
Procédure de sortie du statut de déchets: application aux déchets dangereux
Par Margaux THIRION
Juriste Droit de l'environnement - Droit de l'urbanisme - Droit Public - Eleve Avocate
Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC) - Versailles
Posté le: 11/06/2013 9:55
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Cette maxime, énoncée par Lavoisier à la fin du XVIIIème siècle concernant la chimie, illustre parfaitement l’état du droit en matière de déchets. En effet, la directive 2008/98/CE a envisagé l’hypothèse selon laquelle des déchets pouvaient cesser d’en être, à certaines conditions (I), selon une procédure définie (II), applicable même aux déchets dangereux (III).
I. Les critères de la sortie du statut de déchet.
La sortie du statut de déchet est une possibilité prévue par l’article 6 de la directive 2008/98/CE.
Cette directive, transposée en droit français par l’ordonnance du 17 décembre 2010 et le décret du 30 avril 2012, se retrouve désormais aux articles L. 541-4-3, D.541-6-2 et D. 541-12-4 et suivants du Code de l’Environnement.
La procédure de sortie du statut de déchets est entrée en vigueur le 1er octobre 2012. Les textes existants ont été complétés par l’adoption d’un arrêté du 2 août 2012 relatif aux principes du système de gestion de la qualité, auquel il est fait référence à l’article D.541-12-14 du Code de l’Environnement et d’un arrêté du 3 octobre 2012 détaillant le contenu du dossier de demande de sortie du statut de déchet.
Pour qu’un déchet cesse de l’être, il faut tout d’abord qu’il ait été traité dans une installation soumise à la législation ICPE ou Eau (IOTA), qu’il ait ensuite fait l’objet d’une opération de valorisation (recyclage, préparation en vue de la réutilisation). Enfin, il doit respecter les critères fixés par l’autorité compétente, qui sera différente selon le type de déchets envisagé ainsi que l’objet de la demande de sortie du statut de déchet.
La procédure de sortie du statut de déchets relève donc de 3 niveaux:
- le niveau communautaire qui doit concerner notamment les granulats, le papier, le verre, le métal les pneus et les textiles. L’entrée en vigueur de critères au niveau communautaire a pour conséquence de faire disparaître les critères nationaux prévus dans le même domaine.
- le niveau national, lorsque la demande porte sur une catégorie de déchets. La décision sera alors prise par arrêté du ministre de l’Environnement, après avis d’une commission consultative sur le statut de déchet qui a été créée par le décret du 30 avril 2012 qui prévoit sa composition, son rôle, ses modalités de fonctionnement.
- le niveau départemental lorsque la demande porte sur un déchet spécifique relevant d’une installation déterminée.
Ainsi, ce sont ces autorités qui vont fixer les critères devant être respectés par le déchet afin de pouvoir le sortir de ce statut. Ces critères doivent respecter les conditions cumulatives suivantes :
- la substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques
- il existe une demande ou un marché pour un tel objet ou substance
- la substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation ou les normes applicables aux produits
- son utilisation n’a pas d’effet nocif global sur la santé humaine ou l’environnement.
Cette procédure permet donc à des déchets de redevenir, de façon légale, des produits. Elle relève d’une démarche volontaire, elle n’est donc pas une obligation pour les professionnels du secteur qui doivent prendre la décision de s’engager dans ce processus au vu du résultat d’un bilan coût-avantages, notamment d’un point de vue économique, afin de savoir si cela peut leur être profitable ou non.
II. La procédure de sortie du statut de déchet.
Si la législation applicable aux déchets contient de nombreuses procédures, une sortie de ce régime n’inclut pas pour autant la disparition de ces lourdeurs administratives, la demande de sortie du statut de déchet nécessitant l’accomplissement de plusieurs formalités administratives. Toutefois, l’engagement dans un tel processus peut revêtir certains avantages pour l’exploitant. En effet, la sortie du statut de déchet ayant pour conséquence de le faire redevenir un produit, cela permet à ces exploitants d’échapper aux obligations pensant sur eux au titre de la détention de déchets : par exemple, pour le transport de ces produits, ils peuvent désormais s’adresser à l’entreprise de leur choix et non plus uniquement à celle autorisée à transporter des déchets. De plus, le transfert transfrontalier de ces produits se trouve facilité, ces derniers étant soumis au principe de libre circulation des biens.
