Le 11 mars 2013, l'Assemblée nationale a adopté définitivement la proposition du député Brottes portant sur « Energie : système énergétique sobre, tarification de l'eau et éoliennes » souvent désignée comme « la proposition de loi Brottes »
Les dispositions de cette proposition ont fait l'objet d'un débat passionné au sein du Parlement avec de nombreuses échanges entre les deux chambres. La Commission Mixte Paritaire (CMP) avait proposé un texte de compromis qui avait été adopté par l'Assemblée Nationale mais rejeté par le Sénat. Le gouvernement a alors saisi la Chambre des députés pour lui donner le dernier mot. Même si elle a adopté la proposition, son entrée en vigueur n'est pas certaine. En effet, le 13 mars, 110 sénateurs ainsi que plus de 60 députés ont saisi le Conseil Constitutionnel pour demander le contrôle de constitutionnalité.

Quels sont les enjeux de cette proposition de loi pour le secteur éolien terrestre ?

I. Un allègement des conditions pour bénéficier de l'obligation d'achat

On rappellera rapidement la procédure pour bénéficier de l'obligation d'achat avant de s'attarder sur ses conditions.

1. Rappel du processus de l'obligation d'achat

L'exploitant d'un parc éolien peut bénéficier d'un tarif d'achat fixé par arrêté pour vendre l'énergie produite à EDF ou à une société locale de distribution d'énergie.
Pour cela, il doit d'abord demander un certificat ouvrant droit à l'obligation d'achat (CODOA) en transmettant un dossier au préfet (DREAL) qui contient les informations précisées dans l'article 1 du décret  n°2001-410 du 10 mai 2001. La demande d'obligation d'achat ne peut porter que pour la quantité d'énergie produite en deçà ou égale au maximum au seuil fixé par la zone de développement éolien (ZDE). Le préfet a deux mois pour délivrer le CODOA. Une fois obtenu, l'exploitant pourra demander la conclusion d'un contrat d'achat. Le CODOA sera annexé au contrat d'achat qui est également conditionné par le raccordement de l'installation au réseau. La conclusion de ce contrat est importante puisqu'elle permet de préciser le retour sur les investissements effectués pour la construction du parc. Elle peut consister en un élément majeur pour financer un projet de parc éolien. La proposition de la loi Brottes permettrait de s'affranchir du seuil de quantité d'électricité produite maximum vendue fixée par la ZDE. En outre, les conditions sont allégées.


2. La suppression de la règle des cinq mâts et de l'obligation d'être situé en ZDE

En l'état du droit positif, d'après l'article L. 314-1 du code de l'énergie, pour bénéficier de l'obligation d'achat, il est nécessaire, de manière générale, que le parc éolien on shore concerné soit situé dans une ZDE et qu'il contienne au minimum cinq mâts. La proposition de loi Brottes prévoit la suppression de ces conditions. Un soulagement considérable s'envisage alors pour les développeurs éoliens. En effet, sous le régime actuel, préalablement à la création d'un parc, les communes ou la communauté de communes, le cas échéant, sur le territoire le projet est envisagé, doivent demander au préfet la création d'une ZDE. L'arrêté préfectoral instaurant la ZDE l'objet d'un recours en annulation, ce qui ralentit les procédures de création des parcs éoliens.
A propos de la règle des cinq mâts, sa suppression permettrait de développer et de débloquer les petits projets éoliens notamment en Bretagne, où de nombreux projets ont été suspendus suite à la mise en place de cette règle.

La proposition de loi Brottes est considérablement en faveur du développement de l'éolien terrestre, en dépit des oppositions formulées à cet égard.

