des sujets plus transversaux et généraux.

- Le Comité Permanent : Composé de 14 membres (7 de droit, 7 nommés). Il peut recevoir délégation du conseil sur tout dossier à l’exception des parcs nationaux. Il a 3 missions principales (art R-133-12 et s. CE) :

 --> de par son mandat il prépare des avis qui seront donnés par le CNPN plénier. Ce rôle est d’ailleurs amplifié par la délégation donnée au comité permanent par le CNPN pour des avis relatifs à des demandes de dérogation aux mesures de protection des espèces de faune et de flore sauvages.

 --> il est également force de proposition : éléments de politiques publiques, programmes d’action et conseils divers.

- Les 4 Commissions :

 - Parcs Naturels Régionaux et chartes de Parcs Nationaux,
 - Aires protégées,
 - Faune et ses habitats,
 - Flore et ses habitats.

Ce sont ces 2 dernières commissions, suivant l'espèce concernée, qui étudieront les demandes de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégée prévue aux art. L.411-2 et S. du code de l’environnement).
NB : Un rapport rendu début février 2011 sur la gouvernance de la biodiversité en France remettait en question l'existence de ce Conseil, mais ce projet a disparu définitivement au cours de l’été 2011. De critiques ont été formulées sur le fait que le ministre de l'envir préside le CNPN et sur le manque de clarté sur les rôles respectifs du ministère et du CNPN concernant les avis donnés : le CNPN donne des avis libres qui sont transmis au pouvoir exécutif qui les approuve ou non, il devrait donc selon certains être présidé par une personnalité indépendante.






II. La procédure devant le CNPN :

Pour rappel, si votre projet est soumis à une étude d’impact, vous devez réaliser une Etude Faune-Flore-Habitats (art L.110-1 et L.122-1 CE) permettant de déterminer :
 La présence d’espèces faunistiques ou floristiques protégées ;
 La présence d’habitats communautaires à préserver ;
 Les interactions éventuelles du projet sur le(s) site(s) NATURA 2000 avoisinants.

Le cas échéant, vous serez peut être amené à :
 Mettre en place une Evaluation des incidences en cas d’interactions avec le(s) site(s) NATURA 2000 avoisinant (décret n°2010-365 du 9 avril 2010) ;
 Constituer un dossier CNPN pour l’obtention d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées dans l’emprise de votre projet (art. L.411-2 du code de l’environnement).

En cas de présentation d'une demande de dérogation à l'interdiction de détruire certaines espèces, la procédure administrative est la suivante : la préfecture saisit la DREAL pour instruction de cette demande, la DREAL élabore un avis qui sera soumis à la validation de la Préfecture. Une fois validé, cet avis est transmis au Ministère de l'environnement et du développement durable qui le présente pour avis au CNPN (rappelons qu'il s'agit d'un avis simple, non conforme). Le pétitionnaire pourra être amené à venir présenter son dossier devant le CNPN si l'expert délégué de ce Conseil décide du choix du passage du dossier en commission plénière. Le CNPN rend alors son avis, qui est transmis à la préfecture et au Ministère. Ce dernier rend alors une décision de dérogation ou de refus. Le CNPN comme la préfecture et le Ministère suivront ensuite la mise en œuvre de cet avis.


D'après Serge MULLER, Président de la commission flore au CNPN : ''Si la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 permet la destruction d’espèces protégées en introduisant la notion de “dérogation pour des opérations correspondant à des raisons impératives d’intérêt public majeur”, l’avis favorable du CNPN est chichement accordé. La raison principale en est que les maîtres d’ouvrage ficellent souvent mal leurs études d’impact, et montrent une grande frilosité dans les mesures compensatoires proposées. Pour chaque dossier présenté “on doit savoir précisément quelle est la proportion de l’espèce protégée impactée sur un territoire donné” souligne Serge Muller, le président de la commission flore du CNPN.

Et pour lui d'ajouter qu'il est indispensable de prendre le temps d’étudier les situations : ''le maître d’ouvrage doit savoir prendre le temps de la nécessaire étude du milieu, de l’espèce, et de l’impact de son projet sur ceux-ci. “La qualité des mesures sera fonction de la qualité des inventaires. Elles doivent garantir la préservation de la biodiversité”. Un exemple est resté fameux pour Serge Muller, en PACA : celui d’ITER. “L’étude d’impact parlait “d’espèces potentiellement présentes” sur le site. Du fait des délais très courts et
de la période hivernale de l’étude, le Bureau d’Études n’avait pas eu la possibilité d’aller les rechercher sur le terrain. L'avis du CNPN sera négatif, mais n'aura pas été suivi par le préfet de Région, qui imposera tout de même des mesures compensatoires non négligeables. Toutefois, il est bon de souligner que tous les projets ne relèvent pas d’un traité international, comme c’était le cas d’ITER.