Pour formuler une demande de sortie du statut de déchet, l’exploitant d’une ICPE ou d’un IOTA, individuellement ou conjointement avec d’autres exploitants, doit adresser un dossier auprès de l’autorité compétente. Le contenu du dossier a été énoncé par l’arrêté du 3 octobre 2012 qui doit contenir les informations permettant d’établir que le déchet satisfait aux conditions de l’article L.541-4-3 du Code de l’Environnement, une proposition des critères permettant de vérifier ces conditions, une proposition d’un modèle et du contenu de l’attestation de conformité, une proposition d’un système de gestion de la qualité (un arrêté du 2 août 2012 est venu préciser que ce système devait répondre aux exigences de la norme ISO 9001). L’autorité compétente statue alors sur la demande, elle peut demander des informations complémentaires ou une analyse critique. Si elle ne le fait pas, elle peut considérer que le déchet est susceptible de satisfaire aux conditions de l’article L.541-4-3 du Code de l’Environnement. L’arrêté de sortie du statut de déchet est pris, après avis conforme du ministre de l’environnement si la demande porte sur un déchet spécifique valorisé dans une installation déterminée, après avis de la commission consultative sur le statut de déchet si la demande porte sur une catégorie de déchet. Il convient de préciser que les critères de sortie du statut de déchet peuvent être fixés pour une durée déterminée.
Le déchet cessant d’en être un est soumis à la législation applicable aux produits. A l’issue de ce processus, l’exploitant d’un IOTA ou d’une ICPE doit délivrer une attestation de conformité pour chaque lot de substances ou objets qui ont cessé d’être des déchets. Cette attestation doit être transmise au détenteur suivant. Une copie de celle-ci doit être conservée pendant au moins 5 ans et tenue à disposition des autorités compétentes.
La question s’est alors posé de savoir si cette possibilité était ouverte à tous les types de déchets, question à laquelle la réponse de la jurisprudence a été réitérée récemment, dans un arrêt de la CJUE en date du 7 mars 2013.
III. L’applicabilité de la fin du statut de déchet aux déchets dangereux.
A l’occasion de l’arrêt du 7 mars 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne confirme une jurisprudence classique en retenant que la simple réutilisation du déchet ne suffit pas à le faire sortir de cette catégorie, autrement dit que toute la procédure de sortie du statut de déchet doit être respectée pour parvenir à ce résultat mais elle vient également apporter des précisions quant aux conditions d’application de cette procédure aux déchets dangereux.
En l’espèce, la CJUE a été saisie de questions préjudicielles dans le cadre d’un litige opposant une association de protection de l’environnement et un maître d’ouvrage en Laponie. Ce dernier avait décidé de remettre en état un chemin afin de le rendre accessible notamment aux quads. Pour ce faire, il devait mettre en place des passerelles en bois, soutenues par d’anciens poteaux de télécommunications, qui avaient été traités avec un mélange de cuivre-chrome-arsenic. Se posait alors la question de savoir si ces poteaux, utilisés en bois de soutènement, étaient des déchets, de surcroît des déchets dangereux ou bien s’ils avaient perdu cette qualification du fait de leur réutilisation.
La CJUE constate tout d’abord que « le droit de l’union n’exclut pas par principe qu’un déchet considéré comme dangereux puisse cesser d’être un déchet au sens de la directive 2008/98 ».
Elle indique ensuite que pour qu’un déchet dangereux cesse d’en être un au sens de la directive, il doit satisfaire aux conditions posées à l’article 6 de cette dernière, à savoir d’une part qu’il doit avoir subi une opération de valorisation le rendant utilisable sans danger pour la santé humaine et l’environnement et d’autre part qu’il doit être constaté que son détenteur ne s’en est fait défait et qu’il n’a ni l’intention ni l’obligation de le faire.
Enfin, il convient de relever que le Conseil d’Etat a adopté une position similaire dans deux arrêts du 1er mars (Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 1er mars 2013, Natiocrédimurs, req. n° 354188 et Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 1er mars 2013, M. B.D., req. n° 348912) en retenant que la seule réutilisation du déchet ne suffisait pas à le faire sortir de cette catégorie.