C’est pour faire face à ce phénomène que le 22 mai 2008 la France a fait un petit pas vers la sauvegarde de l’environnement marin en adhérant à la Convention de Londres du 13 février 2004 sur le contrôle des eaux de ballast et sédiments des navires.
Le législateur a en effet promulgué la loi 2007-476 autorisant l’adhésion de la France à ladite convention.

Toutefois, cette adhésion de la France à la Convention de 2004 est loin d’être suivie d’actions concrètes en la matière. L’entrée en vigueur ne se fera en effet que lorsque trente États dont les flottes marchandes représentent 35 % du tonnage brut de la flotte mondiale l’auront ratifié.

Or, bien qu’il soit nécessaire de prendre des mesures concrètes pour gérer les eaux de ballast au niveau international (I), force est de constater qu’à l’heure actuelle, seules les actions à petites échelles sont possibles (II).


I – La nécessité de prendre en considération les eaux de ballast


A- Les conséquences environnementales du déplacement des eaux


Les catastrophes écologiques engendrées par les naufrages de l’Amoco Cadiz (16 mars 1978), du Tanio (7 mars 1980), de l’Erika (12 décembre 1999) ou encore du Prestige (13 novembre 2002) pour ne citer que les plus tristement célèbres, sont des catastrophes visibles éprouvées et éprouvantes.

Moins connues et plus difficiles à établir, les pollutions dues aux rejets des eaux de ballast et sédiments des navires n’en demeurent pas moins catastrophiques pour l’écosystème maritime.
Ces eaux, bien qu’indispensables à la navigation, constituent un vecteur de pollution marine bien plus important qu’une marée noire.
C’est ainsi que l’OMI classe les eaux de ballast parmi les quatre menaces majeures pesant sur les océans, avec la destruction de l’habitat marin, la surexploitation des ressources marines et la pollution marine d’origine terrestre.

La pollution par les eaux de ballast n’est pas une pollution de rejet de produits transportés par les navires – à titre de cargaison ou à titre de soute – mais une pollution de transfert d’espèces aquatiques à travers les océans et les mers.

Les eaux de ballast sont destinées à contribuer à l’équilibre et à la stabilité du navire. Chaque navire est en effet conçu et construit pour se déplacer dans l’eau en transportant une cargaison. Ainsi, lorsque le navire voyage à vide, il est nécessaire de l’équilibrer afin qu’il soit assez enfoncé dans l’eau pour garantir le bon fonctionnement des hélices et du gouvernail. Chaque navire est donc équipé de cuves qui vont permettre de compenser les variations de cargaison et de carburant par le pompage ou le rejet d’eau de mer.

Les navires vont ainsi transporter à travers les mers et océans de nombreuses espèces marines et autres organismes aquatiques nuisibles qui seront rejetés avec les eaux de ballast dans les eaux portuaires, lors des opérations commerciales de chargement ou de déchargement.

Dans une présentation datant du 27 janvier 2005 (« Les eaux de ballast des navires »), l’Ifremer fait état de 22 millions de tonnes d’eau déballastées en France, engendrant d’importants transferts d’espèces aquatiques.
À l’échelle mondiale, se sont près de dix milliards de tonnes d’eaux de ballast qui sont transférées, occasionnant le déplacement de 7 000 espèces différentes par jour.
Les études démontrent que moins de 3% des espèces rejetées parviennent à s’établir dans les nouvelles régions. Cependant, il est également démontré qu’une seule espèce peut suffire à dévaster l’écosystème local.

Étant donné que plus de 90 % des marchandises et des produits de base mondiaux sont transportés par voie maritime, la pollution par les eaux de ballast est un problème auquel il faut accorder la plus grande importance.


B- L’action internationale


Le phénomène est connu de longue date mais n’a été pris en considération que très tardivement, dans les années 1970.
La problématique des organismes nuisibles contenus dans les eaux de ballast a été abordée en 1988 dans le cadre de l’Organisation Maritime Internationale (OMI).
Par la suite, le programme GloBallast a été mis en place par l’OMI. Il est chargé de fournir une assistance technique et une expertise aux pays en développement.
L’OMI a adopté différentes résolutions afin d’encadrer la gestion des eaux de ballast, mais face à l’étendue du problème, il est vite apparu nécessaire de rendre ces recommandations contraignantes pour une efficacité accrue.