3. Les risques craints

Les sénateurs, auteurs de la saisine du Conseil Constitutionnel, estiment que l'allègement prévu par la proposition de loi du député Brottes va à l'encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales et du respect de la Charte de l'environnement.
Ils considèrent que les ZDE sont devenues le cadre des implantations des parcs éoliens. Or, elles sont établies au niveau départemental, et leur procédure d'élaboration donne aux collectivités territoriales telles que les communes un réel pouvoir de décision. La proposition de loi en supprimant l'obligation d'implanter le parc éolien dans une ZDE pour bénéficier de l'obligation d'achat présenterait alors une atteinte au principe de libre administrations des collectivités. Cet argument pourrait ne pas être repris par le Conseil Constitutionnel. En effet, les collectivités conservent un choix pour le zonage de leur territoire grâce aux véritables documents d'urbanisme tels que les plans locaux d'urbanisme ou les cartes communales. De plus, les communes peuvent donner leur avis dans le cadre de la procédure d'élaboration des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE) qui comporte en annexe le schéma régional éolien (SRE).
Selon les auteurs de la saisine, la suppression de la règle des cinq mâts serait une menace pour la protection des paysages qui découlerait de la Charte de l'environnement à valeur constitutionnelle. En effet, elle incite la création de petits parcs éoliens dans le paysage français. La conséquence serait alors que le morcellement des parcs éoliens au détriment des paysages français. Le Conseil Constitutionnel pourrait rejeté cet argument puisque les paysages sont protégés, notamment, par l'article R111-21 du code de l'urbanisme. En outre, le mitage pourrait être évité par la prise en compte du SRE lors de la procédure d'autorisation.

II. La prise en compte du SRE lors de la procédure d'autorisation

1. Un nouveau rapport entre le SRE et la procédure d'autorisation

Un projet de réalisation d'un parc éolien dont au moins un des mâts a une hauteur supérieure à 50m ou dont un des mâts a une hauteur supérieure à 12 m et dont la puissance totale installée supérieure à 12 MW, est soumis à autorisation au titre de la réglementation ICPE.
Par application de la proposition de loi Brottes, en instruisant la demande d'autorisation, le préfet devra tenir compte de l'identification des zones favorables au développement éolien par le SRE. La proposition ne donne pas de précision supplémentaire quant à cette nouvelle « prise en compte ». De plus, elle ne prévoit pas de décret d'application pour la clarifier. Une insécurité juridique pourrait donc s'avérer. En toute hypothèse, il sera vivement conseiller aux développeurs de prévoir l'installation des parcs éoliens dans les zones favorables à l'éolien prévues dans les SRE. Pour les projets en cours, il n'est pas inutile de rappeler que les SRE doivent en principe prendre en compte les ZDE existantes. Une difficulté subsiste quant aux quelques cas où des SRE n'en ont pas tenu rigueur.

2. Une mesure pour justifier la suppression des ZDE

Il a été reproché aux ZDE et aux SRE d'être des doublons vis-à-vis d'un même objectif : identifier sur le territoire français les zones où le développement de parcs éoliens serait à promouvoir.
La proposition de loi Brottes ne supprime pas directement les ZDE de l'ordonnancement juridique. En revanche, elle abroge l'article L.314-9 du code de l'énergie relative à la procédure d'élaboration des ZDE. En outre, elle prive d'intérêt les ZDE existantes en prévoyant la suppression de la condition que le parc soit implanté dans une ZDE pour bénéficier de l'obligation d'achat. En conséquence, l'objectif d'encourager la concentration des parcs éoliens dans certaines zones seulement ne pourra plus être atteint par les ZDE. C'est sans doute la raison pour laquelle, la proposition de loi Brottes a prévu la prise en compte des SRE dans la procédure d'autorisation au titre du régime ICPE.

En conclusion, la proposition de loi Brottes a clairement l'objectif de simplifier le régime juridique des centrales éoliennes. Elle sera d'application immédiate suite à sa promulgation. Toutefois, pour celle-ci, il faudra attendre que le Conseil Constitutionnel statue. Les sages ont un délai d'un mois à compter de leur saisine pour déclarer la proposition de loi définitivement adoptée en conformité ou non avec la Constitution.