Le CNPN se base sur les connaissances de la distribution des espèces mais il faut savoir que “toutes les espèces protégées ne sont pas forcément les espèces les plus menacées”, prévient Serge Muller qui précisé que certaines sont parfois protégées pour servir des stratégies globales de protection d’habitats. Le Conseil ne s'appuie pas uniquement sur des critères environnementaux; les critères étant évolutifs, il est essentiel pour les maîtres d’ouvrage de présenter des dossiers très complets et bien documentés. “Nous devons ainsi connaître la situation de la plante concernée par une mesure compensatoire sur les plans régionaux, nationaux et internationaux, afin de pouvoir évaluer l’impact du projet présenté sur l’espèce”. Ainsi on pourra envisager la destruction de certaines implantations d'espèces ''mais à condition que les mesures compensatoires soient fortes”. Les maîtres d’ouvrage doivent en somme démontrer que la durabilité des projets est une de leurs règles, même quand la direction change et les actionnaires varient… conseille S. Muller.





III. La valeur des avis du CNPN :

Sur 40 dérogations traitées annuellement, entre 15 et 20 sont accordées par le Préfet sur avis favorable du CNPN. Il faut noter que la durée de la procédure est très variable et dépend essentiellement de la complétude dossier et des espèces concernées. Il faut compter en moyenne entre 3 et 9 mois ; des des délais variables et relativement longs, qui s'expliquent par le fait que la DREAL peut être amenée à demander des précisions ou des compléments sur certains points du dossier notamment après avis du CSRPN et du CNPN.


En cas d'avis divergeant du Préfet et du CNPN, c'est le Préfet qui tranche, il n'est pas tenu de suivre l'avis du Conseil. Si la consultation du CNPN est un élément de procédure obligatoire, son avis ne peut toutefois pas faire l'objet d'un contentieux puisqu'il n'est pas considéré comme un acte faisant grief. En conséquence, seule la dérogation effectivement accordée par la préfecture ou son refus peuvent faire l'objet d'un contentieux.

Un contentieux existe s'agissant cette fois de l'obligation faite à l'autorité Environnementale d'indiquer la qu'une demande de dérogation est nécessaire. Or elle le fait souvent trop tard, et les éléments nécessaires (qui doivent aussi en toute logique être présents dans l'Etude d'impact sur l'environnement) ne figureront pas pour l'enquête publique. Il faut donc anticiper. Un cadrage préalable et un travail amont sur ce point notamment permet d'éviter ce genre d'écueil. Et l'enjeu est grand : à l'instar des déclarations et autorisations d'ICPE, l'obtention de la dérogation absolument nécessaire avant de débuter les travaux. Il n'est pas prévu de délai réglementaire ; en pratique, il faut compter un minimum de trois mois. Pour éviter un possible coup d'arrêt au projet à la fin des démarches, la DREAL suggère de déposer le dossier de demande de dérogation vraiment en amont, au plus tard moment du dépôt du dossier de demande d'autorisation principale, l'idéal étant d'avoir obtenu l'autorisation de dérogation avant de déposer le dossier de demande d'autorisation du projet. Il est très utile, pour le CNPN, que le dossier soit déposé bien en amont. Toutefois cela implique que l'étude d'impact soit bien avancée, ce qui semble incohérent par rapport à la proposition de la DREAL de déposer le dossier de demande de dérogation avant l'étude d'impact. Un dépôt en amont de la demande de dérogation permet que les mesures, prescriptions, propositions de suivi, plans de gestions, conventions, … issues de l'avis d'expert du CNPN, puissent être aisément intégrées à l'étude d'impact, afin de proposer un panorama complet au public et aux services instructeurs, renforçant le caractère généraliste et « ensemblier » de l'étude d'impact.


Il convient de citer deux exemples concrets pour bien comprendre des incidences de l'avis du CNPN : “Le Conseil général de la Moselle a un jour avancé un projet de voie rapide qui impactait des stations d’un carex protégé. Comme mesure compensatoire, il proposait l’achat d’un terrain voisin. Nous étions en 2000”. En 2007, nouveau projet d’extension de la voie rapide par le même Conseil général. “Ils n’avaient toujours pas acheté le terrain. Comment faire confiance ?” Il faut le savoir, le CNPN a une mémoire d’éléphant prévient S. Muller. Un autre exemple très parlant des conséquences des avis rendu par le CNPN celui du procès d'un géant suédois de l'ameublement devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence. Le Procureur de la République avait alors requis une amende de 30.000 euros pour destruction sans autorisation d’espèces protégées et de leurs habitats. La FNE, l’Union Régionale Vie et Nature et Environnement Méditerranée, qui s'étaient portées parties civiles ont demandé chacune 10 000€ à titre de dommages et intérêts. Au printemps 2007, après un premier avis défavorable, la société en cause se prépare à présenter de nouveau son dossier au CNPN pour la mise en œuvre de son projet. Une association locale porte alors à la connaissance de l’entreprise, du CNPN et des services de l’état la pauvreté navrante du pré-diagnostic hivernal (faisant foi d’étude d’impact pour l’entreprise et les services de l’état) pourtant réalisé par un bureau d’études. Ces derniers ne sont pas infaillibles : de nombreuses espèces végétales et animales protégées qui n'ont pas été mentionnées dans la dite étude ont été découvertes sur le site par les membres de l’association. Cette intervention entraînera un avis défavorable du CNPN ainsi que l’arrêt temporaire des travaux de défrichement. De plus, à la suite de la procédure judiciaire précitée, le géant de l'ameublement sera condamné à 30.000 euros d'amende, dont 10.000 avec sursis.