C’est dans ce contexte qu’une conférence diplomatique, qui s’est tenue du 9 au 13 février 2004, a adopté la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires.

Si cette convention venait à entrer en vigueur, elle apporterait une réelle avancée dans le domaine de la protection de l’environnement marin.
- La Convention prévoit des obligations pesant sur les États : ceux-ci s’engagent à prendre des mesures de contrôle et à effectuer des mesures de gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires ;
- La Convention prévoit des obligations pesant sur les navires : ceux-ci doivent disposer d’un registre des eaux de ballast et mettre en œuvre des procédures adaptées de gestion des données.

Bien que cette convention se propose de mettre en place un régime strict de la gestion des eaux de ballast, son entrée en vigueur est loin d’être acquise.
Le salut passe donc par les dispositions plus régionalisées au détriment d’un effort international pour le moment vain.


II – Les dispositions internes comme palliatif au déficit de consensus international


La France a autorisé la ratification de cette convention qui reste cependant loin d’entrer en vigueur. La France, pressentant les difficultés de converger vers un consensus international, a pris soin de prendre des mesures visant à réglementer les rejets des eaux de ballast en droit interne (A).

L’action unilatérale étant une réponse précaire à un problème international, la récente présidence de la France à l’Union Européenne pourrait éventuellement permettre de prendre des mesures concrètes au niveau européen afin d’aller au-delà des trop coutumières déclarations d’intention (B).


A- La loi n° 2006-1772 sur l’eau et les milieux aquatiques (EMA)


Après l’Australie, le Canada et les Etats-Unis, la France a introduit dans sa législation des dispositions technique et pénale visant à « prévenir, réduire et finalement éliminer le déplacement d’organismes aquatiques nuisibles et pathogènes au moyen du contrôle et de la gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires » (Article L. 218-82 du Code de l’environnement).

C’est en effet par une loi 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques que le législateur a introduit les articles L. 218-82 à L. 218-86 dans le Code de l’environnement.

Ainsi, l’article L. 218-83 du Code de l’environnement prévoit plusieurs moyens de gérer les eaux de ballast.
Les navires visés par la législation devront effectuer un échange de plus de 95 % de leurs eaux de ballast dans les eaux internationales, ou procéder à la neutralisation biologique des eaux de ballast et des sédiments au moyen d’équipements embarqués agréés par l’autorité administrative.
Le navire pourra échapper à ces deux moyens de gestion en attestant qu’il n’aura pas à effectuer de déballastage dans les ports mais qu’il y procédera en haute mer en eaux profondes.

Aux termes de l’article L. 218-84 du Code de l’environnement, tout manquement à ces obligations est puni d’une amende de 300 000 euros.

La loi sur l’eau permet donc de mettre partiellement en œuvre la convention sur la gestion des eaux de ballast par anticipation, ce qui permet de pallier la difficulté de ratification de ladite convention.
Cependant, cette loi n’est qu’une traduction incomplète de la Convention.
En effet, elle ne prévoit pas de plan de gestion des eaux de ballast, de certificat international de gestion des eaux de ballast ou encore d’obligations de créer des infrastructures portuaires pour collecter les eaux potentiellement dangereuses.


B- La présidence de l’Union européenne : un consensus régional envisageable ?


Bien que des efforts soient faits au niveau national par différents États, ils restent insuffisants pour apporter une réponse satisfaisante au problème environnemental posé par les eaux de ballast.

Au niveau international, le consensus semble difficile, pour ne pas dire impossible en l’état actuel des choses. La Convention internationale de 2004 est en effet loin d’être ratifiée.
Au niveau national, la législation n’est pas pertinente car elle ne permet de réglementer les eaux de ballast que dans les eaux territoriales d’un État donné sans cohésion avec les autres États.

Ainsi, la législation au niveau régional semble la plus à même d’apporter des réponses concrètes pouvant par la suite déboucher sur un consensus international.
La présidence française de l’Union Européenne serait l’occasion de traduire la volonté hexagonale en la matière, perçue dans l’autorisation d’adhésion à la Convention de 2004, au niveau européen.